Témoignage de Jacques Klajnberg

Les parents de Jacques sont Hersch Klajnberg et Szewa Fogel. Jacques est né le 2 mars 1928 à Lodz en Pologne. Ses parents étant dans la misère, ils décidèrent d'immigrer en France dans le courant de l'année 1931.

Jacques a aussi un petit frère handicapé : Marcel, atteint de trisomie, que l'on nommait alors "les enfants mongoliens". Ceci m'a profondément choqué, je ne savais pas que l'on appelait les enfants trisomiques les "mongoliens", alors que ce terme a aujourd'hui un sens plus péjoratif.

Le père de Jacques est pâtissier, et sa mère est hospitalisée pendant 2 ans environ à cause d'un grave accident d'autobus. Lui va à l'école de la rue Tlemcen, il sera d'ailleurs le premier à apposer une plaque commémorative, avec les noms des enfants déportés ou morts pendant la guerre, sur le mur de l'école après la guerre. Une plaque n'aura pas suffit et il aura fallu en placer une deuxième, mais ce fut la première plaque de tout Paris, sur le mur de l'école Tlemcen.

Jacques ne pouvant pas être avec son père car il travaillait beaucoup et n'était pas souvent à la maison, fut remis à l'assistance publique... Et il dut porter l'étoile juive sur la poitrine comme tous les juifs... En allant à l'école il essayait de cacher l'étoile en faisant mine de se gratter avec son bras droit ( l'étoile étant du côté gauche). En exigeant que tous les Juifs portent cette étoile Hitler pensait distinguer et les humilier pour mieux les ridiculiser ; et bien pour Jacques il aura eu tort car en arrivant à l'école ses copains et copines furent certes intrigués mais pendant 10 secondes seulement, ses amis restèrent ses amis et continuèrent de jouer avec lui comme avec tout autre enfant. D'ailleurs le directeur de l'école dit lui même que : "tous ceux qui daigneront toucher à un seul enfant juif auront affaire à moi".

A Paris, heureusement, il y avait quelques bons policiers pour donner des informations concernant les rafles et aider les gens.

Le 15 juillet 1942, une rumeur fût lancée selon quoi il y aurait une grande rafle le lendemain (16 juillet 1942, rafle du "Vel d'Hiv').

Hersch Klajnberg et son fils décidèrent de se mettre en sécurité dans une petite maison qu'ils avaient construit à Ozoir-la-Ferrière. Mais la mère de Jacques ne voulut pas venir, son fils Marcel était hospitalisé dans un établissement spécialisé à Sainte-Geneviève-des-Bois, elle avait une date précise (tous les 2 mois, le troisième jeudi du mois) pour aller le voir et cela tombait le 16 juillet 1942. Elle fut déportée le 27 juillet après avoir été "raflée" au Vélodrome d'Hiver.

Quant à Marcel, il fut laissé à l'abandon, sans eau ni nourriture dans sa chambre d’hôpital et mourut à l'âge de 8 ans, en décembre 1942.

À Ozoir-la-Ferrière, le père de Jacques fut arrêté par la Gestapo et emmené en prison... Sur le chemin Jacques le suivit en pleurant, et tous les gens qui étaient là, à leur porte en regardant Hersch Klajnberg aux mains des agents, sans bouger, sans faire quoique se soit pour aider Hersch ou le jeune adolescent suivant derrière en pleurant... Seulement un coiffeur, un de leur voisin fit signe à Jacques de venir près de lui et lui dit que cela ne servait à rien de suivre son père si il ne voulait pas se faire arrêter à son tour... Plus tard le père de Jacques fut libéré, le commandant qui l'avait arrêté fut appelé sur le front de l'Est et le remplaçant dit à Hersch "- Pourquoi êtes-vous ici ? - Parce que je suis Juif. - Partez, je ne veut plus entendre parler de vous". C'est un cas extrêmement rare et le père de Jacques a eu beaucoup de chance d'avoir eu affaire à cet officier...

Alors Jacques et son père durent se cacher. Un de leur voisin, un pauvre ouvrier, était résistant sauf qu'il ne pouvait accueillir Jacques, son père, plus une femme et son fils de 8 ans qui s'étaient ralliés à eux. Il leur trouva donc une cachette dans un tout petit abri de jardin chez un vieux fermier où ils ne pouvaient sortir que la nuit.

Ils vécurent là durant un an environ, peut-être plus, peut-être moins... Dans un tout petit abri en taule à quatre... Un jour, un agriculteur d'à côté leur avait cédé des fanes de choux et Hersch les fit macérer durant 5 heures environ dans un seau... Tout le monde avait tellement faim que attendre aussi longtemps fut difficile mais à la fin, ils purent enfin manger les fanes de choux ; il y avait un rat mort dans le seau...

Jacques, à l'âge de 16 ans, fut enrôlé dans la Résistance (F.F.I.) pour libérer Ozoir-la-Ferrière, notamment une de ses grandes batailles fut sur le pont d'Ozoir. Il réussit avec l'aide des Américains à libérer la ville. Plus tard quand Jacques essaiera de retourner à l'appartement de son père à Paris, il était bien décider à reprendre possession des lieux... Quand la porte de l'appartement s'ouvrit, il vit une femme tenant un bébé dans les bras... Toute sa détermination à reprendre l'appartement s'effondra et il dit simplement "Est ce que je peux entrer deux secondes ? J'habitais là avant..." La pièce n'avait pas changé, les meubles pas bougés...

Merci à Jacques pour son récit, son témoignage très émouvant, plein de souvenirs plus touchants les uns que les autres...

Lise.

Commentaires

1. Le 21 mars 2016, 19:56 par Alexandre PARIS

Récit complet et détaillé du témoignage de M. Klajnberg.