fév.16
Le dernier jour d'un condamné : un plaidoyer contre la peine de mort et une préface importante.
dans la catégorie Seconde
Victor Hugo est âgé de 27 ans lorsqu'il écrit ce court roman, construit comme une nouvelle autour du personnage anonyme du condamné à mort. Conçu sous la forme d'un journal intime , cette histoire a pour but de susciter un débat autour de la peine de mort; Hugo militera, en effet, dès les années 1830, pour son abolition et son opinion est loin d'être majoritaire à son époque. Notons qu'il faudra attendre 1981 en France pour que François Mitterand, alors nouveau président de la République, fasse abolir la peine de mort par son ministre de la justice : Robert Badinter qui prononça , à cette occasion un discours demeuré célèbre.
Le lecteur ne peut s'empêcher de s'identifier à ce narrateur anonyme et de s'apitoyer sur son sort. L'auteur s'attache à susciter l'émotion en jouant sur le registre pathétique plus souvent et tragique parfois. Les passages argumentatifs sont nombreux et défendent la thèse de l'existence pour chaque homme d'un droit inaliénable à la vie; A sa parution, en 1829, le roman a déclenche un scandale et Hugo a été jugé subversif. Il le sera encore plus dans ses romans à venir en défendant les droits de ceux qui souffrent sans pouvoir s'exprimer : les enfants, les pauvres , les illettrés .
Ecrite en 1832, trois ans après la première parution du récit, la Préface justifie et précise le projet hugolien de plaidoyer contre la peine de mort. "Ce livre, écrit-il, est adressé à quiconque juge "; Du coup, l'auteur a gommé volontairement tous les indices qui pourraient permettre de rendre cette histoire individuelle; Ce criminel anonyme représente l'ensemble de ceux qui ont été jugés, déclarés coupables et vont être exécutés. L'idée d'écrire ce livre lui est venue des exécutions auxquelles il a pu assister place de Grève à Paris, et il espère ainsi pouvoir "empêcher le sang de couler " En 1830, lors de la Révolution de Juillet, une première fois la Chambre des députés proposa de voter l'abolition de la peine de mort pour sauver quatre ministres condamnés pour avoir comploté contre l'Etat mais Hugo s'il était bien sûr d'accord pour les épargner, aurait préféré qu'on abolisse la peine de mort pour sauver tous "ces pauvres diables que la faim pousse au vol et le vol au reste; enfants déshérités d'une société marâtre que la maison de force prend à 12 ans, le bagne à 18 et l'échafaud à 40. " Hugo raconte ensuite toutes les exécutions qui se sont mal déroulées avec des condamnés en sang épargnés par la guillotine défectueuse et qu'on achève devant la foule ; le romancier termine ensuite par un passage en revue des principaux arguments employés par les partisans de la peine de mort ;
- ils la jugent nécessaire pour retrancher de la communauté un membre qui pourrait encore lui nuire mais Hugo rétorqué que l'isolement en prison suffit à protéger la communauté : " pas de bourreau où le geôlier suffit " écrit-il.
- ils la jugent indispensable pour punir et se venger mais Hugo affirme que Dieu seul a la droit de punir et de décider qui doit vivre et qui doit mourir. La société selon lui doit "corriger pour améliorer "
- ils la jugent importante pour faire des exemples et dissuader ainsi les futurs criminels de passer à l'acte : toutefois Hugo précise que depuis un certain temps,la plupart des exécutions à Paris ne sont plus vraiment publiques et ont lieu discrètement, tôt le matin , de peur des émeutes et des mouvements de foule coutumiers en place de Grève . " sous la patte de velours du juge, on sent les ongles du bourreau " Pour le futur député républicain, la décision de justice masque en réalité la cruauté de la nature humaine . Hugo se moque ensuite de la rhétorique des procureurs qui parviennent à dissimuler, en choisissant leur mots avec soin, l'horreur de la mort . Il argumente point par point et construit un véritable réquisitoire contre la peine de mort en prenant soin de ménager des transitions : " la raison est pour nous, le sentiment est pour nous, l'expérience est aussi pour nous " écrit-il avant de commencer à évoquer les pays qui ont déjà aboli la peine capitale et qui voient,paradoxalement, leur taux de criminalité baisser .
En réalité, Victor Hugo ne veut pas seulement faire disparaître la peine de mort: il souhaite réformer le système judiciaire dans son ensemble en séparant , par exemple, les crimes par intérêt des crimes passionnels , qui selon, lui devraient être jugés avec moins de sévérité. Pour rassurer ceux qui craignent que l'abolition de la peine de mort sème l'anarchie, Hugo fait remarquer que " l'ordre ne disparaîtra pas avec le bourreau."
Que pensez-vous des arguments rencontrés dans cette préface ? Lesquels vous semblent les plus convaincants ? et Pourquoi ?