On attend : 

  • L’emploi de différents registres 

    didactique (le médecin « instruit » s’adressant au journaliste), parfois pathétique (évocation des souffrances des mineurs), lyrique (s’il fait l’éloge de l’instruction).

  • Des connaissances sur l’évolution de la condition ouvrièrerévolutions industrielles , grèves des mineurs dans le Nord de la France 1880, création des syndicats , révolution prolétarienne en Russie1917 , front populaire en 1936, obtention des congés payés,revendications salariales, droit de grève.

  • des connaissances sur les personnages de Zola, ou de  Germinalet leurs conditions de vie ;on pouvait évoquer la dureté du travail ( éprouvant physiquement pour ceux qui creusent dans les tranchées et poussent les wagonnets de minerai, ; travail dans des positions inconfortables, dans le noir etla chaleur ;dangereux à cause des éboulements et des coups de grisou, nombreuses maladies pulmonaires liées aux inhalations du minerai (silicose) , rachitisme des enfants mal nourris , pauvreté chronique, travail de 7 à 70 ans , absence de retraite, mineurs logés dans des corons à proximité des fosses ; Zola compare la mine à un monstre qui dévore les hommes , à un enfer .

  • Que fallait-il inventer ? 

  • l’identité des proches parents du médecin  ;faites attention aux liens de parenté : la chronologie doit être respectée en fonction de la date du roman (1865) et de celle de l’écriture de la lettre (aujourd’hui ) ; Une génération est un intervalle de 25 ans environ ; le grand-père de Germinal surnommé Bonnemort est le père de Toussaint Maheu qui meurt au cours d’une émeute, tué par un soldat vers 1880 ; son fils deviendra instituteur en 1900 environ ; le petit- fils vit dans les années 1930 et c’est donc l’arrière peti-fils qui peut écrire. Petit clin d’oeil à Zola : le dernier personnage héros du vingtième et dernier roman des Rougon-Macquart est lui-même médecin :LeDocteur Pascal .

  • le « parcours » et la profession de certains des parentsdu médecin, en soulignant le rôle de l’éducation dans leur vie.

  • Les idées du médecin Maheu : son récit doit rendre sensibles ses idées sur le sort des ouvriers, sur la société, sur la pensée politique…

Exemple de barême possible au bac 

langue / 4 ; arguments de Maheu et récit de famille /6 ; connaissances du monde ouvrier, de Zola et de l’évolution de la société / 6

Les plus :employer des termes de médecine , citer des faits historiques, s’inspirer des personnages de Germinal et des Rougon-Macquart , inventer des destins de personnages , le respect de la forme de la lettre, les références aux romans de Zola et aux mouvements sociaux .

Voilà un corrigé type … 

Professeur Maheu

Eaubonne le 28 février 20..

 

Monsieur,

À la suite de notre entretien sur les évolutions de la société française, je vous écris pour clarifier et compléter ma pensée. Il me semble en effet nécessaire de préciser certains points pour mieux vous faire comprendre comment j’ai pu parvenir, moi, arrière-petit-fils et petit-fils de mineurs de fond, à devenir professeur en médecine.

Même si l’expression paraît quelque peu galvaudée de nos jours, je soutiens que j’ai bénéficié de ce que vos collègues appellent l’« ascenseur social ». Je ne vois pas d’expression plus appropriée pour désigner le passage, en l’espace de trois générations, de l’obscurité de la mine à la clarté des amphithéâtres. Cette opposition résume clairement le chemin parcouru par notre société grâce à l’éducation et à l’instruction. Moi-même je rends grâce à mes maîtres, qui m’ont permis de devenir médecin et de me dire que mes arrière-grands-parents seraient vraiment fiers de moi.

Mon grand-père Henri1, le petit-fils de celui que tout le coron appelait le père Bonnemort1, me recommandait sans cesse de respecter « monsieur l’instituteur » car c’était grâce à lui que j’allais pouvoir « devenir quelqu’un ». Conseil qu’il répétait aussi à mon père, lequel réussit finalement à entrer dans ce qu’on appelait à l’époque « l’école normale d’instituteurs » en suivant des cours du soir. Mon grand-père, mineur de fond ,mort en 1935, n’était pas allé à l’école, mais sa conviction que l’instruction nous permettrait à nous, les Maheu, de pouvoir respirer à l’air libre sans avoir les poumons encrassés par la houille, n’est pas morte avec lui. Sur ses conseils, mon père1, persuadé que l’ignorance maintenait les mineurs dans la servitude, a rejoint les rangs des « hussards noirs de la République », ces instituteurs tout de noir vêtus dont la mission était d’instruire la population française ; lui aussi a toujours insisté pour que je devienne « quelqu’un ». Il me racontait les souffrances de nos ancêtres, incapables de se défendre contre l’oppression parce qu’ils ne savaient ni lire ni écrire…

Il répétait qu’il n’y avait, au fond, que deux ou trois métiers qui comptaient vraiment. Seuls les enseignants et les médecins trouvaient grâce à ses yeux car ils permettaient aux gens de vivre mieux, d’être plus libres. Vers la fin de sa vie, opprimé par la maladie, il évoquait aussi les prêtres. Mais comme il avait passé sa vie à opposer les enseignants, dépositaires d’un savoir libérateur, aux « curés », situés du côté de ceux qui avaient maintenu son père au fond de la mine, je ne sais quelle valeur accorder aux réflexions d’un homme pris d’angoisse à l’approche de la mort.

