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Le poète doit-il sortir de sa tour d'ivoire et ouvrir la fenêtre sur le monde pour descendre dans la rue ?
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Voilà la question qui va servir de support à une dissertation sur le sujet du rôle du poète dans la société . Qu'est-ce que la poésie et qui sont le poètes au fil des siècles ? Comment conçoivent-ils leurs rapports avec la société, l'art , la politique? pas facile de répondre à ces questions d'une seule voix car les poètes ne sont pas tous d'accord entre deux sur les réponses à apporter. La connaissance de l'histoire de la poésie ainsi que la connaissance de ce qu'ont dit les poètes à propos de leur art , sont deux réservoirs d'idées à partir desquels vous pourrez articuler votre réflexion personnelle qui servir are base à la démarche de la dissertation. A partir du document ci -dessous, vous allez pouvoir résumer les positions de quelques poètes du dix-neuvième siècle comme Baudelaire, Rimbaud, Gautier, Mallarmé. Lisez le document et effectuez des regroupements qui finiront par composer un plan de dissertation
Au cours du XIXe siècle, certains écrivains récusent l'engagement politique et social de leurs prédécesseurs, les « prophètes » romantiques, pour se replier sur des valeurs esthétiques et formelles. Cette « dépolitisation de la littérature » réagit à l'avènement au pouvoir, dès 1830, de la bourgeoisie conservatrice. Charles X restaure la censure et la liberté d’expression est menacée.Théophile Gautier est le fondateur de la doctrine de l'art pour l'art. Dans la préface de Mademoiselle de Maupin (1835), il oppose le beau, valeur esthétique de l'artiste, à l'utile, valeur bourgeoise par excellence : « Il n'y a de vraiment beau que ce qui ne peut servir à rien ». Ce rejet de l'utilitarisme et cette revendication d'une autonomie de l'art récusent d'une part la morale dans la littérature, d'autre part l'action sociale et les partisans d'un art social, souvent proches de l'opposition au pouvoir.
L'image de la fenêtre symbolise cette dissociation de l'art et de la politique. Elle apparaît déjà, sous la plume de Gautier, dans la préface d'Albertus (1832) : « L'auteur du présent livre n'a vu du monde que ce que l'on en voit par la fenêtre, et il n'a pas envie d'en voir davantage. Il n'a aucune couleur politique ; il n'est ni rouge, ni blanc, ni même tricolore ; il n'est rien, il ne s'aperçoit des révolutions que lorsque les balles cassent les vitres ». En 1852, au moment où l'hégémonie bourgeoise culmine avec l'effondrement sanglant des espoirs républicains et l'instauration du Second Empire, Gautier reprend le thème du poète travaillant toutes « vitres fermées » sur les désordres politiques de la rue C'est tout particulièrement le poème intitulé « L'art » (1957), repris dans l'édition définitive d'Emaux et Camées (1872), qui sert de manifeste littéraire à la doctrine de l'art pour l'art. Le travail poétique y est réhabilité, par opposition à l'immédiateté de l'épanchement lyrique, mais aussi au travail utilitaire visant à la production des marchandises. Gautier revendique une poésie plastique, sculptée comme un marbre antique . Les matériaux précieux de l'onyx ou de l'agate auxquels est comparé le vers poétique supposent une nature traitée comme ornement et extraite de tout contexte d'expérience, au contraire de la profondeur du paysage romantique. Le vers est bref, lapidaire et tranché, contrastant avec l'ampleur de l'alexandrin. Le poète devient artisan, orfèvre et sculpteur de mots.
