Yanis

Et elle est partit, tenant ses bras à la recherche, folle mais pas désespérée, d'un simple jouet d'enfant, d'une toute petite poupée en chiffon dans ce monde cruel et obscur qu'était la guerre.

 

Elles avancent, tentent de dégager les décombres pour se faufiler un passage entre les obus. Elles essayent d’oublier leurs soucis pour espérer voir une lumière, celle de l'espoir. Résolue à retrouver la poupée de sa fille, la mère retourna à la maison et marcha, puis s'arrêta devant la bâtisse dévorée par les flammes : elle découvrit des débris enflammés tombés morceau par morceau. Toute une vie partait en lambeaux, s'effaçant pour devenir des cendres. La mère chuta et abattue, ne se releva pas, sanglotant en silence et se demandant : «  Pourquoi ? Pourquoi ? » Elle se souvint alors de l’avant-guerre, d'une conversation avec son mari.

 

« Tu es obligé de partir, Tom ?

-Tu le sais bien chérie. Il lui caresse la joue et ouvre la porte d'entrée, stoppa net lorsqu'il remarqua sa fille le regardant avec ses grands yeux ronds.

- Tu pars où, papa ?

- Nul part, mon chaton, je ne vais pas loin.

- Tu reviens bientôt ?

- Très vite, ne t'inquiète pas, tu ne remarqueras même pas que je suis parti ! Tout en souriant, il se tourna vers le chemin et commença à avancer.

- N'oublie pas de donner des nouvelles rapidement et régulièrement.

- Ne t'en fais pas, sache que je serai toujours là pour vous, dans vos cœurs». Ses yeux se dérobèrent, il se retourna en direction de l'allée en pierre mais sa femme vit la larme couler sur sa joue. Il savait qu'il ne reviendrait pas et ça, il préférait le cacher à sa famille et faire perdurer la flamme de l'espoir, vite éteinte par les pleurs de sa femme à plus de quatre-cent kilomètres.

 

Toujours assis, pleurant de désespoir, elle regarda autour d'elle pour chercher du réconfort, non rien ni personne pour la soutenir dans ces épreuves rudes. C'est alors qu'elle remarqua que sa fille avait disparu, elle cria éperdument : « Rose où es-tu ? Rose ». Elle était totalement paniquée par la disparition subite de sa fille. Elle se releva et se demanda où avait-elle bien pu partir. Soudain, elle comprit, Elise était allée chercher sa poupée dans la maison à moitié en ruines. Il fallait l'en empêcher. Elle courut aussi vite qu'elle le put, elle ne voulait pas perdre sa fille, en plus de son mari. Dans son empressement, elle buta plusieurs fois contres les dalles en pierre qui constituaient l'allée. Avec stupeur, elle découvrit un homme en costume sombre qui l’attendait dans l'entrée. Elle arriva à sa hauteur et lui demanda : 

 

« Avez vous vu ma fille ? Elle l'empoigna si fort que la jointure de sa mains devenaient blanches. L'homme dégagea sa main et lui dit :

- Non, mais, sortez madame, la maison est sur le point de s'écrouler ! L'homme l'attrapa et essaya de l'emmener avec lui dehors.

- Vous ne comprenez pas, ma fille est peut-être à l'intérieur ! Si c'est le cas, je dois la sauver ! Elle lui donna un violent coup au visage et réussit à s'enfuir. Elle disparut de la vision de l'homme.

- J'espère qu'elle survivra ». Il sortit.

« Chérie, où es-tu ? 

-Je suis là maman, au secours !

-Où exactement ?

-J'ai peur maman, viens vite !

- N'aie pas peur, j'arrive ! Se dirigeant au son de la voix de sa fille, elle défonça d'un coup de pied la porte fragilisée par les flammes de la chambre. Elle découvrit alors avec horreur sa fille emprisonnée dans une cage.

Tu sais où se trouve la clef ? Mais c'est à cet instant où elle s'aperçut de l'absence de serrure. Comment ma fille a pu..pensa-t-elle vite, ses pensées furent vite interrompues par le bruit d'un obus qui avait atterri, juste à côté d’elles. La maison trembla et le sol sous la mère s'effondra. Elle tomba et s'éventra sur les décombres du rez-de-chaussée sous les yeux médusés de sa fille qui, choquée, ne remarqua plus le décor, ne fixant que sa mère étendue. Elle mourut sans souffrir, brulée vive avec comme dernière pensée: Maman, ça va ?

 

L'homme dehors allume une pipe et songea : il est de retour…