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Le corpus proposé à l'étude est composé de trois fables : la première intitulée l'huître et les Plaideurs montre comment deux hommes qui se disputent le droit de manger une huître sont départagés par un juge qui la gobe; La seconde est intitulée Un loup plaidant contre le Renard par devant le Singe; Elle révèle un jugement assez étrange de la part d'un signe qui punit les deux parties; La dernière fable a pour titre les frelons et les mouches à miel et elle montre comment un guêpe se révèle incapable de départager des frelons et les abeilles qui revendiquent tous deux la proprieté du miel . 

 Voyons comment La Fontaine critique le fonctionnement de la justice de son époque .

On peut, tout d'abord ,comprendre que dans ces trois fables, la justice est mal rendue ou fonctionne  mal , au détriment des plaignants  ; En effet, le juge qui mange l'huître réussit à mettre d'accord les demandeurs en les privant tous deux de l'objet convoité. C'est au fond  une forme d'injustice efficace dans la résolution d'un conflit . Le second juge  qui est un singe donc quelqu'un de malin et qui réfléchit " suait en son lit de justice "  , se révèle lui aussi  peu efficace même si, au final  la décision rendue : la condamnation du loup et du renard , semble également injuste au lecteur ; Le juge tient compte des antécédents des deux personnages et rend une forme de justice basée sur leur historique , non pas sur le fait à juger . "On ne saurait manquer condamnant un pervers " : ici le fabuliste souligne avec cette morale que le juge ne peut se tromper lorsqu'il condamne des menteurs ou des animaux connus pour leurs tromperies. Avec la troisième fable, La Fontaine illustre un cas un peu différent : il est question cette fois de l'incompétence avérée du magistrat qui se montre tout à fait incapable d'arbitrer le litige entre abeilles et frelons " depuis tantôt si mois que la cause est pendante " . On pourrait penser que le fabuliste condamne, dans un premier temps, les lenteurs de la justice et dans un second temps les frais engendrés par les procès " il ne faudrait point tant de frais; au lieu qu'on nous mange, on nous gruge

Mais les critiques ne s'adressent pas seulement au fonctionnement de la justice; En effet, l'auteur en choisissant un certain type de conflits , souligne que les demandeurs auraient mieux fait de faire appel à leur bon sens et non au jugement de cour. Il invite ainsi ses lecteurs à régler leurs conflits à l'amiable; Dans la première fable, les deux pèlerins auraient pu partager l'huître ou s'en remettre à un tirage au sort qui fait appel au hasard ; Ils n'ont rien obtenu si ce n'est une écaille  "sans dépens et qu'en paix chacun chez soi s'en aille " . Ils sont tombés sur un juge qui a exploité leur querelle à son profit et comme le souligne la morale "Vous verrez que Perrin tire l'argent à lui " On retrouve ici la condamnation explicite des frais liés à la justice. Quant au loup, il n'aurait pas du condamner le renard à tort : il est donc condamné pour avoir menti et le renard lui,  l'est pour ses vols précédents. Quant aux insectes qui réclament la propriété du miel, La Fontaine met sa morale en tête " à l'oeuvre on connaît l'artisan " afin de montrer que le cas aurait pu être réglé sans aucun jugement ; Il  s'amuse des éventuelles difficultés de la guêpe : " il était mal aisé de décider la chose" et utilise , à des fins amusantes, la ressemblance entre les abeilles et les frelons ; Toutefois l'idée est qu'un véritable juge devrait savoir se servir de son bon sens " le simple sens commun nous tiendrait lieu de code " 

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Le lecteur est donc invité , par l'apologue , à réfléchir de manière active , au fonctionnement de la justice. Grâce à trois situations plaisantes qui illustrent chacune, un mauvais fonctionnement de la justice, La Fontaine nous invite nous aussi à trouver des solutions à nos propres différends et à  ne pas faire appel aux jugements de cour car "selon que vous serez puissant ou misérable, ils vous rendront blanc ou noir" ainsi que le rappelle la morale d'une autre fable : Les Animaux malades de la peste où le moins coupable des animaux, qui est également l'un des pus faibles, est condamné pour les crimes de la collectivité .