"Vengeance toxique" (Leyla Benhadji)
Par L. Bueno-Lahens (lycée Hoche, Versailles (78)) le 24 janvier 2016, 10:30 - Nouvelles réalistes à chute - Lien permanent
Le 5 septembre 1998 était une belle journée. Les oiseaux chantaient, le soleil brillait, le ciel était d’un bleu éclatant. Oui, c’était une magnifique journée, c’est pourquoi, Charles décida que c’était la journée idéale pour commettre son meurtre ou plutôt ses meurtres. Cinq victimes qu’il empoisonnerait avec la plus grande satisfaction. Bien sûr, ses victimes n’étaient pas choisies au hasard. Toutes étaient des connaissances de lycée, qui s’étaient acharnées contre lui pendant des années. Des taquineries sur son étourderie, sa naïveté et sa stupidité. Depuis, l’envie de revanche de Charles avait pris des allures de meurtre. Son plan était d’une grande simplicité : il avait loué sous un faux nom un appartement pour la soirée, où il empoisonnerait ses « amis ». Il partirait ensuite pour une destination lointaine. Normalement, la police ne devait pas faire le lien avec lui, mais dans le cas contraire, il serait déjà bien loin. Il avait ensuite contacté ses anciens camarades avec un téléphone jetable, et les avait invités pour l’apéritif, en prétextant de joyeuses retrouvailles. Tous, impatients de se retrouver comme au bon vieux temps, avaient accepté. Ils se rappelaient avoir taquiné Charles, mais ce n’était que l’illustration d’une certaine affection pour lui.
À sept heures, tout était prêt : petits fours, amuse-bouches et champagne. Ils n’y verraient que du feu. Rien n’avait été laissé au hasard, pas même le costume que Charles porterait en ce grand jour. Vingt minutes plus tard, les invités arrivèrent. Si les anecdotes racontées faisaient rire de bon cœur, elles confortaient Charles dans ses désirs assassins. Chacun expliqua ce qu’il était devenu. Jacques était un avocat réputé et marié avec deux enfants. Christine était médecin dans un des meilleurs hôpitaux de la capitale. Sylvie était mère au foyer et s’occupait de ses cinq enfants. Pour finir, Marc possédait une grande chaîne d’hôtels et était fiancé.
A huit heures trente, les quatre convives plongèrent dans un sommeil dont ils ne se réveilleraient pas. Le poison avait fait son effet. Ils étaient morts. L’heure était venue de tout nettoyer. Chaque empreinte, chaque trace de chaussures, devait être effacée. Il frotta les tables, les poignées, les verres, la cuisine, la salle de bain et les toilettes. Il pensait à ce qu’il aurait pu oublier. A dix heures, il eut terminé.
Il s’assit ensuite sur le canapé, en prenant soin de ne rien toucher. Il repensa à la suite de son plan machiavélique. Il avait un vol demain matin à onze heures pour Rio de Janeiro. Il partirait avec le strict nécessaire. Là-bas, il trouverait un emploi facilement et se servirait de ses économies pendant les premiers mois. Il regarda ensuite ses victimes et prit conscience de son acte. Pas le moindre remord effleura son esprit. Ses soi-disant amis l’avaient persécuté pendant des années. Il avait tenté d’oublier, il aurait pu leur pardonner. Mais méritaient-ils vraiment de mener une vie insouciante et impunie ?
Il avait appelé un taxi pour le ramener chez lui. En attendant, et pour fêter sa victoire, il se servit un verre de champagne tout en contemplant les corps, presque translucides sous la lumière artificielle. Puis soudain, ses yeux s’ouvrirent dans un élan de lucidité. Le champagne, encore pétillant sous sa langue, avait l’amertume d’une erreur, fatale.
Commentaires
J'ai beaucoup aimé lire cette nouvelle. L'intrigue est très bien trouvée et ne nous laisse pas le temps de s'ennuyer . J'aurai juste une petite question : est ce fait exprès qu'à la troisième ligne tu parles de cinq victimes alors que seulement quatre "convives" sont présentent ? Ou était-ce pour nous avertir qu'il y aurait une personne de plus qui mourra ?