Jacques Klajnberg, enfant caché et résistant
Par Manon BRIAND le 19 janvier 2016, 12:56 - Témoignages - Lien permanent
Jacques Klajnberg est né le 2 mars 1928 à Lodz en Pologne.
Son père s’appelait Hersch Klajnberg et sa mère, Szewa Fogel. Son père était pâtissier.
Il immigre en France en 1931 avec ses parents, à l’âge de 3 ans.
Jacques a un petit frère qui s’appelle Marcel. C’est un enfant handicapé.
Sous l’Occupation, Marcel est hospitalisé dans un établissement spécialisé où les personnels avaient comme ordre de laisser les handicapés à l’abandon, sans soin ni nourriture.
Marcel mourut à l’âge de 8 ans, en décembre 1942.
Cette même année, les étoiles juives apparaissent (1942).
Jacques, va à l’école de la rue Tlemcen dans le 20ème arrondissement.
Il nous a avoué que le premier jour où il dut porter l'étoile jaune, il avait eu peur de la réaction de ses camarades.
Il nous a dit aussi que tout le trajet jusqu'à l'école, il s’était gratté l’épaule pour cacher son étoile.
Il n’y eut qu’un petit mouvement de foule à son arrivée à l’école pour comprendre pourquoi lui avait une étoile et pas eux.
Mais tout est redevenu normal dès que tout le monde a compris.
Les premiers enfants déportés vinrent de cette école communale.
Une rumeur de rafle arriva à l’oreille de Jacques et de son père : les Juifs de Paris seraient arrêtés les 16 et 17 juillet.
Ils voulurent s’enfuir avec sa mère mais elle refusa de les suivre car à cette époque les familles juives ne pouvaient voir leurs enfants hospitalisés que tous les deux mois, le 3ème jeudi. Elle voulait absolument voir Marcel.
Elle fut finalement arrêtée lors de « la rafle du Vel’d’hiv. » le 16 juillet 1942 et déportée par le convoi n°11 du 27 juillet. Ce jour-là, il y a eu 1000 juifs déportés.
Son père et lui réussirent à se cacher à Ozoir-la-Ferrière en Seine-et-Marne dans la petite maison qu’ils appelaient « leur chambre » et qu’il avait construit avec son père lorsqu’il était petit.
Quelques jours après, ils virent une quinzaine de personnes qu’ils connaissaient arriver de Paris.
A la fin de la guerre, ils apprirent que tous sont morts à l’exception de son père et lui.
Le père de Jacques a bien failli être déporté plusieurs fois.
Un jour, il fut arrêté par des soldats allemands.
Jacques suivit à plusieurs mètres les soldats et son père un bon moment alors que tous les habitants du village regardaient sans rien faire.
Il ne comprit pas pourquoi personne ne l’aida.
Seul un homme s’occupa de lui et le garda quelques temps chez lui.
Au bout de quelques jours, son père rentra et lui expliqua tout : un gradé allemand qui devait faire le transfert lui avait posé une question « Que faites-vous ici ? Pourquoi êtes-vous-là ? » et son père lui avait répondu « Je n’ai rien fait, je suis juste né juif ». Alors, le soldat lui a dit « Partez ! Je ne veux plus entendre parler de vous ».
Son père avait eu de la chance.
Une autre fois, une femme avec son enfant de 8 ans vit débarquer les Allemands et se poster devant les portes des maisons appartenant à des Juifs. Elle courut avec son fils pour prévenir Jacques et son père dans leur « chambre » à l’autre bout du village.
Ils se cachèrent tous les quatre dans la forêt pendant plusieurs jours.
N’ayant pas mangé depuis longtemps, ils sortirent la nuit pour ne pas être vus des Allemands. Ils finirent par trouver des choux, puis un endroit pour vivre et se cacher dans une sorte de cabanon.
A cette époque, Jacques a 15 ans. L’homme qui les héberge dans ce cabanon est dans la Résistance et forme Jacques pendant un an.
Jacques n’en parle pas à son père.
A l’âge de 16 ans, il participe aux combats de la Résistance fin août 1944 pour libérer le village.
Bien sûr, son père ne veut pas que Jacques y aille, mais il ne l’écoute pas. Son père le poursuit sous les tirs ennemis mais ne parvient pas à entrer dans le village, bloqué par les résistants.
Jacques, parlant yiddish, va à la rencontre des soldats alliés. Ce sont les premiers américains. Il entre dans la ville sur le premier tank américain.
Par la suite, Jacques s’occupe des allemands blessés.
Jacques a traversé une période terrible de l’Histoire, il a eu beaucoup de chance de survivre. Il y a eu environ 163 000 enfants déportés durant la guerre ; des enfants qui ne comprenaient pas car ils n’avaient rien fait ; ils étaient juste nés juifs.
L’école de la rue Tlemcen est la première à avoir eu une plaque commémorative en 1997 à la demande de Jacques.
Par la suite, 63 plaques ont suivi dans les autres écoles.
Commentaires
j'ai bien aimé ce que tu as écrit
Le témoignage transmis par M. Klajnberg est ici fidèlement repris.