Certaines de ses lectures favorites sont mentionnées dans le roman ; d'autres sont simplement évoquées de manière allusive : « Elle avait lu Paul et Virgine et elle avait rêvé la maisonnette de bambous, le nègre Domingo, le chien Fidèle... » (I ,6)

Commençons par les lectures religieuses d’Emma. La jeune fille, dès son arrivée au couvent, est transportée par le Génie du christianisme : « Comme elle écouta [...] la lamentation sonore des mélancolies romantiques se répétant à tous les échos de la terre et de l’éternité ! » Mais durant la messe, elle est occupée à regarder les vignettes dans son livre ; Déjà, la force des images triomphe. Or, au XIX siècle, savoir médical et savoir religieux prononcent une même condamnation de la littérature et en particulier du genre romanesque.Après Paul et Virginie, les premiers livres qu’Emma fréquente sont des catéchismes : Emma « comprenait bien le catéchisme, et c’est elle qui répondait toujours à M. le vicaire dans les questions difficiles » Cependant, elle préfère rêver à partir des illsutrations des livres plutôt que de suivre la liturgie. : « Au lieu de suivre la messe, elle regardait dans son livre les vignettes pieuses bordées d’azur ». Quant au missel, il apparaît comme un objet liturgique détourné , dénué de toute parole efficace. Devenu simple réceptacle, le missel n’est pas lu : Emma y contemple les images qu’elle y a serrées, à l’instar d’un keepsake.Au contraire, lors de la « lecture religieuse » faite « le soir, avant la prière », des ouvrages précis sont mentionnés : « C’était, pendant la semaine, [...] les Conférences de l’abbé Frayssinous, et, le dimanche, des passages du Génie du christianisme » . L’imagination d’Emma, renfermée toute la semaine dans les limites étroites d’ennuyeux récits bibliques s’épanouit brusquement le dimanche dans la prose colorée de Chateaubriand. L’ouvrage sert de point de bascule entre bibliothèque purement religieuse et bibliothèque littéraire : les livres évoqués ensuite seront les romans tout profanes que la vieille lingère fournit en cachette à Emma.

A 15 ans, elle découvre Walter Scott et rêve d'être une châtelaine qui regarde son prince charmant venir du fond de la campagne sur son cheval noir. Elle se met à admirer les femmes célèbres te martyrs de l'Histoire et lit en cachette les albums, d'auteurs inconnus pour elle mais qui signent comte ou vicomte et écrivent sur du papier de soie, des poèmes amoureux illustrés. Ces images vont devenir pour elle, celles du monde réel Son esprit aime la lecture pour « ses excitations passionnelles » (I,7) Après son mariage, et après le Bal, elle s'achète un plan de Paris qu'elle parcourt du doigt, s'imaginant arpenter les rues de la Capitale. Elle s'abonne à des revues : La Corbeille, journal des femmes et le Sylphe des Salons. « Elle dévorait , sans en rien passer, tous les comptes rendus des premières représentations. » ; Elle lut Balzac et George Sand. Dans Eugène Sue, elle étudia les descriptions d'ameublements. Elle apporte ses livres à table et les lit pendant que Charles mange ; Au fond de son âme , elle semble attendre un événement : « j'ai tout luse disait-elle » . Lorsqu'elle arrive à Yonville, Homais lui offre de partager sa bibliothèque : « Voltaire, Rousseau, Delille, Walter Scott » ainsi que différents journaux périodiques. » Aux soirées de M Homais, Emma feuilletteavec ostentation L'Illustration car c'est un signe de consécration sociale de faire partie des abonnés. (II,4) Avec Léon, elle entretient un commerce de livres et cela crée entre eux une complicité. Après son départ à Paris, malheureuse, pour chasser son vague à l'âme, elle essaie les lectures sérieuses : de l'histoire et de la philosophie ; « Mais il en était de ses lectures comme de ses tapisseries, qui toutes commencées, encombraient son armoire.Elle les prenait, les quittait, passait à d'autres  » (II,7) La mère de Charles pense que sa bru souffre parce qu'elle est désœuvrée ; Elle accuse les livres qu'elle lit d'avoir un effet pernicieux sur Emma : il faut qu'elle cesse de « lire des romans, de mauvais livres, des ouvrages qui sont contre la religion. » (II,7) Donc il fut résolu qu'on empêcherait Emma de lire des romans. Sa belle-mère propose de mettre un terme à tous ses abonnements et traite le libraire d'empoisonneur. Mais Charles ne parvient pas totalement à obéir à sa mère et Emma continue à lire.

