Premier constat : les notations descriptives qui ont été pensées dans ce travail  pour les mettre à l'aise et les échauffer en quelque sorte , prennent parfois beaucoup plus de place que les analyses de lecture; en fait ils sont beaucoup plus à l'aise pour décrire leur lit, leurs couettes , la position dans laquelle ils se trouvent (allongés de préférence )  ce qu'ils mangent ou ce qu'ils boivent (beaucoup de chocolat chaud apparemment ) que ce qu'ils ressentent en lisant. Mais cette distinction leur permet justement de comprendre la différence entre les notations  descriptives souvent pratiquées au collège  (parler de soi  et décrire le contexte dans lequel on se situe) et un travail plus littéraire de commentaire d'un texte: ce qu'on leur demande spécifiquement au lycée. 

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Je suis tout d'abord frappée par le fait que beaucoup évoquent une sorte de suspens : ils ne sont pas certains que le prisonnier ne va pas réussir à s'en sortir (sa grâce sera peut être acceptée me disent les uns, il n'écopera que d'une peine de  travaux forcés, espèrent les autres, et enfin: il va même essayer de s'évader .mais ça ne fonctionne pas me précisent des élèves déçus ) Alors je reprends le roman et je l'ouvre au chapitre 1 : je lis les premier mots : " condamné à mort " L'est-il déjà ou ne l'est-il pas encore vraiment ? Le chapitre 2 m'offre un retour en arrière dans la chronologie des faits car le narrateur, ce prisonnier dont je vais peu à peu découvrir toutes les pensées , nous fait revivre son procès et la sentence : cette fois plus de doute, au moment où le roman commence , il a déjà été condamné et désormais il va devoir attendre l'annonce de la date de son exécution. Un indice nous est donné par l'auteur à la fin du chapitre II: deux spectatrices à la sortie du tribunal se réjouissent de pouvoir revenir le voir mourir 6 semaines plus tard; beaucoup de lecteurs, dans la classe, ont été sensibles à cette confusion des sentiments . On éprouve à la fois de la pitié, de la compassion, de la sympathie pour la future victime (eh oui ! même s'il s'agit d'un horrible criminel ) et du dégoût, de la haine lorsqu'on nous décrit un public qui attend avec impatience d'assister à une exécution.

Pause petit déjeuner pour moi avec un nouveau café bien serré et sortie  matinale des chiens : la maison est toujours silencieuse ; seul mon bureau est éclairé et l'odeur du café se répand de manière agréable depuis la cuisine. Je terminerai la lecture des copies à mon retour. 

"les hommes sont tous condamnés à mort avec des sursis indéfinis " .. voilà une citation qui a été retenue par plusieurs lecteurs ; D'une manière générale, vous avez été sensibles à certains passages pathétiques comme l'annonce du verdict avec la reconstitution du procès ou la scène avec la petite Marie que beaucoup ont trouvé très émouvante; quelques uns ont été sensibles au pittoresque de la scène du départ au bagne ou des inscriptions que le prisonnier observe attentivement dans sa cellule : il y retrouve les traces des anciens condamnés "ces hommes de meurtre et de sang " ; Vous avez partagé ses angoisses en vous identifiant parfois à lui et vous l'avez plaint : vous l'avez également trouvé courageux car , selon vous, il reste digne et humain jusqu'au bout ; 

La fin du roman vous a frustré tout comme l'absence de renseignements sur le passé du personnage : Hugo a choisi , dans la perspective d'une défense de la suppression de la peine de mort, de fabriquer un personnage avec lequel le lecteur puisse facilement s'identifier et c'est pour cette raison qu' il ne mentionne pas son crime; en effet, il set beaucoup plus difficile pour un lecteur de s'apitoyer sur un assassin , ou un tueur d'enfants par exemple. Quant à la dernière phrase : "quatre heures" : elle marque l'heure exacte de son exécution; L'écrivain a choisi de ne pas la décrire ; Vous n'assisterez donc pas à la mort du personnage ! Hugo refuse de flatter ce qu'on pourrait appeler le "goût du sang " : c'est un parti-pris qui ne vous a pas plu. 

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Le prêtre assiste le condamné 

Dans l'ensemble , ce sont les petits détails qui vous ont le plus émus : un élève évoque, par exemple,  le bourdon de Notre- Dame qu'il était heureux d'entendre enfant et qui va désormais s'associer à sa mort "il y'a comme un bruit de cloches qui ébranle les cavités de mon cerveau."  Un autre me donne la taille de sa cellule : "huit pieds carré "  ; D'autres enfin ont relevé les critiques de la société de son époque : "Puis on ne souffre pas,en sont-ils sûrs ? " Ici Hugo se moque, comme vous l'avez dit, de ceux qui prétendent que la guillotine est indolore !! Certains sont  revenus sur leurs premières impressions et ont avoué s'attacher progressivement au prisonnier ; Lorsque Hugo écrit "la dernière fibre de mon coeur s'est brisée" : vous êtes nombreux à avoir réagi à cette citation et à avoir considéré que désormais, il était prêt à accepter sa mort;

Au final, à l'exception des traits en rouge pour souligner les faute d'orthographe, j'ai eu l'impression que ma journée avait plutôt bien commencé et ces corrections qui devaient me gâcher le week-end , m'ont vraiment fait passer un bon moment avec vos cerveaux et vos pensées. J'ai pu mettre de bonnes notes à de nombreuses reprises  et mesurer quel point certains avaient du se motiver pour réussir à lire ...et à écrire ...