Pour commencer,  voici le texte macabre et terrifiant de Chloé.
 

Second Version of Painting 1946, Francis Bacon, 1971



 


 

 

L’air était lourd, l’odeur insoutenable. Cependant cela ne perturbait point l’homme. Il semblait embrasser cette odeur. Ses habits s’imprégnaient du parfum du sang fraichement écoulé, sa peau sentait l’acier tout juste aiguisé, son haleine empestait la mort. Cette odeur contrastait avec son costume chic et les chaleureuses et rassurantes couleures de la pièce, réhausées par une petite guirlande multicolore. Sa cravate était légèrement dénouée et ses jambes négligement croisées. Il était parfaitement détendu, comme un brave citoyen profitant d'un repos bien mérité, après une dure journée de labeur, dans un large et confortable fauteuil.

On aurait facilement pu se tromper sur sa nature si le fauteuil n’était pas en réalité un trône en os et moceaux de chair ensanglantée de toutes sortes. On pensait reconnaitre parfois les côtes d’un porc, le fémur d’un taureau, ou, pire, le torse d’un homme crucifié. Du haut de ce trône infâme, il dégageait une autorité naturelle et incontestable. Toute son allure indiquait sa suffisance et transpirait le mépris. Sa bouche était déformée par un large sourire. Un sourire qui n’inspirait pas la confiance, ni même la sympatie. Ce sourire était celui d’un requin, d’un prédateur, qui glace le sang et hante vos pires cauchemars. Le reste de son visage était masqué par l’ombre terrifiante de son parapluie. Personne ne voudrait se rappeler sa forme ou même sa couleur. Seuls restaient la désagréable sensation de froid, les horribles frissons de peur et l’infecte impression d’avoir été transpercé par les ténèbres.

Les plus lucides tentaient de le fuir, mais ils devennaient alors trop intéressants. Son regard était alors irrémédiablement attiré par eux, les immobilisait, les plongeait dans une folie meurtrière. Il ne fallait ni le fuir, ni l'approcher. Juste se fondre dans la masse. C'était le seul moyen de lui survivre.

Ensuite, l'écrit réaliste et pittoresque de Laura.
 


 

Le boucher de Louard


 

D’après un tableau de Francis Bacon Personnage avec quartiers de viande

 


 


 


 


 


 

On le connaît, il fait partie du village de Louard, des murs, des quartiers. Il a toujours vécu ici. Il y a maintenant 35 ans qu’il a repris le commerce familial, la boucherie du village. Peu d’entre nous le connait personnellement, c’est un homme mystérieux et de nombreuses rumeurs courent sur lui. Dans le village, on le reconnaît à son pas, sa canne en ivoire claque sur les pavés de la rue Carpentine adjacente à la boucherie. Il est grand, fluet et boiteux, son apparence dans la nuit ferait penser à celle du Slanderman. Ce n’est pas lui qui tient la boucherie en journée mais son neveu âgé de 19 ans à peine. Monsieur Lamarchal, quant à lui, passe son temps dans la seconde partie de la boucherie celle dédiée au découpage de la viande. On entend résonner dans la rue les coups de ciseaux et de couteau contre la chair des bêtes. La nuit quand tout est calme, comme un écho constant, on entend frapper la machette contre le plan de travail. Monsieur Lamarchal n’a pas d’enfant, on sait qu’il a une sœur et un neveu. Sa sœur refuse de lui parler depuis la mort accidentelle de leur père une nuit dans la boucherie. On n’entend jamais parler le boucher, personne ne connaît le son de sa voix ; on raconte même que par son manque de socialisation, il n’aurait jamais réussi à s’exprimer correctement. Dans les heures sombres de la nuit, une fois par mois, quand la lune est à son apogée, on entend un cri, un cri déchirant. Il est bref mais provoque des frissons aux plus courageux d’entre nous. Ce son provient de la boucherie, mais on ne distingue pas bien s’il provient d’un animal ou d’un humain qu’on égorgerait. Le regard du boucher est froid, vide et sans expression, il fonctionne comme une machine à découper mais une lueur étrange apparaît dans son regard quand il découpe des quartiers de viande. Son crâne est dégarni, ses ongles sont jaunes et son teint est blafard. Cependant il fait partie de la commune, vêtu de son bleu de travail, continuellement, il s’occupe de sa boucherie comme d’un enfant. Ce personnage qui est loin d’être anodin fait partie de notre quotidien. Sa viande reste la meilleure du petit village de Louard et sa boucherie, rue Carpentine, est tous les jours bondée.


