déc.22
L'épilogue de Bel-Ami : un mariage triomphal
dans la catégorie Seconde
Commençons par rédiger une introduction en respectant les éléments obligatoires : contexte, auteur, oeuvre, extrait , problématique et plan ..
C'est dans la seconde moitié du dix-neuvième siècle que se constitue le réalisme en réaction contre le romantisme qui accordait beaucoup d'importance à l'expression des sentiments . Les écrivains réalistes et notamment Maupassant, s'efforcent de donner l'illusion de la réalité dans leurs romans; Bel-Ami, qui paraît en 1880, retrace l'ascension d'un ambitieux sans scrupules, Georges Duroy , qui se sert de son pouvoir de séduction pour gravir les échelons de la société. L'épilogue étale sa réussite et dépeint son mariage prestigieux avec Suzanne Walter, la fille de son patron . Comment l'écrivain présente-t-il ici le personnage ? Dans un premier temps, nous montrerons sa réussite sociale avant d'envisager sa réussit personnelle et la satisfaction de ses désirs .
Tout d'abord, Bel-Ami est l'objet de regards envieux de la foule venue l'admirer en grand nombre : D'autres personnes se poussaient. La foule coulait devant lui comme un fleuve. Maupassant souligne au moyen de cette métaphore l'immensité de la foule et la cohue, sans doute, à la sortie de l'église. Ce public confère à l'événement un côté triomphal; Le tout Paris se presse pour admirer celui qui n'était qu'un inconnu quelques années plu tôt à son arrivée, désargenté, dans la Capitale. L'écrivain a donné à son protagoniste principal une réussite à la hauteur de ses ambitions. " Il aperçut la foule amassée, une foule noire, bruissante " : les trois adjectifs de la ligne 24 révèlent à la fois le grand nombre de spectateurs , leur élégance avec les costumes noir des hommes et le bruit ainsi que le mouvement qui se dégage de tous ces gens . L'écrivain souligne également qu'il est le point de mire de tous les regards : "venue là pour lui, pour lui Georges Duroy. " La répétition ici de pour lui traduit une forme d'étonnement même du narrateur et introduit une distance ironique entre les sensations du personnage et le jugement porté sur lui par le narrateur. En effet, Georges est ébloui , à la fois par l'éclatant soleil , comme il est précisé ligne 30 mais aussi par cette admiration dont il se grise à tel point qu'il se prend pour un roi : "Georges affolé de joie, se croyait un roi qu'un peuple venait acclamer ". On retrouve ici un paradoxe avec l'association de l'affolement et de la joie: Le héros perd , en quelque sorte, sa lucidité et se sent , littéralement, transporté par la joie . D'ailleurs, il en vient même à remercier Dieu alors qu'il n'est pas croyant, autre signe que sous l'effet de cette joie, il perd la tête : " Il sentait sur sa peau courir de longs frissons, ces frissons froids qu donnent les immenses bonheurs " Bien qu'au centre des regards, Georges lui même ne voyait personne, (l 23 ) : Maupassant marque ici, au moyen de cette précision, son égoïsme et son narcissisme. Cette réussit sociale semble avoir un prolongement dans les rêves du personnage qui se voit déjà faire une carrière politique : au moins député et ensuite ministre; En effet, ses vues , au sens propre, comme au sens figuré, se portent sur le "Palais-Bourbon," siège de la chambre des députés (27 ) . Il lui sembla qu'il allait faire un bond peut nous faire penser que le narrateur en doute et remet en cause les rêves du personnage ; En effet, nous avons vu , dans le cadre du roman, que Georges est un personnage assez naïf et qu'il se fait berner par M Walter et son complot politique. Son avenir n'est peut être pas aussi reluisant qu'il l'imagine et les allusions du narrateur confirment que l'écrivain sou avec son personnage dont il révèle les défauts.
A cette réussite sociale il faut ajouter , avec ce mariage,une forme de réussite personnelle . En effet, ce mariage prestigieux lui garantit une position sociale enviable et ne met pas un terme à ses désirs amoureux; Maupassant précise bien que sa relation avec Clotilde de Marelle va pouvoir continuer et le jour même de son mariage, au sein de l'église , il repense à sa liaison avec sa maîtresse ; L'évocation de leur intimité " lui fit passer dans le sang le désir brusque de la reprendre" montre à quel point le héros est resté centré sur ses désirs . Il fait ici peu de cas de sa jeune épouse et l'écrivain laisse ainsi entendre comment il envisage de reprendre une relation avec Clotilde. On mesure donc une forme de critique des agissements de Georges et le roman qui s'ouvrait sur le regard admiratif des femmes croisées dans la rue sur le héros, se termine ici, avec l'évocation des cheveux de Madame de Marelle: "toujours défaits au sortir du lit " La dernière image de Bel-Ami est bien celle d'un séducteur, d'un homme à femmes et l'auteur rappelle ainsi que sa réussite est justement fondée sur les sentiments qu'il parvient à déclencher chez les femmes. Le héros a changé d'allure : alors qu'il défiait la foule en jouant des épaules comme pour se frayer un chemin dans la vie, désormais il paraît apaisé : "il allait lentement, d'un pas calme, la tête haute" ( l 21) . Un peu plus loin, "il descendit avec lenteur" : il a l'allure d'un conquérant . Le cadre accompagne cette réussite : les spectateurs forment deux haies ( l 29) comme pour l'acclamer et le soleil semble rayonner rien que pour célébrer l'événement . C'est ici l'apogée de l'ascension du personnage: une réussite totalement amorale qui laisse pense qu'un arriviste peu scrupuleux peut parvenir à se faire un nom dans une société perverti par l'ambition et l'argent .
En conclusion, cet épilogue marque doublement la réussite du héros; par son mariage avec Suzanne, il est introduit dans un cercle fermé , celui de la grande bourgeoisie d'affaires et son métier de rédacteur en chef à La Vie Française lui assure un certain pouvoir . Idolâtré par toutes les femmes qui croisent son chemin, il se sert d'elles , de leur argent comme Clotilde de Marelle , de leur talent aussi comme Madeleine et ensuite s'en débarrasse lorsqu'elle sont devenues inutiles ou qu'elles lui font de l'ombre . Seul son attachement pour Clotilde , peu exigeante, le prend encore quelque peu attachant aux yeux du lecteur . Maupassant qualifiait son héros de gredin et avoir assuré sa réussite nous permet de mesurer le pessimisme de l'écrivain qui juge ainsi sévèrement la société de son époque, occupée à conspirer , à rechercher le pouvoir à des fins personnelles et à assouvir ses désirs au mépris des valeurs morales . Georges Duroy n'est pas un héros respectable mais plutôt un anti-héros qui incarne une ère nouvelle : celles des ambitieux cyniques et égoïstes.