IV. Les espaces maritimes : approche géostratégique
A) Une mondialisation qui accroît le rôle géostratégique des E.M.
B) Des espaces reflétant la hiérarchie des puissances
C) Des espaces au cœur des tensions internationales


Délimitation du sujet :

► Les mers et les océans occupent les ¾ de la surface terrestre. S’ils ont été traditionnellement utilisés pour la pêche, la navigation, ils sont de plus en plus exploités à l’échelle mondiale. Aujourd’hui on utilise l’expression «espaces maritimes» considérant que les mers et les océans ne forment plus qu’un ensemble, un vaste espace qui est davantage différencié en fonction de son intérêt économique et stratégique que par sa simple localisation sur le globe. C’est donc la mondialisation qui conduit à utiliser un terme globalisant.

► Le terme « géostratégie » est souvent associé à celui de géopolitique. L’analyse géopolitique de ces espaces s’attache à définir l’enjeu qu’ils représentent dans la compétition, la rivalité de pouvoir entre Etats. La géostratégie désigne des processus de maîtrise ou de domination de territoires qui déboucheraient sur un conflit d’intérêts. La géostratégie peut donc être définie comme une partie d’un ensemble plus vaste, la géopolitique des espaces maritimes.

 

Pb : Pourquoi ces espaces sont-ils si convoités par les Etats ? Quels sont les enjeux liés à leur contrôle et à leur maîtrise ?

Introduction :

La maîtrise des mers et des espaces océaniques est l’un des principaux défis à relever pour les Etats du monde pour la sécurisation des voies commerciales, pour la protection de l’approvisionnement énergétique, tant à la source qu’en transit. L’accès aux matières premières, aux débouchés commerciaux, dépend essentiellement de la liberté et du développement des routes maritimes qui structurent l’économie mondiale. Ces espaces sont une bonne illustration de la mondialisation puisque, bien que maritimes et finalement peu habités, ils sont au cœur de celle-ci.

A) Une mondialisation qui accroît le rôle géostratégique des E.M.

1) Les passages stratégiques
* Voir carte manuel p. 281 : essentielle pour réviser cette partie

► Il existe de véritables carrefours, où s’entrecroisent de multiples routes régionales et internationales :
- telles les Caraïbes, la Méditerranée et la mer de Chine du Sud.
- Près d’un cinquième de la consommation mondiale de pétrole transite par le détroit d’Ormuz qui est l’un de ces points de passages fondamentaux.
- De même, les détroits de Malacca et de Singapour (+ de 75000 passages par an ), points de passage très fréquentés entre Pacifique et Océan Indien, sont devenus cruciaux pour les économies du Japon, de la Chine et de l’Asie du Sud-Est, pays très dépendants des mouvements de pétrole et du commerce maritime pour leur développement économique.
- Les canaux de Panama ou Suez (20000 Navires par an), véritables portes océaniques, constituent également des maillons sensibles des routes maritimes.


► Ces détroits et canaux peuvent être l’enjeu de revendications et oppositions entre états limitrophes. Une porte peut être ouverte ou fermée à la navigation, ou présenter des entraves de la même manière pour un détroit.
Il peut s’agir d’une action délibérée de la part d’un État (détroit d’Ormuz que l’Iran a déjà menacé de fermer par le passé, donc présence marine américaine pour protéger les navires) ou celle d’autres acteurs (pirates).


 

2) L'apparition de nouvelles routes ?

► Les changements climatiques conduisent à modifier progressivement l’état de l’océan Glacial Arctique. Des zones non navigables une partie de l’année le deviennent entre le Canada et la Russie depuis 2006 et la route du Nord-Ouest est empruntée depuis 2009 (Côté Groënland vers le Canada). La route sera totalement ouverte quand la banquise aura fondue vers 2070 : d'où un voyage entre Europe et Asie beaucoup plus rapide.