Laissez vous maintenant emporter par l'histoire que vous raconte Birmane.

D’après un triptyque de Francis Bacon inspiré par le poème de T.S.Eliot « Sweeney Agoniste »

 

 

Un homme les observe. Il a l’air mystérieux, caché derrière la fenêtre, à l’ombre des regards. Il les étudie méticuleusement, prend soin de s’attarder sur chaque détail comme pour ne rien oublier d’elles. Il parait pensif mais très concentré. Elles, ces deux prostituées, n’ont l’air de se douter de rien. Puis il se rapproche encore de la chambre, pour mieux les espionner. Mais elles aussi sont occupées, elles ne le voient pas. Peut-être est-ce pour les défier aussi? Il a peut-être envie d’être vu également. Il veut peut-être être craint, instaurer la peur sur leurs visages et leurs corps, les terroriser. Peut-être est-ce un moyen de se sentir supérieur, tout puissant? D’assouvir une pulsion? Il les regarde déjà de haut, debout. Elles, allongées, sont déjà en position de vulnérabilité. Cependant elles ne le remarquent toujours pas. Après ce long moment d’observation il s’éloigne de la fenêtre. La nuit est déjà tombée. Peut-être va-t-il chercher d’autres proies ou bien rentrer chez lui? Il s’approche d’une cabine téléphonique et appelle. Plusieurs sonneries passent. Une voix de femme décroche. L’homme, d’une voix froide et impersonnelle qui se veut terrorisante, les prévient de leur assassinat. Elles, apeurées, décident de s’enfermer dans leur chambre, de verrouiller toutes les issues et d’attendre, de se tenir prêtes. L’homme revient ensuite devant leur fenêtre. Il frappe d’abord contre la vitre, voulant sans doute annoncer sa présence, se sentir en position de domination. Puis elles entendent un énorme vacarme. L’homme vient de pénétrer dans la maison. Il a l’air détaché, sur son visage on ne peut distinguer aucune émotion. Il a l’air vide. Mais de temps à autre un sentiment de haine transparaît. Il voit la peur sur leur visage mais cela ne le réjouit presque pas. Un éclair de rage s’empare alors de lui. Il les tue. Sauvagement. Il y a du sang partout. Il les frappe. Il les poignarde encore et encore. Une fois qu’il a fini, qu’il a obtenu ce qu’il désirait, qu’il n’y a plus rien à détruire, il s’en va.

Pour terminer, partons à la rencontre de M Boucot, personnage dessiné par Théophile plus vrai que nature.


 

Il ouvrit la porte et devant nous se présenta un homme d’une cinquantaine voire peut-être d’une soixantaine d’années. Il était vêtu d’un long manteau, d’une couleur se situant entre le gris et le noir, et d’un chapeau haut de forme. Le vieux monsieur était très élégant, et de grande taille, environ 1 mètre 85, je pense. Il avait les yeux verts et de très épais cheveux gris. Il se mit sur le divan et se présenta. L’homme s’appelait Norbert Boucot, et était notaire dans la ville de Lyon. Il était de passage dans la capitale pour un rendez-vous d’affaires. Monsieur Boucot avait une attitude plutôt calme, même s’il usait de sarcasmes en parlant de certains de ses clients. C’était quelqu’un de très amical envers nous. Il arborait toujours un grand sourire qui n’enlevait rien à son air sérieux et attentif. Il avait le tic de tout le temps nettoyer ses lunettes avec la manche de son long manteau. De lui se dégageait une forme de charisme qui faisait que lorsqu’il parlait tout le monde l’écoutait parler.