Témoignage d'ANDRE BERKOVER

André Berkover est né le 29/07/1929 à Paris, il est âgé aujourd'hui de 86 ans.

Il a fait ses études au lycée Voltaire à Paris.

Son père était un artisan maroquinier à domicile.

Il mèna une vie tranquille avec son père, sa mère, son frère et sa sœur jusqu'en Juin 1940 où les Allemands arrivèrent à Paris.

Le régime de Vichy se met alors en place avec Pétain, chef de l'Etat à l'époque et Laval chef du gouvernement. Des lois antijuives sont instaurées (quasi à l'identique que celles qu'Hitler avait instauré en 1933) :

  • interdiction de faire du vélo

  • interdiction d'aller dans les lieux publics, les squares

  • prendre le dernier wagon des métros

  • couvre feu, ...

Un recensement des Français est organisé, des cartes d'identités avec la mention au tampon rouge « juif » sont établies afin que lors des rafles chacun puisse justifier de son identité.

Des nouvelles cartes d'identités sont établies car le tampon rouge « juif » s'efface et donc désormais le mot « juif » est perforé, ainsi elles deviennent infalsifiables. Les déportés doivent porter une étoile jaune sur leur vêtement.

Début mai 1944, son frère aîné se fait arrêter alors qu'il était aux douches publiques et emmener au camp de Drancy dans la Cité de la Muette.

Le reste de la famille se réfugia chez une tante à Paris (l'oncle a été déporté en 1942).

En juin 1944, André alors âgé de 14 ans et sa mère sont arrêtés et transférés par autobus sous l'autorité de la police française au camp de Drancy. Là, il retrouve son frère. Ils sont déportés le 30 juin 1944 vers le camp d'Auschwitz-Birkenau en Pologne (177 hectares – 487 000 m2). Il s'agit d'un camp de concentration et d'extermination. Une vingtaine d'autobus arrivent au camp de Drancy pour le transport des prisonniers vers la gare de Bobigny. Là, ils sont entassés dans des wagons (80 personnes/wagon). Il y a avec lui 600 hommes et 500 femmes (des enfants y compris). Le convoi part puis s'arrête car deux personnes tentent de s'échapper, elles sont immédiatement abattues. Beaucoup de personnes mourraient durant le voyage (par manque de nourriture, d'hygiène...), leurs vêtements étaient retirés.

Une fois à Auschwitz, les femmes et les hommes sont séparés. Les enfants de -16 ans sont gazés, alors André ment et dit qu'il a 16 ans et ainsi il reste avec son frère. Sa mère sera gazée (chambre à gaz) dès le lendemain de son arrivée. Tous les prisonniers sont tatoués sur le bras et portent un numéro de matricule. D'ailleurs, ils devaient toujours s'identifier auprès des SS en criant leur matricule en allemand.

Ils sont répartis dans des baraquements (200 personnes) et intègrent des kommandos de travail. Ils sont habillés de pyjamas rayés. Les kapos (meurtriers allemands) encadraient les prisonniers. Le réveil se faisait à 5 h du matin au son de la cloche et au garde à vous et s'ils ne se réveillaient pas, les kapos se chargeaient de les réveiller à la manière dure. Ils n'avaient droit qu'à du café (imbuvable) et une rondelle de saucisson. Ensuite, ils étaient alignés par 60 en long et en rang et ils étaient comptés (cela pouvait durer 2 heures). Dehors, la température avoisinait les -10 à -25°C. Les prisonniers étaient toujours sous escorte. Ils travaillaient 6 à 7 jours par semaine ; le dimanche, ils avaient droit à la grasse matinée, levée à 7 h au lieu de 5 h. André et son frère se retrouvaient le soir après leur journée de travail. Certains travaillaient dans les usines, André quant à lui devait ramasser des pierres, porter des sacs de ciment.... Beaucoup de gens mouraient de faim, de froid et de fatigue. Durant leur journée, ils n'avaient pas le droit de parler, de s'asseoir, de fumer... S'ils ne respectaient pas ses règles, ils étaient sanctionnés (25 coups de matraque dans les reins). Parfois, on les pendait sans raison. Un jour, André dut suivre un kapo dans un baraquement ; ce dernier lui demanda de s'asseoir à cheval sur un banc et le nargua avec du pain, il commença à lui faire des attouchements... Quand ils retournaient dans leurs baraquements, c'était la soupe et quartier libre jusqu'à l'extinction des feux. Lorsqu'ils étaient blessés, ils étaient envoyés à l'infirmerie et on soignait leurs plaies avec un peu de pommade. Ils pouvaient y rester de 8 à 15 jours selon l'importance des blessures.

Un jour, André réussit a faire rayer le numéro de matricule de son frère sur une liste que les SS avait établie et sur laquelle étaient inscrits les noms des prisonniers qu'ils allaient fusillés en faisant croire que celui-ci était déjà mort. Son frère se cacha dans les latrines durant cet événement.

Le 18 Janvier 1945, le réveil est habituel mais ils ont droit à une deuxième ration de petit-déjeuner. On les fait mettre en rang par 5. André dit au revoir à son frère qui est à l'hôpital. André ne reverra plus jamais son frère. Commence alors une longue marche « la marche de la mort » dans la neige et le froid (l'eau qu'ils buvaient provenait de la neige). Ceux qui tentaient de s'enfuir étaient aussitôt abattus. Certains parvenaient à se cacher dans des bâtiments mais ils étaient aussitôt retrouvés et fusillés. Durant cette longue marche, le convoi s'arrêta dans une ville en Pologne. Il resta 48 h dans un camp puis ensuite les prisonniers ont été mis dans des wagons pendant une journée. Les SS ont fait descendre les prisonniers en plein milieu d'une forêt de sapin enneigée, les ont fait mettre en rang par 5 et ont commencé à tirer. Beaucoup d'entre eux ont été fusillés, certains faisaient semblant d'être mort mais les SS vérifiaient les corps et tiraient sur tout ce qui bougeait et d'autres réussirent à s'échapper. André fut un de ceux-là. Il parvint jusqu'à une ferme, les pieds en sang et se cacha dans une cage à poule. Il fut aidé et soigné par les fermiers qui lui ont donné des vêtements et l'ont nourri. Il resta 15 jours dans cette ferme. Puis un jour, un camion est venu le chercher et il fut emmené dans un lycée transformé en hôpital : il y passa un mois puis encore un mois dans un autre hôpital. Ensuite, on le transféra en train vers un camp de rapatriement soviétique puis finalement il arriva par bateau à Marseille. Il pesait alors 37 kg. Il fut hébergé par une amie d'enfance de sa mère et apprit que son père et sa sœur étaient vivants. Le 11 mai 1945, son père, sa sœur et André furent enfin réunis.

Pas facile de reprendre le cours d'une vie normale. André fit des études et devint dessinateur. Il s'est marié en 1953, a eu deux enfants (un garçon et une fille).

Sur les 76 000 déportés de France, il y a eu 2 100 survivants.

André nous dit qu'il a de la haine envers les nazis mais pas envers les Allemands. André porte toujours sur son bras son numéro de matricule : 16572.

 

Commentaires

1. Le 21 mars 2016, 19:54 par Alexandre PARIS

Un récit complet et détaillé fidèle au témoignage d'André Berkover.