Carnet de bord du collège Léon Blum de Wavrin, par Carine Lecointre
1ère étape : inscription au concours
J’attends la confirmation..
Novembre top départ nous sommes officiellement inscrits !! Je dois d’abord finir ma séquence sur les villes et on se lance.
J’annonce donc à mes trois 4emes le projet.
Une heure pour leur expliquer le thème du concours, les modalités et bien sûr le fameux « qu’est ce qu’on gagne » ?
Donc 1e heure : je distribue tout de suite le règlement du concours (l’intitulé pour qu’ils se souviennent du thème « dessine le quartier du collège ») j’insiste sur la thématique de la carte sensible. J’évacue aussi les formalités administratives, feuille d’autorisation de publication à faire signer. Les heures précédentes sur la ville nous avions travaillé le croquis de paysage , finalement ça tombe bien, les bases de la cartographie et du choix des figurés étaient déjà posées.
2e heure : réflexion de groupe sur la notion de quartier avec les cartes de Geoportail sur vidéoprojecteur et là ils se rendent compte de la 1e difficulté : ils n’ont pas tous en tête la même notion de « quartier », quelles limites choisir ? Jusqu’où va le quartier ?
Certains optent pour ce qui est autour du collège (la proximité et la continuité) mais une partie de mes élèves habitent dans une autre ville et viennent en bus donc ici la notion de discontinuité, pour eux le « quartier » c’est le collège et leur maison et le lien c’est le bus; donc un quartier par les pratiques avec des discontinuités.. Discussion sur la notion de distance, selon eux c’est relatif, ils parlent finalement de temps plus que de distance. Un même trajet peut leur sembler plus ou moins long selon le facteur « ennui » : faire la route en bus leur semble plus long et moins amusant que de venir en vélo avec les copains, alors que la distance est la même. Même discussion sur les lieux du quartier et sur la notion du « beau ».
Suite à cette réflexion, on décide que le quartier sera différent selon les élèves et leur vécu, à chacun ses limites.
Je les rassure c’est une carte sensible, subjective donc bien sûr pas grave si c’est leur vécu qui apparaît et non la réalité ; au contraire, ils peuvent se libérer des règles de la réalité physique.
Il nous reste à réfléchir justement sur la thématique du « sensible », je définis avec eux le terme. Nous nous arrêtons sur les 5 sens : odorat, toucher, vue, ouïe, pour le goût plus difficile. Ils insistent pour que sur la carte apparaisse le temps qui passe, selon eux c’est important car selon les lieux et les temporalités de la journée, le quartier et le collège sont appréhendés de façon différentes. Et se pose la question : comment représenter les sens, les odeurs, les bruits, le temps ? Nous compilons les différents figurés possibles.
Séance intense et un peu bruyante car tous avaient des idées, des remarques, pas facile de tous leur donner la parole, ils apprennent à s’écouter.. Pour terminer je leur présente des travaux d’artistes et des exemples de cartes subjectives, mais pas trop, je veux que ce soit leur travail personnel.
3ème heure (Déjà ? Mon dieu mon programme !!)
Atelier pratique : tous ont ramené crayons, colle, feutres..Réalisations des premiers brouillons, en groupe selon qu’ils vivent à Sainghin ou Wavrin. Je passe de groupe en groupe, je guide, renseigne, ils ont le droit de vérifier sur mon ordinateur des noms de rue, des placements de bâtiments, l’orthographe d’un mot. Ici la difficulté principale c’est le format. Au début une feuille A5 blanche c’est grand mais très vite ils se rendent compte qu’il faut faire « tenir » le quartier dans ce rectangle, les brouillons s’amoncellent, la poubelle se remplit, ils s’y remettent. Ils se confrontent à la problématique de l’échelle.. Les idées commencent à prendre forme et les brouillons se personnalisent : certains fans de jeux vidéos préfèrent imaginer une carte sur un écran, d’autres veulent la faire sous forme de BD. . Quelques élèves en difficulté n’osent pas se lancer « je ne sais pas dessiner » « j’ai pas d’idées ». ; je les regroupe avec moi (les autres sont lancés et travaillent en autonomie) on discute, ils me racontent leur journée, leur trajet, comment ils voient le collège, on essaie de mettre par dessin ce qu’ils me disent, ça vient tout doucement, ils prennent confiance et finalement me disent « ouais c’est pas si difficile, on dessine juste notre vie sur une carte ».
Fin de l’heure je ramasse les brouillons pour vérifier et conseiller les différents groupes mais au final ils ont pour la plupart préféré faire une carte individuelle car ils avaient tous des idées différentes sur ce qu’il fallait représenter. En plus ils étaient rassurés « c’est pas noté ? On peut mettre ce qu’on veut ? « Ouii vous mettez ce que vous voulez."
4e heure : l’heure du choix.
Après avoir rendu les brouillons, finalisation du travail. Je dois un peu conseiller, guider et surtout fixer une date butoir et m’adapter : je pensais que ce serait un travail de groupe mais chacun ayant une vision différente ils ont préféré -après un temps collectif- faire leur propre carte. Ok on change les règles. Ils viennent me montrer l’avancée du travail, me rendent leurs cartes, certains en avance, d’autres abandonnent. Date butoir, je récupère tous les travaux, je scanne les cartes et nous avons décidé de faire un vote pour choisir la carte qui représentera la classe. Chaque élève vient au tableau présenter et expliquer sa carte aux autres élèves. Sans le savoir, ils travaillent leurs compétences : s’exprimer à l’oral, justifier le choix de leurs figurés, de leur représentation et tout cela sans notes.
5e heure : mon dieu, le temps passe trop vite. Il reste à faire le texte. Autre compétence mise en œuvre, mettre sous écrit, raconter, rédiger un récit à partir de ce qu’ils ont dessiné. Chaque classe ayant voté, une carte a été choisie, c’est elle qui sert de support à l’écriture mais là je n’ai plus beaucoup de temps (mon programme !!) je demande de l’aide à mes collègues de français pour finaliser. Heureusement l’interdisciplinarité en flux tendu ne les gêne pas, ils répondent tous présents. Ce sera sous forme d’écriture collaborative et, comme pour les cartes, les élèves choisissent le texte qu’ils préfèrent..Fonctionnement très démocratique.
Au final, c’est vrai j’ai du retard dans mon programme mais tous les élèves ont participé au projet, à des moments différents et sous des formes différentes, soit par l’oral, l’écriture ou le dessin, chacun selon son potentiel. Tous y ont mis plus ou moins d’entrain : certains trop, il fallait canaliser, d’autres à motiver, soutenir et rassurer.. Le cadre d’un concours a aidé : pas de notes, juste un challenge..Tous ne sont pas allés au bout, soyons honnête, mais tous ont donné leurs avis. Ils ont fait de la géographie sans en avoir l’air, ils ont discuté des choix à faire, justifié et défendu leur point de vue, ils ont travaillé en équipe et ont du s’écouter.
En tant qu’enseignante, j’ai trouvé l’expérience très positive. Par contre première fois aussi pour moi, il a fallu que je m’adapte selon les élèves, leurs idées. Ce n’était pas un cours « cadré », j’ai du lâcher un peu la main et leur faire confiance. Même si on ne gagne pas ce fut une expérience enrichissante pour eux comme pour moi.
Carine Lecointre.
Voir la carte réalisée par la classe de 4ème1
Voir la carte réalisée par la classe de 4ème3
Voir la carte réalisée par la classe de 4ème4.
Le récit en images :