La description d'une première attaque de ce genre se trouve dans une lettre datée du 1er février 1844, Flaubert avait 23 ans et venait de vivre une période difficile, ayant été contraint par son père à suivre des études de droit à Paris. Il n'aimait pas la grande capitale et le droit lui était odieux.Dans cette lettre, il décrit ses crises nerveuses en disant qu'à la moindre sensation tous ses nerfs tressaillent comme les cordes d'un violon mais il affirme aussi qu'il s'agit d'un mal bénin. Par une lettre écrite treize ans plus tard, Flaubert précise le caractère de cette maladie. Il explique que la faiblesse de ses nerfs était apparue dans sa jeunesse à force de veilles et de colères, et qu'il en avait souffert durant dix ans.

Nous retrouvons à peu près les mêmes termes dans une autre lettre adressée à Louise Colet, sa maîtresse:« Le chagrin, au lieu de me rester sur le crâne, a coulé dans mes membres et les crispait en convulsions. C'était une déviation. » (Lettre datée de 6 juillet 1852) ; Emma sera elle aussi, sous l'effet du chagrin lié à la lettre de Rodolphe, affectée par des crise de nerfs qui la laissent alitée, faible et incapable de s'alimenter.

Flaubert est une nouvelle fois touché physiquement lorsque sa maîtresse lui annonce qu'elle pourrait bien être enceinte. Il a une crise nerveuse, (avec des chandelles devant les yeux deux ou trois fois) parce que l'idée de donner le jour à quelqu'un lui fait horreur. Il n'a aucune envie ni de se marier, ni d'être père. (Lettre du 11 décembre 1852) ; Emma Bovary s'évanouira quand elle apprendra qu'elle a mis au monde une fille au lieu du garçon tant désiré.

Dans sa correspondance, Flaubert raconte qu’à l’occasion de son travail littéraire il s'identifie tellement aux personnages du roman qu'il crée, que leurs souffrances deviennent les siennes. Ainsi, en écrivant les mots attaque de nerfs à propos de Madame Bovary, il est si emporté, ressent si profondément ce qu'éprouve «  sa petite femme, » qu'il craint d'en avoir lui-même une attaque. Il se lève de la table et ouvre la fenêtre pour se calmer. (Lettre à Louise Colet du 23 décembre 1853)

Comme déjà indiqué, Flaubert parle très ouvertement dans sa correspondance de toutes sortes de faiblesses de son corps et de son esprit.

Flaubert est bouleversé lorsque Maxime Du Camp critique la Tentation de Saint Antoine et tombe gravement malade pendant quelques mois. - Au fond, cette grande déception va être à l'origine de son roman "Madame Bovary",qu'il s'efforce de créer à partir d'un sujet plat et vulgaire qui va à l'encontre de ses aspirations. Flaubert pour écrire tombait dans un deuxième état (état second), en s'extériorisant, alors les sujets qu'il traitait lui apparaissaient en visions, en tableaux, il est à remarquer que, rentré dans son état conscient, il trouvait des difficultés lorsqu'il voulait retoucher à son œuvre. »

En effet, en lisant les lettres de Flaubert, on trouve plusieurs allusions aux « deuxièmes états » dont parlait le docteur Fortin. Donc Flaubert possédait le don de vivre les déferlements de son imagination dans un « état second » ; Cette maladie peut être assimilée à la folie créatrice qui s'empare des artistes et les fait composer ,en état second.Chaque fois qu'il parle dans sa correspondance de ses « attaques de nerfs » il souligne le mot conscience pour ainsi mettre en relief que ses crises de nerfs ne signifiaient aucune opacité ni même une interruption de la réalité. Bien au contraire, il pouvait faire appel à chaque fois à ces sensations du fond de sa mémoire et s'en servait pour composer son roman.

CCL : de nombreux points communs entre la maladie d'Emma, ses attaques de nerfs et celles de son inventeur .