fév.15
L'étrange en scène : représenter l'étrange au théâtre.
dans la catégorie EAF
Le premier sujet de bac de cette année comportait un corpus autour de l'étrange; Un extrait de Médée de Pierre Corneille montrait, dans le dénouement, une violente altercation entre Jason et son épouse Médée qui s'enfuit dans un char tiré par des dragons grâce à ses pouvoirs magiques; Cette tragédie baroque tirée d'un mythe célèbre, celui de la sorcière et cruelle infanticide Médée propose aux spectateurs une fin tragique qui repose sur les principes préconisés par Aristote : terreur et pitié. Trois autres pièces reposaient sur le mélange des registres au xx ème siècle ; Cocteau reprend également un autre mythe fameux: celui d'Oedipe, dans sa pièce La Machine infernale qui propose aux spectateurs un fantôme pathétique et comique à la fois: celui de Laios, père et première victime d'Oedipe . Cette étrange créature apparaît aux gardes qui le trouvent fort attachant et se plaint amèrement de ne pouvoir disparaître à volonté . L'effet comique est ici lié à la fois au décalage de ton et à la figure même du spectre.
Les deux autres pièces qui complètent ce corpus sont représentatives du théâtre de l'Absurde , qui apparait dans les années 50; Ionesco met en scène un rhinocéros, créature surgie mystérieusement et qui va diviser progressivement les personnages pour révéler leur véritable nature : conformiste ou non. Ce monstre qui symbolise la montée des régimes totalitaires est mis en scène au moyen d'effets comiques . Quant à Beckett, il nous propose une étrange situation et une conversation non moins étrange entre deux êtres bizarres dont les propos et le comportement nbosu paraissent vides de sens ; Comique te tragique es mêlent pour illustrer la vacuité de l'existence.
Voici d'abord quelques éléments de corrigé pour la question de corpus : vous trouverez des éléments pour la dissertation dans la catégorie fiche méthode .
Eléments de correction pour la réponse de synthèse
Introduction : pas trop longue mais qui doit comporter les éléments essentiels pour situer les textes
- Présenter les textes : 4 pièces de théâtre : pièce du XVIIème siècle : tragédie classique de Corneille Médée + pièces du XXème siècle La Machine infernale de Jean Cocteau, En attendant Godot de Samuel Beckett et Rhinocéros d’Eugène Ionesco
- Reformuler la question : Quels sont les éléments surprenants et inhabituels pour le lecteur ou le spectateur dans ces pièces ? En quoi ces extraits peuvent-ils surprendre et ainsi présenter une forme d’étrangeté ?
- Définitions du TLF pour « étrange » : « 1) Synonyme d’étranger ; 2) Qui est hors du commun, qui sort de l'ordinaire, inhabituel. 3) (Vieilli) Terrible, excessif, inconvenant. 4) (Usuel) Qui surprend l'esprit, les sens par un (ou des) caractère(s) inhabituel(s); singulier, extraordinaire. »
3 points pouvaient être dégagés et abordés séparèment
1.Une étrangeté liée à la présence d’événements extraordinaires (texte C exclu) :
Le merveilleux (T.A et B) : les dragons (pièce à machine), la sorcière et la magie et fantôme :
Registre merveilleux : mélange du surnaturel et de la réalité (différent du fantastique dans le sens où pour le merveilleux le lecteur accepte d’entrer dans un univers magique) : dans le texte de Corneille, Médée est une sorcière et use de ses pouvoirs magiques, elle est « dans un char tiré par deux dragons » comme l’indique les didascalies. Dans l’extrait de Cocteau, les deux soldats parlent à leur chef d’un « fantôme » (ligne 2) qui vient hanter la ville de Thèbes. Le mort, et même « la mort » (ligne 18), rencontre les « vivants » (ligne 18).
Le fantastique (T.B et D) : survenue d’un rhinocéros et d’un fantôme ➔décalage par rapport au cadre réaliste mis en place par les textes :
Registre fantastique : naissance du surnaturel dans un cadre réaliste : Dans la pièce de Cocteau, le fantôme du père d’Œdipe apparaît dans « les remparts de Thèbes » et s’entretient avec les soldats. Les personnages semblent réalistes : deux soldats de la garde de nuit et leur chef. En revanche, le fantôme, créature surnaturelle, rompt toute vraisemblance et surprend par son caractère inattendu et décalé. La réplique du soldat « On était crevés de fatigue » donne l’impression que les soldats ont rêvé de cette apparition étrange ; le cadre réaliste est ainsi restitué.
Dans le texte de Ionesco, les personnages Jean et Béranger « assis à la terrasse d’un café » (première didascalie) sont aussi présentés dans un cadre réaliste, un lieu du quotidien ; la conversation entre ces deux amis est banale et habituelle (travail, invitation à un anniversaire…) mais la présence inattendue dans la ville d’un rhinocéros – animal féroce qu’on ne peut imaginer en liberté dans la ville – vient fissurer également l’univers réaliste.
2 Une étrangeté liée à l’absurdité des situations présentées dans les textes :
Déconstruction des personnages (T.C et D), absences d’action véritable (T.C) ou actions stéréotypées :
personnages stéréotypés et caricaturaux : Estragon semble incapable d’effectuer une action banale (enlever ses chaussures), Vladimir fait des gestes étranges et incompréhensibles (avec son chapeau, en décalage avec ce qu’il dit « je t’embrasse. (Il tend la main) » ; dans Rhinocéros, tous les personnages semblent se ressembler (mis à part Bérenger) tels des pantins obnubilés par le rhinocéros. En outre, dans l’extrait de Beckett, Estragon et Vladimir qui attendent Godot ne font strictement rien: la seule action est l’attente.
Effet de décalage dans les dialogue: dialogue de sourds chez Beckett, Ionesco => réponses inattendues et décalées dans le temps
Ambiguïté de la relation entre les personnages
- mini-dispute entre les amis Jean et Bérenger
- attitude lunatique (entre amour et haine) pour Estragon et Vladimir
3. Une étrangeté liée au mélange du tragique et du comique :
La violence de l’Histoire (texte C et D) et la présence de la mort (T.A et B) :
- 1952 et 1959 : après-guerre => théâtre de l’absurde (+existentialisme) : montée des totalitarismes + 2nde guerre mondiale ; absurdité de la vie (son non-sens)
- Les meurtriers : Médée (infanticide…) et Œdipe (parricide)
- Le comique de mots (répétitions) et de situation (T.B, C et D) # pas dans le texte A où il n’y a que du tragique :
- Cocteau : « Viendra […] Viendra pas… […] Viendra… » : enfantillages
Absurdité du langage : « Je mourrai ma dernière mort » : impossible, on ne meurt qu’une fois
- Beckett : « Tu as eu mal ? […] Mal ! Il me demande si j’ai mal ! » x 2
- Ionesco : stichomythies « Oh, un rhinocéros ! » comique de répétition
CCL. : Principale opposition, dans les textes du XXème siècle, le théâtre est dégagé du merveilleux. Celui-ci présente des situations en lien avec le réel et l’histoire immédiate dont l’absurdité violente égale en étrangeté le merveilleux des mythes rapportés par les pièces classiques. L’étrangeté des textes du XXème vient encore du mélange de tragique et du comique qu’on ne retrouve pas dans le texte de Corneille. C’est ainsi que Jean Cocteau modernise le mythe d’Œdipe et crée des effets de décalage pour le spectateur.