Après la projection, nous nous sommes demandés si ce grand classique du cinéma était encore intéressant pour des spectateurs d'aujourd'hui.

                                                                                                                                  Résultat de recherche d'images pour "m le maudit"

 

Ce film sorti en 1931, soit quelques années avant la montée du nazisme en Allemagne qui aboutira à la Seconde Guerre mondiale, nous a permis de mieux comprendre le contexte d'avant-guerre. En effet, le scénario illustre le manque d'autorité du gouvernement et de la police, qui ne parvient pas à faire respecter la loi. Ce manque d'autorité a permis à la pègre de prendre le contrôle de la société : les criminels règnent en maîtres sur le pays. La victoire du parti nazi en 1933 nous confirme cette volonté du peuple à mettre fin à la suprématie des criminels. Bien que cela ne fut pas désiré par Lang (qui ne pouvait deviner à l'avance les sombres évènements qui suivirent), ce film nous éclaire sur la situation sociale à cette époque et dans un format apprécié par les spectateurs : le cinéma. Dans un passage, un veil homme aborde une petite fille dans la rue et commence à lui parler ; à ce moment-là, les passants alertent les autorités et lynchent le veil homme, le prenant pour le dangereux tueur. Cette scène est représentative des mentalités méfiantes de l'époque, de plus en plus présentes dans les années 1930.

 

Dans ce film, le réalisateur nous incite à nous interroger sur la psychologie et les pulsions du tueur. C’est un homme qui paraît ordinaire, idée appuyée par la scène du café : il s’assoit à la terrasse d’un bar et commande à boire, lit un journal. Il ne semble pas préoccupé par l’omniprésence des policiers et des criminels, tous à sa recherche. Mais cet homme qui semble "normal" ne l’est pas : c’est un monstre qui commet régulièrement un crime particulièrement atroce : l’infanticide. Les pulsions du tueur sont telles qu’il affirme ne pas réussir à se contrôler. Dans la scène finale, lors de son jugement par la pègre, il affirme ne pas se rendre compte de ce qu’il fait lorsqu’il commet un crime et qu’il ne le découvre que le lendemain en lisant dans les journaux qu’un nouvel enfant a disparu. Sa pulsion meurtrière paraît au-dessus de ses forces.

Est-il véritablement sous l’emprise de pulsions, fou ou simplement dans le déni de ses actes ? Nous ne saurions répondre à cette question.

 

M le maudit date de 1931, ce qui fait de ce film l’un des premiers long-métrages parlant, avec un montage important dans la compréhension de l’histoire et une bande-son très travaillée. Les protagonistes parlent entre eux, débattent à plusieurs en même temps, comme dans la scène de la descente de police dans le bar clandestin : les criminels et les prostituées tentent de s’enfuir de force, ce qui donne lieu à beaucoup de bruit. A l’époque, superposer l’image et le son n’était pas évident et cela nécessitait du travail en studio de post-productions. De plus, Fritz Lang a tenu à intégrer des bruits et onomatopées de la vie réelle dans son film, tels que le son des klaxons des voitures, lorsque Elsie Beckmann traverse la rue. Mais ce qui fait la particularité de ce film pour nous, c’est l’air sifflé par l’assassin quand il a envie de tuer. Cet extrait de Peer Gynt (Edvard GRIEG) : « Dans l’Antre du Roi de la Montagne » est répétitif et entraînant. Dans la partition originelle de l'opéra, le rythme s’accélère petit à petit ; dans le film, le meurtrier siffle de plus en plus vite lorsque son envie de tuer augmente, ce qui appuie la thèse de la pulsion.

Enfin, le montage permet d’éviter que les scènes s’éternisent grâce à de nombreux changements d’angles et de personnages. Nous pensons ici à la scène de réflexion où la police et la pègre tentent en même temps de mettre au point une stratégie pour appréhender l’infanticide.

 

 

Pour conclure, nous avons trouvé ce film très intéressant aussi bien du point de vue technique que du point de vue scénaristique. Le jeu des acteurs était très convaincant, notamment celui du tueur. C’est un classique que des spectateurs d’aujourd’hui peuvent encore trouver intéressant, malgré l’ancienneté de ce film.