Au moment où elle devient la maîtresse de Rodolphe, Emma repense aux femmes adultères de ses livres et elle se considère désormais comme leur sœur « alors elle se rappela les héroïnes des livres qu'elle avait lus. »Il faut attendre la crise mystique de la fin de la deuxième partie du roman pour retrouver chez elle un quelconque intérêt pour les choses spirituelles et elle change de type de lectures. Après la fuite de Rodolphe, Emma sombre dans la maladie au point qu’elle croit mourir et demande à communier. Le sacrement lui procure un apaisement immédiat, et pour cultiver les délices qu’elle y a trouvées, elle ambitionne la sainteté. Inquiet de la tournure « extravagante » que prennent les événements, le brave abbé Bournisien veut « ramener [Mme Bovary] à la raison et lui conseille des lectures édifiantes . Mais ces livres sont d’emblée présentés dans la fiction comme ne pouvant être d’aucun secours pour la pauvre Emma. Flaubert fait recommander trois types d'ouvrages ; le premier est appelé «une pastorale de la peur » ; il rend, le discours catholique menaçant afin d’obtenir la conversion massive des populations, et insiste sur les thèmes du péché, de la mort, du jugement et de l’enfer. Madame Bovary entreprend ses lectures avec trop de précipitation et les livres pieux lui tombent des mains (II, 14)Le troisième livre retenu par le romancier s’intitule : les « Erreurs de Voltaire, à l’usage des jeunes gens ». Dénué d’auteur, il est intéressant pour son contenu ouvertement polémique (la controverse avec l’idéologie des Lumières) .En tout cas, l’envoi du « libraire de Monseigneur » – ou plutôt la manière dont Flaubert en élabore la description du contenu – présente un intérêt car elle évoque, le négoce des livres pieux » à la fin de la monarchie de Juillet, c’est-à-dire une librairie de propagande. L'arrogance du contenu polémique de cet ouvrage déplait fortement à Emma.

Mais Emma n’est pas la seule à lire ou à évoquer des livres religieux dans le roman. Homais convoque implicitement des textes de l’Ancien et du Nouveau testament lorsqu’il prononce son credo de libre-penseur (p. 79-80). Quant à l’abbé Bournisien, il les appelle à son secours pour contrer les assertions du pharmacien ;utilisés comme caution argumentative, ils doivent permettre de répondre à la charge menée par la partie adverse.

Justin , le commis de Homais est surpris avec un livre d'initiation sexuelle dans sa poche intitulé Tableau de l' 'amour...conjugal.et Homais s'emporte contre ce livre infâme pourtant écrit par un médecin ajoute-t-il et qui contient des enseignements pour les hommes.

Pendant la veillée mortuaire du corps d’Emma, Homais et Bournisien s’affrontent ainsi à coup de livres :
— Lisez Voltaire ! ; lisez d’Holbach, lisez l’Encyclopédie !

— Lisez les Lettres de quelques juifs portugais ! disait l’autre ; lisez la Raison du christianisme, par Nicolas, ancien magistrat !

Homais lit essentiellement des revues médicales et le fanal de Rouen et Charles son journal de médecine pour essayer d'apprendre à lire à Berthe.

On retrouve dans le roman la plupart des arguments contre la littérature romanesque et Emma lit beaucoup durant son adolescence mais finalement assez peu de romans lorsqu'elle rencontre Charles. Ses lectures lui ont donné une vision déformée du monde et de l'amour et ont façonné ses rêveries et son imaginaire.