Jean- Claude Carrière écrit en 1992 une pièce de théâtre qui met en scène une célèbre dispute ( au sens philosophique de débat ) qui eut lieu dans la ville de Valladolid à propos de la question de la justification de la  colonisation des Indiens du Nouveau-Monde par l'Eglise catholique espagnole.

L'humanité des Indiens, l'existence de leur âme ne constitue pas au départ pas l'objet du débat :il s'agit, avant tout  de démontrer que la colonisation par la force est nécessaire et que l'Evangélisation est une mission de l'Eglise.

Le débat oppose deux hommes ; deux religieux, Las casas et Sepulveda qui s'affrontent au moyen de différents arguments :  leurs thèses sont opposées.

Pour certains hommes d'Eglise, ceux qui vont aux Amériques n'ont pas droit à un titre de propriété mais ils accomplissent un devoir de mission ; personne n'a le droit d'occupation de ces territoires mais chacun doit jouir de « la liberté de passer par les mers ».

La thèse de Sepúlveda s'appuie sur des arguments de raison et de droit naturel ainsi que sur des arguments théologiques.Il considère les sacrifices humains massifs et réguliers, l'anthropophagie, l'inceste royal comme de graves fautes qui justifient la conquête  et l'évangélisation : voilà son raisonnement.

  • l'intérêt des indiens exige qu'ils soient mis sous tutelle par les Espagnols puisque lorsqu'ils se gouvernent eux-mêmes, ils violent les règles de la morale naturelle (thèse aristotélicienne de la servitude naturelle: les hommes ne naissent pas égaux car Dieu veut que certains dominent les autres et leur accorde plus de qualités) ;

  • la nécessité d'empêcher, même par la force, le cannibalisme et d'autres conduites anti-naturelles que les Indiens pratiquent.

  • l'obligation de sauver les futures victimes des sacrifices humains ;

  • l'ordre d'évangéliser que le Christ a donné aux apôtres et le Pape aux Rois Catholiques (Pape qui jouit de l'autorité universelle).

Las Casas, qui a vécu au contact des Indiens et qui a appris à mieux les connaître  réplique en démontrant :

  • la rationalité des indigènes à travers  des témoignages de leurs civilisations (l'architecture des Aztèques) ;

  • qu'il ne trouve pas dans les coutumes des Indiens de plus grande cruauté que celles qui pouvaient se trouver dans les civilisations du Vieux Monde (la civilisation romaine avait organisé des combats de gladiateurs) ou dans le passé de l'Espagne ;

  •  que l'évangélisation et le fait de sauver les victimes des sacrifices humains n'est pas tant un devoir des Espagnols qu'un droit des Indiens.

  • Des Indiens sont amenés dans la salle d'audience et ils vont être observés, interrogés et soumis à des expérimentations plus ou moins cruelles afin de déterminer quelle est leur véritable nature ; Las Casas s'indigne de telles pratiques notamment lorsqu' on sépare une mère et son enfant afin de démontrer qu'ils ne sont pas dotés des mêmes sentiments que les espagnols. A l'issue de la confrontation, il est bien difficile de savoir quels sont les arguments qui l'ont emporté pour les autorités religieuses; le lecteur lui a pris fait te cause pour les arguments de Bartolomé Las Casas.

Le légat du pape rend sa décision finale : il proclame que les Indiens ont une âme et sont des créatures de Dieu ; Les tortures et l'esclavage ne sont donc plus autorisées par l'Eglise mais le pape , pour préserver les intérêts économiques de la couronne espagnole au Nouveau-Monde , décrète que désormais il est possible d'importer des Africains afin qu'ils travaillent ; comme esclaves,dans les plantations du Nouveau-Monde, à la place des Indiens; Cette décision marque le début du commerce triangulaire et des marchands d'esclaves.

La dernière image de l'adaptation cinématographique de ce récit montre un homme noir qui vient balayer la salle d'audience à l'issue des débats; cette image est symbolique et renvoie à la naissance de la traite des noirs provoquée par cette décision. En effet, les noirs en sont pas considérés comme des créatures de Dieu et peuvent donc,pour les hommes de cette époque, être traités comme des marchandises.