J’ai évoqué mon arrière-grand-père Toussaint, « le père Maheu1 », haute figure de la mine, mon grand-père Henri, dont les velléités d’émancipation n’ont jamais abouti, et mon père, le premier à sortir de la mine. Il me faut maintenant vous parler de celui qui convainquit mon arrière-grand-père que c’était grâce à l’instruction que « tout péterait un jour » : un certain Étienne Lantier. Avant de faire sa rencontre, la famille Maheu faisait partie du paysage de la mine au même titre que les corons, les terrils, les ascenseurs et le ciel gris anthracite. Le père Bonnemort, mon arrière-arrière-grand-père, s’était résigné à sa quasi-servitude dans les boyaux houillers. 

L’arrivée de Lantier, mécanicien dans les chemins de fer à Lille et proche des idées d’un certain Karl Marx, futle point de départ d’une prise de conscience de la nécessité de la révolution ouvrière . Pour lui, les principes de liberté et d’égalité affirmés par la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen devaient désormaisêtre conquis par l’ensemble des citoyens de la République,. Dans des discours enflammés, il expliqua aux mineurs que la mine n’était pas une fatalité, que les hommes n’étaient pas des machines, qu’ils se libéreraient s’ils « réfléchissaient » et s’ils accédaient au savoir… La stratégie de Lantier était double : d’une part développer au maximum l’instruction des mineurs afin qu’ils puissent devenir instituteurs, comme mon père, ou médecins, comme moi-même ; d’autre part faire pression sur les patrons afin que les mineurs obtiennent des salaires plus élevés et des conditions de travail plus salubres. Deux conditions indissociables puisque, sans temps libre, les mineurs ne pouvaient s’instruire et que, sans instruction, ils ne pouvaient comprendre les revendications portées par les grèves et donc les faire aboutir. 

Ses idées ont fait leur chemin : les hommes ont appris à « réfléchir ». Et certains de mes grands-oncles qui, comme mon arrière-grand-père Maheu fusillé lors d’une manifestation, avaient souffert comme haveurs2, ont pu quitter les entrailles de la terre, monter des commerces et faire vivre décemment leur famille ; on m’a même parlé d’une grand-tante herscheuse3 qui, malgré la fatigue et son dos cassé, apprenait le soir des rudiments de mathématiques et de comptabilité, et qui a quitté la mine pour participer à l’essor d’un grand magasin . Déjà à l’époque, grâce à l’instruction, les femmes aussi se libéraient… L’évolution de la société et la libération des ouvriers étaient en marche, et je suis l’héritier de cet immense effort de prise de conscience.

Bien sûr, on peut trouver à redire, de nos jours, à la rhétorique manichéenne de Lantier, qui oppose les mineurs incultes, forcément bons, et les patrons, forcément mauvais. Mais n’oublions pas que c’est cette rhétorique qui a permis à certaines familles du coron de quitter l’enfer des puits. Pour faire bouger la société, il faut parfois de ces exagérations frappantes qui donnent du souffle aux opprimés et permettent aux générations suivantes de s’élever.

Je reste bien évidemment à votre disposition si vous souhaitez obtenir plus de précisions sur l’histoire de ma famille, de la mine et du coron.

Je vous prie, Monsieur, d’agréer l’expression de mes salutations distinguées,

Professeur A. Maheu

 

1. Par rapport au roman de Zola, la généalogie du médecin qui écrit est la suivante : arrière-arrière-grand-père : Bonnemort (environ 70 ans en 1865) ; arrière-grand-père : Toussaint Maheu (un des personnages principaux qui meurt fusillé dans le roman de Zola) ; grand-père : Henri (fils du père Maheu, qui a 4  ans au moment de l’action du roman) ; père (fictif, né vers 1896, instituteur vers 1925) ; professeur Maheu (fictif, né vers 1930 ; il a donc environ 45  ans quand il écrit).

2. Haveurs : mineurs chargés de l’abattage de la roche en pratiquant des entailles parallèles à sa stratification.

3. Herscheur(se) : mineur chargé de pousser les wagons de minerai.