Cette tendance esthétique est présente chez de nombreux d'auteurs, comme Baudelaire qui dédie à Gautier ses Fleurs du Mal, mais aussi Flaubert et son idéal d'un « livre sur rien », d'un livre « qui se tiendrait lui-même par la force interne de son style ». L'éducation sentimentale raille d'ailleurs l'engagement brouillon du poète Lamartine dans la révolution de 1848, en ironisant sur son impuissance politique. Surtout, la doctrine de l'art pour l'art aboutit à la création du mouvement parnassien, avec la publication en 1866 d'un recueil collectif intitulé Le Parnasse contemporain. « L'art » de Gautier devient l'art poétique des parnassiens, qui radicalisent la minéralisation néoclassique du langage poétique . Le fameux « Vase brisé » de Sully Prudhomme désigne la cristallisation glacée du sentiment, le vase étant une figure du coeur transi, mais aussi du poème lui-même en tant qu'objet esthétique. Si la brisure du vase est sentimentale, elle indique toutefois une tension constitutive de l'idéal parnassien, entre un absolu de la perfection formelle et les innovations modernes. Le Parnasse se fige dans un conservatisme académique et dans une logique d'exclusion, rejetant des poètes qui ont participé à ses débuts, comme Mallarmé ou Verlaine, et qui seront au coeur de l'émergence symboliste. Quant à Rimbaud, dont Le Parnasse contemporain a refusé trois de ses premiers poèmes, il parodie la préciosité idéaliste dans « Ce qu'on dit au poète à propos de fleurs », un poème qu'il adresse à Théodore de Banville avec une lettre toutefois fort admirative. Contrairement au désengagement politique des tenants de l'art pour l'art, Rimbaud prend parti pour les insurgés de la Commune (1871) et rédige des poèmes communards.
1886 est l'année du tournant du Parnasse au symbolisme, avec la création de la revue La Vogue, où paraissent la plupart des Illuminations de Rimbaud, et la publication, dans Le Figaro du 18 septembre, du manifeste symboliste de Jean Moréas : « la poésie symbolique cherche à vêtir l'Idée d'une forme sensible ». Moréas prône une conception analogique de la réalité matérielle, qui serait en continuité avec une essence idéale : « Tous les phénomènes concrets ne sauraient se manifester eux-mêmes : ce sont là des apparences sensibles destinées à représenter leurs affinités ésotériques avec les Idées primordiales ». Toutefois, cet idéalisme absolu de la pensée symboliste est parcouru de paradoxes. Par certains aspects, il engage un matérialisme absolu qui tient à la conception du symbole comme « forme sensible » de l'idée. Le poète symboliste se pose ainsi en récepteur d'un rythme universel, dont il traduit passivement les « vibrations » en symboles expressifs. Dans le Traité du verbe (1886), René Ghil instaure un système de synesthésies verbales fondé à la fois sur la physique ondulatoire et sur une métaphysique de la pensée. « Le Son peut être traduit en couleur, la Couleur peut se traduire en Son », parce qu'une totalité cosmique, unissant la matière et l'esprit, vibre d'une même pulsation universelle.
Cette idée symboliste de la continuité, Mallarmé la met en évidence en relevant dans Crise de vers l'émergence du vers libre . Il s'agit de la plus importante innovation formelle du symbolisme avec le monologue intérieur . Rompant avec la mesure syllabique du mètre, le vers libre vise à restituer une « unité de pensée » ou de « signification » , c'est-à-dire une unité rythmique - . Mallarmé lui-même « touche » peu au vers, restant attaché aux potentialités structurales de l'alexandrin ; D'une manière générale, la trajectoire de Mallarmé va du Parnasse au symbolisme.
Dans le texte encore parnassien des « Fenêtres », Mallarmé reprend le poème-vitre de l'art pour l'art, tout en révélant sa matérialité formelle. Le poème met en scène un moribond à sa fenêtre d'hôpital, figure du poète en quête de « l'azur ». Le poète pour Mallarmé est séparé du monde par une vitre .
Dans Crise de vers (1886-1996), manifeste de la poésie pure, Mallarmé associe un idéalisme du signifié poétique à une matérialité du signifiant poétique, dans ses dimensions visuelles et sonores. Le signe absente la chose, révélant sa propre identité sensible. « Je dis : une fleur ! et [...] musicalement se lève, idée même et suave, l'absente de tout bouquets. » La poésie devient Aboli bibelot d'inanité sonore .