[Même si les distances entre les ports sont réduites en passant par l’Arctique plutôt qu’en transitant par Panama ou Suez, on est encore loin de l’exploitation commerciale. Le passage par l’Arctique n’est pas régulier, ce qui ne convient pas aux exploitants de porte-conteneurs. La navigation demeure dangereuse et nécessite des bateaux spécialisés très chers à construire. Les coûts de péage imposés par la Russie sur la route maritime du Nord-Est sont trop élevés pour que cette voie soit déjà rentable. Donc le trafic reste faible pour le moment]


B) Des espaces reflétant la hiérarchie des puissances


1) Une présence militaire renforcée

► Les navires qui confèrent une puissance navale indiscutable sont les porte-avions nucléaires. Les portes-avions américains peuvent accueillir 80 Avions, les chinois, 30 à 40. Les Etats-Unis sont les principaux détenteurs de porte-avions dans le monde (14 en 2013, la France et la Chine n’en possèdent qu’un pour le moment). La Russie est la deuxième puissance navale, concurrencée par la Chine dont le budget défense augmente. Autre arme importante pour être une puissance navale : le sous-marin nucléaire. Les Etats-Unis ont le plus d’engins et ceux qui ont la plus grande portée (2000 Kms). La France en a 4 et devrait en avoir 6 mais d’une portée de 1000 Kms.

► Mais la puissance navale se mesure aussi en fonction de la rapidité d’intervention, il faut donc être «installé» sur toutes les mers et océans. Les Etats-Unis sont leader grâce aux portes avions mais aussi aux territoires américains dispersés sur les îlots dans le monde (Archipel d'Hawaï mais pas seulement). La France est aussi très bien implantée car ses possessions d’outre-mer lui assurent aussi une présence mondiale, mais sa force de frappe n’est pas assez conséquente. Pour le moment les Etats-Unis dominent, mais les autres grandes puissances navales sont : la France, la Chine, l’Inde, la Russie, la Grande Bretagne et le Brésil.
► Les flottes militaires sont utilisées lors des conflits locaux, après demande d’intervention internationale mais assurent aussi la protection des marines marchandes parfois sur les principales routes maritimes.

2) Des espaces dangereux

► La piraterie est un phénomène qui devient de plus en plus préoccupant tant pour ses conséquences politiques (stabilité des Etats, équilibres régionaux) qu’économiques (incidences commerciales et financières). Selon OMI* : depuis an 2000, 3500 actes de piraterie. Les pirates s’emparent des marchandises ou retiennent les équipages en otage contre rançons.

► La piraterie est développée dans les passages stratégiques : détroit de Malacca, Mer de Chine, ou Golfe d’Aden au large de la Somalie ( 50 bateaux y passent par jour, principale route maritime pour l'Europe ) qui concentre plus de 50% des actions de piraterie : en 2010, 219 bateaux attaqués et + de 1000 marins pris en otage.

► La piraterie est réapparue massivement au lendemain de la Guerre froide, surtout à cause de l'insuffisance de l'ordre régional et des faiblesses ou des tactiques des Etats. Cela explique la permanence de bandes armées semi-professionnalisées, parfois placées sous la protection d'hommes politiques locaux influents pour lesquels elles jouent aussi le rôle de milice privée.


3) Une gouvernance inexistante
► Ces actes de piraterie sont très révélateurs de l’incapacité de contrôle des Etats et de la mauvaise qualité de la régulation des espaces internationaux. Depuis 2008, il existe des tentatives de mise en place de mesures internationales : UE a mis en place la « mission Atalante » : lutte contre piraterie au large des côtes somaliennes avec flotte de 10 pays européens qui protègent navires marchands à destination ou provenance de UE (escorte des paquebots, protection des marchandises et équipages).

► Au point de vue de la régulation commerciale, u
ne gouvernance mondiale se met cependant en place : l’Organisation Maritime Internationale (OMI), basée à Londres (dépendante de ONU). Elle est en charge des réglementations. Mais elles sont difficiles à faire appliquer car il existe des pavillons de complaisance donc difficile de retrouver les flottes internationales.


