"Une découverte inattendue et mystérieuse" (Alexandra Gay)
Par L. Bueno-Lahens (lycée Hoche, Versailles (78)) le 07 février 2016, 15:43 - Nouvelles réalistes à chute - Lien permanent
C’était une journée d’automne. Le ciel était bas. L’atmosphère humide pénétrait jusqu’à travers les murs épais de la maison.
Installée dans mon vieux fauteuil, sous une couverture de laine bien chaude, je me remémorai tous ces souvenirs qui se bousculaient dans ma tête. Je percevais juste les petites gouttes de pluie qui heurtaient les vitres. Regardant au loin le passage des voitures sur la route inondée, mon regard se perdait dans l’immensité des champs et des prés qui s’étendait à perte de vue. Que faire à présent? Là était toute ma pensée. J’étais maintenant seule à cinquante ans dans un grand appartement.
Le retentissement de la sonnerie me sortit brutalement de mes songes. Prenant appui sur le rebord de la fenêtre, je me penchais et aperçus un homme qui était à la porte. L’homme commença à me parler :
« Bonjour Madame! Excusez-moi de vous déranger à cette heure-ci! Etes-vous au courant de l’inauguration demain d’un marché à St Aubin, petite ville non loin d’ici?
- Ah non, pas du tout jeune homme! Mais vous savez, je suis très préoccupée en ce moment car je viens de perdre mon mari... Vous comprenez certainement ma tristesse.
- Désolé, toutes mes condoléances... Ecoutez, je comprends votre situation. Toutefois, je vous laisse toutes les indications nécessaires dans votre boîte à lettres.
- Merci bien, au revoir!
- Bon courage et bonne soirée. »
Rapidement, je retournai à mon fauteuil, replongeant instantanément dans mes pensées lugubres ... Incapable d’avaler la moindre nourriture, je pris place dans mon lit. Je réfléchissais.
Envahie par une soudaine curiosité, je surgis de mon lit, descendis les escaliers me séparant de ma boîte à lettres. Je l’ouvris et lus « Rendez-vous place des Pivoines dès six heures. » Je remontais mes coucher, le sourire aux lèvres à l’idée de cette promenade au marché du lendemain. Après tout, cela ne pouvait pas me nuire mais, au contraire, me donner un élan pour penser à autre chose.
Le lendemain matin, je partis tout apprêtée, prise d’une soudaine joie. Ma robe blanche et mes souliers me donnaient davantage d’assurance. Arrivée à la place des Pivoines, je parcourais ce marché, aux mille couleurs, aux mille odeurs mais toutefois nul objet n’arrivait à capter mon attention. J’étais presque arrivée au terme de ce marché, déçue de ne pas y avoir trouvé fortune, quand, soudainement, je fus interpellée par un cri provenant de ma droite au niveau d’un arbre. Me rapprochant pour en découvrir l’origine, je vis deux yeux brillants et très expressifs. Ils m’observaient en coin de l’œil, n’osant pas m’affronter directement, révélateur d’une probable timidité. Bien que les marchands commençaient à partir, nous restions ensemble, ne pouvant nous détacher l’un de l’autre.
Après plusieurs longues minutes à nous observer, le jour commença à tomber et le froid se faisait de plus en plus glacial. Je lui proposai de venir chez moi pour lui offrir une boisson chaude. Il hocha simplement la tête, sans émettre un seul son. De retour à la maison, il pénétra prudemment regardant tout autour de lui, puis il prit place dans mon fauteuil afin de contempler la vue depuis la fenêtre. Bien que scrutant chacun de mes pas et toujours aussi silencieux, sa présence m’était agréable.
Plusieurs jours passèrent en sa compagnie; je reprenais peu à peu goût à la vie grâce à sa présence douce et chaleureuse et ses petits allées et venues. Aujourd’hui était un grand jour : le jour où le corps de Mr Dubert, mon mari, était enseveli. Nos familles respectives étaient présentes pour l’occasion. Nous étions le 16 décembre 2000, il était onze heures, heure à laquelle le prêtre nous attendait devant l’Eglise Sainte-Anne. Il avait, alors, décidé de m’accompagner pour ce jour important. Emmenés tous les deux par un taxi, mes jambes ne pouvant me soutenir, nous entrâmes dans l’église et le prêtre débuta la cérémonie. Revenus vers dix-huit heures à l’appartement, je le remerciais, il m’avait été d’un grand soutien en cette journée.
Le lendemain matin, je fus réveillée par l’horloge du salon qui sonnait toutes les heures. Je sortis de mon lit et pris place dans mon canapé avec ma tasse de thé, comme à mon habitude. Seulement aujourd’hui, il n’était pas là à m’attendre. Sur le moment, j’étais triste et, le temps passant, mon inquiétude grandit. Inquiète et contrariée, je partis à sa recherche mais il était introuvable... Interrogeant les voisins aux alentours, personne ne l’avait aperçu.
Le lendemain matin, je me rendis en ville pour faire quelques courses. En passant devant la brasserie du village, je le vis assis au comptoir parmi les villageois. Je pénétrai à l’intérieur et l’interpellai, il accourut vers moi en se frottant contre mes jambes. Je le pris dans les bras, le câlinai. Ses yeux magnifiques me regardèrent. Nous nous étions retrouvés, mon chat et moi.