Le narrateur : qui raconte l'histoire de Madame Bovary ?  il s'agit d'un personnage anonyme qui ne prend aucun part aux faits relatés et dont nous ne savons rien; la voix du narrateur est le lien le plus direct avec la personne de l'auteur; le narrateur organise le récit: il est à l'intérieur de la fiction et peut parfois s'adresser au lecteur sous la forme d'un vous ; le plu souvent, la voix du narrateur prend la forme d'un on : "on parla  d'abord du malade, puis edu temps qu'il faisait, des grands froids, de loup qui couraient les champs , la nuit."  C'est ainsi que sont rapportés et résumées  les premières discussions  tout à fait banales entre Charles Bovary et Mademoiselle Rouault qui vit alors chez son père à la ferme. Le jour des noces, "on avait invité tous les parents des deux familles" Ce on a une valeur générale et désigne le narrateur omniscient; ce narrateur quasi invisible la plupart du temps, adopte un point de vue impersonnel et impassible; Sa présence  discrète se devine parfois à certains indices comme l'emploi du présent ou un jugement général comme lorsqu'il admire la beauté de l'héroïne : " Jamais Madame Bovary ne fut aussi belle qu'à cette époque " (Partie II, chapitre XII) Au cinéma, on pourrait utiliser une voix off pour restituer cette présence invisible.

Les voix des personnages : les dialogues sont relativement peu nombreux dans le roman; ils mettent les personnages face à face et permettent au lecteur d'avoir accès directement à ce qui se dit ; Flaubert confiait à de nombreux amis ne pas se sentir à l'aise pour créer des dialogues et il estimait même qu'il s'agissait là d'un point faible dans de nombreux  romans ; "quelle difficulté que le dialogue" écrit-il dans une lettre à Louise Colet en1853 et il ajoute qu'il faudrait écrire les "dialogues avec le style de la comédie et les narrations avec le style de l'épopée" . L'auteur distingue là deux manières de raconter une histoire et cette différence de style est souvent perceptible. C'est peut être aussi  pour cette raison que les échanges entre les personnages font souvent état de banalités  et Flaubert peine à concilier son style qu'il souhaite "vif et distingué" avec la trivialité de certaines  "gens du dernier commun" dont l'expression trahit la vulgarité, la fatuité et parfois même la bêtise; Pourtant la parole des personnages représente une des caractérisations essentielles des personnages qui se singularisent par leurs parlures, leurs tournures de phrases, leur niveau de langue et on connaît notamment l'importance pour les romanciers réalistes de cette illusion référentielle qui consiste à doter chaque personnage d'une voix propre à son milieu. A cet égard, on peut penser au personnage du père Rouault dont le langage imite celui des paysans aisés et contient des expressions typiques comme  "  quand j'ai eu perdu ma pauvre défunte "" se manger le sang "  ou quand il jure le jour d l'enterrement  de sa fille" je m'en vas la conduire jusqu'au bout nom d'un tonnerre de Dieu" .Le pharmacien Homais représente le type même de celui dont le discours trahit l'ignorance et l'épisode où il est ridiculisé et démasqué par le professeur Larivière est particulièrement révélateur: le médecin n'est pas dupe des paroles du pharmacien et il l'accuse même de manquer de sens, en faisant une plaisanterie. Flaubert s'efforce  donc de doter chaque personne d'un voix reconnaissable qui le relie à son milieu ou à sa manière d'être et de paraître. C'est en cela qu'on peut évoquer le réalisme des discours des personnages.

 Superposition et amalgame : l'écrivain s'efforce de dissimuler le plus habilement possible les passages d'un mode de discours rapporté à un autre  pour assurer la fluidité de la prose mais  il est confronté aux difficultés habituelles de l'emploi et de la répétition des verbes introducteurs; il lui faut inventer des soudures, des jointures pour passer harmonieusement du dialogue aux commentaires du narrateur ; l'un des moyens de masquer ces transitions consiste à utiliser le style ou discours indirect libre qu'on pourrait également appeler récit de pensée; Ainsi lorsque le narrateur raconte else rendez-vous nocturnes d'Emma et de Rodolphe dans le cabinet de Charles, il commence par nous révéler les pensées de Rodolphe au moyen du récit  avec un verbe introducteur : " Rodolphe réfléchit beaucoup à cette histoire de pistolets...pensait-il .;Le paragraphe suivant nous confronte directement aux pensées du personnage : " D'ailleurs, elle devenait bien sentimentale" Le verbe introducteur a disparu et nous sommes ainsi face aux pensées du personnage, sans intermédiaire (deuxième partie, chapitre X);  "Mais elle était si jolie ! " Le narrateur relaie directement l'admiration de Rodolphe qui hésite à rompre avec Emma à ce moment. Ces glissements successifs contribuent à "noyer" la voix du narrateur dans une sorte de fondu enchaîné . Les guillemets , principaux signe de médiatisation sont souvent absents alors que la ponctuation expressive marque l'appartenance au discours direct.  On nomme ce procédé discours indirect libre et Flaubert  l'emploie très souvent dans son roman.  Le principal avantage de cette manière de rapporter des énoncés réside dans la superposition de la voix du narrateur avec celle du personnage. Pour le lecteur, il est souvent impossible de savoir si la voix du narrateur prend le pas sur celle du personnage; ces sortes de monologues intérieurs nous donnent accès à l'intériorité du personnage mais on ne sait jamais vraiment s'ils ne sont pas pris en charge , de manière ironique par la voix du narrateur. En voici un exemple : Emma en veut à Charles d'avoir raté l'opération d'Hypocrite et elle se plaint  " Comment donc avait-elle fait (elle qui était si intelligente) pour se méprendre  encore une fois ?  L'utilisation de la parenthèse est-elle l'indice du commentaire ironique du narrateur ou de l'auto-ironie du personnage  ?  Flaubert a également recours à un autre mode de discours rapporté : ce qu'on appelle discours narrativisé consiste à évoquer des échanges de parole sans les reproduire intégralement : c'est une autre manière de rapporter des discours en les intégrant dans un récit. Ce procédé assure lui aussi une continuité entre récit et discours .

De manière générale, Madame Bovary est un roman qui entremêle les voix des personnages et les commentaires du narrateur, plus ou moins fondus dans le récit. Il est souvent peu aisé pour le lecteur d'identifier clairement la source des discours et il doit se contenter de noter les effets d'ironie dans le passage des paroles des personnages aux commentaires du narrateur dont la voix demeure impersonnelle et comme en surplomb de tout cet édifice romanesque; A noter toutefois que  le début du roman fait entendre un nous qui disparaît par la suite.L'usage fréquent du discours indirect libre est la nouveauté principale et contribue à brouiller les frontières entre les différents discours. Le roman montre aussi , grâce à cette technique, que les personnages ne se comprennent pas forcément et ne sont pas toujours sur la même longueur d'ondes.