C) Des espaces au cœur des tensions internationales


1) Des rivalités pour s’approprier l’espace maritime

► Les espaces maritimes sont la quasi-propriété des états. En effet, en 1982 sont créées les ZEE (= Zone économique Exclusive, appliquées depuis 1994) par ONU dans Convention des Nations Unies sur le droit de la Mer (CNUDM) lors de la conférence de Montego Bay (Jamaïque) = Chaque état côtier possède une ZEE soit une bande cotière de 20 milles marins (= 37 Kms) dans un ensemble plus vaste de 200 milles au large (= 370 kms) sur laquelle il exerce sa souveraineté (ce qui correspond généralement au plateau continental). Il peut donc disposer des ressources (pétrole, pêche,…) dans cet espace maritime.

Deux pays qui ont plus les plus grandes ZEE : Etats-Unis = 11.35 Millions de km² (ils n’ont pas ratifié la CNUDM) et la France avec 11 millions de km² (métropole + DROM-COM).

► Certains espaces maritimes sont revendiqués par différents pays car assez proches donc cela provoque des tensions ou des conflits entre Etats voisins. On compte environ 70 espaces maritimes conflictuels, et il existe un tribunal international du droit de la mer (TIDM) à Hambourg.

Ex. : En Arctique, la richesse du sous-sol marin conduit à de fortes rivalités entre Etats-Unis, Russie, Canada, Danemark avec Groenland et Norvège (drapeau russe planté sous le pôle Nord en 2007 et demande à ONU d’une ZEE de 1 million de km² ).

Ex : en Mer de Chine, nombreuses tensions entre Chine et Corée du Sud, Japon ou Taïwan ou encore exemple des îles Spratley revendiquées par Chine, Vietnam, Philippines, Malaisie, Brunei.

2) Des espaces surexploités et fragilisés

► Les espaces non inclus dans les ZEE (« haute-mer ») sont les eaux internationales, donc libres d’accès et d’exploitation car appartenant à tous. Ce sont donc des espaces convoités et particulièrement vulnérable en l'absence de toute régulation internationale.

► Les fonds marins sont de plus en plus occupés pour assurer des flux (câbles pour le numérique, oléoducs, gazoducs).

► Les eaux internationales fournissent aussi des ressources :

- Les ressources maritimes sont variées : les ressources halieutiques (pêche) sont de plus en plus exploitées. La pêche représente 90/100 Millions de tonnes /an, elle a multiplié par cinq les espaces de pèche depuis les années 50. En Atlantique Nord ou dans le Pacifique, les bateaux-usines traquent les ressources de plus en plus en profondeur, mettant en danger la biodiversité déjà malmenée par le réchauffement climatique. On parle de surpêche.
Des mesures peuvent être prises au niveau international par ex. : pêches à la baleine ou au thon rouge interdites, pêche à la morue interdite au large du canada.

Principales zones de pêche : Ouest Amérique, Est Asie, Nord Ouest Europe.

► La majorité des futures zones d’exploitation d’hydrocarbures est off-shore, les fonds marins auraient 1/3 des ressources. Deux réserves importantes ne sont pas encore exploitées (au large des deux Guyanes dans l'Atlantique et dans l’océan Arctique ).

- Mais dans l'Arctique, les enjeux économiques liés à l’exploitation des ressources en hydrocarbures et à l’ouverture de nouvelles routes commerciales du fait de la disparition progressive de la banquise font peser de graves menaces sur l’équilibre écologique et sur les modes de vie traditionnels des populations autochtones.

► Les fonds marins sont aussi riches en minerais (dans des nodules polymétalliques : manganèse, cobalt, cuivre, nickel) qui pourraient être exploités (quand la technologie permettra l'extraction à de grandes profondeurs).

► La pollution est de plus en plus importante : elle peut être spectaculaire quand une marée noire est provoquée (ex : en 2010 explosion d’une plateforme pétrolière de BP ( FTN Britannique ) dans le golfe du Mexique), mais il existe aussi une pollution plus courante et moins spectaculaire par la pratique du dégazage des bateaux (donc augmentation du taux de métaux lourds dans mer) ou le rejet des déchets non biodégradables (« mers de plastiques »).


Pour réviser :

http://www.education-et-numerique.fr/0.3/activity/embed.html?id=587ca49a3361eb1b406ecb22