Baudelaire invente une forme de désespoir radicalement nouveau, de mélancolie qui ne ressemble à aucune autre et qui est la source d’inspiration de sa poésie : le spleen.Le mot spleen a pour origine le mot anglais spleen (du grec ancien σπλήν : splēn) qui signifie « rate » ou « mauvaise humeur ». En effet les Grecs, dans le cadre de la théorie des humeurs, pensaient que la rate déversait un fluide noir dans le corps : la bile noire, responsable de la mélancolie.
Le plus souvent, on l'associe à une  tristesse vague, dont on ne connaît pas les causes. Chez Baudelaire, le spleen devient une des composantes essentielles de l'angoisse d'exister. → En fait, Baudelaire donne exactement à son spleen le sens que la psychologie donnera ensuite à la dépression.

- Le Spleen est constitutif de la poésie baudelairienne car c’est cela qu’il raconte et met en scène, son mal être, son incapacité à vivre dans le monde qui est le sien. Beaucoup de poètes de son époque ressentent la même inadaptation qui se traduira pour Verlaine, par exemple, à l'invention du terme poète maudit .
Caractéristiques du spleen : le noir et tous les éléments nocturnes ; la sensation d’étouffement, d’enfermement ;le sentiment d’extrême solitude, d’isolement ;la pluie, le brouillard, les nuages, la fumée ;toutes les figures mythologiques ou bibliques de damnés, tous les exclus de l’histoire et des légendes ; la chute, se sentir happé vers les profondeurs , le gouffre.

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Pour le commentaire composé , on peut proposer la problématique suivante : comment le poète traduit-il le Spleen ? L'image de la prison n'est qu'un thème associé au spleen. 

.  Le Spleen : un  état de malaise palpable

1. Une lente progression vers l'inexorable
2. Une atmosphère macabre
3. L'image de l'enfermement


II. La victoire de l'angoisse 

1. La défaite était prévisible
2. Les hallucinations sonores
3. Dès lors la défaite de l'esprit est consommée


Voilà un plan un peu plus détaillé cette fois à partir du site bacdefrançais.com
I. La montée de la crise
1. Une lente progression vers l'inexorable
- Les quatre premiers quatrains développent une seule phrase qui progresse avec trois subordonnées (3 quand) et aboutit à un paroxysme dans la proposition principale. 
- L'anaphore, avec le mot "quand" répété 3 fois, rythme cette progression et peut traduire un enfermement avec le schéma circulaire.
- Par ailleurs, les coordinations "et qui" (vers 3-11), les enjambements continuels, tout cela donne l'impression d'un mouvement lent et enchaîné inexorablement auquel on ne peut échapper.
2. Une atmosphère macabre
- Les impressions que ressent la victime du spleen sont pesantes, douloureuses, de plus en plus malsaines et de plus en plus inquiétantes. Le champ lexical de la mort ou de l'inquiétant apparaît  avec les créatures nocturnes. Il est associé à l'emprisonnement (se cogner ) 
- Le climat est pesant (vers 1), un accent irrégulier tombe sur "pèse". L'espace semble se resserrer..
- L'ensemble ramène à "l'esprit gémissant". La souffrance spirituelle peut découler de ces sensations d'étouffement, d'oppression.
- Le climat est de plus en plus malsain: "jour noir" (vers 4) oxymore inquiétante; la nuit est pire, la terre devient un cachot humide, l'eau se fait pourriture. images de prison ; le terme cachot a des connotations qui renvoient à l'obscurité, al solitude et l'enfermement.
- Le climat est de plus en plus menaçant, le poète est hanté par des présences menaçantes, "peuple muet d'infâmes araignées" (vers 11) => son cerveau n'est plus qu'une toile d'araignée.On retrouve l'idée d'un emprisonnement qui conduit à une issue fatale 
3. Les images de l'enfermement
- La prison, d'abord extérieure au poète en proie au spleen, finit par être intérieure.
- Le ciel est un couvercle qui enferme l'esprit à la manière d'un cercle . Prison circulaire, aucune issue , fermeture hermétique (le couvercle) analogie avec le cercueil (image du corbillard ) 
- La pluie dessine une immense prison, vaste (vers 10) mais extérieure avec barreaux  métonymie de la prison; transformation des éléments naturels (ciel et pluie ) en éléments d'emprisonnement ; Une sorte de glissement onirique vers un univers étouffant 
- La prison finit par s'installer à l'intérieur de l'homme. De physique, la prison devient psychique;
filet dans le cerveau.

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=> Tous ces éléments de plus en plus inquiétants permettent une montée de la crise avant son paroxysme et la défaite finale de l'esprit.
II. Le paroxysme de la crise et la défaite de l'esprit en proie au spleen
1. La défaite était prévisible
- "L'Espérance" avec une majuscule est une allégorie (= notion abstraite personnifiée) dévalorise l'anéantissement.
- L'Espérance est déjà condamnée avant que la crise n'ait atteint son paroxysme.
2. Les hallucinations sonores
- Le paroxysme de la crise d'angoisse se manifeste par des hallucinations sonores, plus violentes, car elle vient après la menace sourde des mouches: sonorités violentes en "que" et en "te" (vers 13-14).
- Les cloches lancent un appel vers le ciel, un hurlement (vers 14). Cet appel au ciel est opiniâtre (= obstiné), c'est un gémissement d'esprit condamné à l'exil.
3. Dès lors la défaite de l'esprit est consommée
- Après les hallucinations sonores, il y a les hallucinations visuelles, "sans tambours ni musique" (vers 17). La défaite s'exprime à travers la vision d'un convoi funéraire interminable marqué par un rythme régulier et solennel. Champ lexical de la mort préfigure l'issue fatale.
- L'enjambement étire la vision du défilé, de la défaite de l'esprit, l'angoisse a pris possession de l'esprit en plantant son drapeau noir.
- L'espoir est en contre rejet, l'espoir est hors-jeu.
- Le drapeau noir peut rappeler   le drap noir du corbillard et symbolise  le drapeau de pirate qui est hissé pour les attaques sans prisonnier.

Le thème de l'emprisonnement et les images de la prison sont utilisée sans ce poème pour traduire la sensation de malaise morale du poète qu'il qualifie de Spleen.