Le cinéma, des origines aux années 1950


I] Les débuts du cinéma (années 1890-1900)


Activité 1 : A quand les débuts du cinéma remontent-ils ? Dans quel pays ce nouvel art fait-il son apparition ?

1) L’apparition de l’image animée aux Etats-Unis : Edison et le kinétoscope

Contrairement à une idée reçue largement partagée, l’image animée voit le jour aux Etats-Unis et non en France. A l’origine de cette révolution, on trouve une innovation dans le domaine de la photographie : en 1888, les Américains John Carbutt et George Eastman inventent un support souple et transparent, en nitrate de cellulose, le celluloïd. Quelques années plus tard, en 1891, Thomas Edison, l’un des pionniers de l’électricité et l’inventeur du phonographe (première machine capable d’enregistrer et de restituer les sons), assisté par William Kennedy Laurie Dickson, utilise l’innovation de Carbutt et met au point le kinétographe, appareil de prises de vues, et le kinétoscope, appareil de visionnement individuel. Ce dernier prend la forme d’un coffre en bois sur lequel le spectateur se penche et peut visionner individuellement un film qui se déroule en continu, entraîné par un moteur électrique, devant une petite boîte à lumière. La machine peut être couplée avec un phonographe. Ce sont près de 70 films qui sont ainsi tournés et diffusés par Thomas Edison.

Activité 2 : Visionnage du premier film de l’histoire, Dickson Greeting (1891). Que représente ce premier film ? Combien de temps dure-t-il ? Analysez les couleurs, la fluidité, le plan, l’angle de prise de vue.

http://www.youtube.com/watch?v=PVintjK5lKU

L’unique personnage du tout premier film de l’histoire (Le Salut de Dickson, Dickson Greeting en anglais) est Dickson lui-même, qui se filme en train de saluer avec son chapeau. Il s’agit d’un film muet en noir et blanc au rythme saccadé. Le plan est américain (plan mi-cuisse), l’angle de prise de vue est normal (caméra sur le même plan que l’objet filmé). A l’origine, la séquence enregistrée dure une dizaine de secondes, mais il ne reste aujourd’hui que deux secondes.  


Activité 3 : Visionnage d’un autre film d’Edison : Sandow, l’homme le plus fort du monde (1894). Quel est cette fois-ci le sujet du film ? Comparez ce film avec celui de 1891 (durée, fluidité, couleurs, plan, angle de prise de vue.

http://www.youtube.com/watch?v=-Bh5gClfz5g

Dans ce film de 1894, intitulé Sandow, l’homme le plus fort du monde, les spectateurs peuvent voir Eugen Sandow faire saillir ses muscles. On observe un certain nombre d’améliorations par rapport au Salut de Dickson : il s’agit toujours d’un film muet en noir et blanc mais la durée augmente sensiblement (42 secondes) et l’enchainement des images est nettement plus fluide. Le plan est toujours américain et l’angle de prise de vue normal.


2) Le rôle fondamental des frères Lumière et du cinématographe

Activité 4 : Qui sont les frère Lumière ? Quels sont leurs premiers films ?

Thomas Edison organise à Paris, durant l’été 1894, une démonstration publique du kinétoscope, à laquelle assiste Antoine Lumière, le père d’Auguste et Louis Lumière. L’industriel français se rend le même jour à un spectacle organisé par Charles-Emile Reynaud, qui projette sur grand écran des « pantomimes lumineuses », premiers dessins animés de l’histoire.  

http://www.youtube.com/watch?v=6awj6b9aQ8U

Antoine Lumière revient à Lyon et oriente ses fils vers la conception de machines équivalentes au kinétographe et au kinétoscope mais réorientée vers une projection collective. L’article paru dans le quotidien Le Lyon républicain le 26 décembre 1894 montre bien tout ce que les deux Français doivent à leur concurrent américain : « Les frères Lumière travaillent actuellement à la construction d’un nouveau kinétographe, non moins remarquable que celui d’Edison, et dont les Lyonnais auront sous peu, croyons-nous, la primeur. » Auguste et Louis Lumière perfectionnent l’invention de l’Américain et donne naissance au cinématographe. À Paris, le 22 mars 1895, devant des membres de la Société d’Encouragement pour l’Industrie Nationale, les deux frères organisent la première présentation publique d’un film enregistré par le cinématographe : La Sortie de l’usine Lumière à Lyon. Grâce à l’adjonction d’une puissante boîte à lumière, le film est projeté sur un écran et le visionnage devient alors collectif. Le programme complet de la première séance publique payante, à Paris, compte dix films, tous produits en 1895 : La Sortie de l'usine Lumière à Lyon, La Voltige, La Pêche aux poissons rouges, Le Débarquement du congrès de photographie à Lyon, Les Forgerons, Le Jardinier (plus connu sous le nom de L’Arroseur arrosé), Le Repas de bébé (avec le fils d’Auguste Lumière), Le Saut à la couverture, La Place des Cordeliers à Lyon, La Mer. Le film L'Arrivée d'un train en gare de La Ciotat n'est pas projeté ce jour-là, mais le sera par la suite, remportant un énorme succès


Activité 5 : Visionnage de deux films des frères Lumière, La Sortie de l’usine Lumière à Lyon (1895) et L’arrivée d’un train en gare de la Ciotat (1896). Présentez les films (durée, couleurs, plan, angle) et décrivez les deux scènes.

http://www.youtube.com/watch?v=NwRAUniWJPY

http://www.youtube.com/watch?v=b9MoAQJFn_8

Le premier film, d’une durée de 40 secondes, montre la sortie du personnel de l'usine, essentiellement des ouvrières, au 21-23 rue Saint-Victor (aujourd'hui rebaptisée rue du Premier-Film), dans le 8ème  arrondissement de Lyon. Il s’agit d’un film muet en noir et blanc avec un plan général (plan de petit ensemble), une caméra fixe et un angle normal.

Le second film, un peu plus tardif, montre un train arrivant en gare de La Ciotat, ville proche de Marseille. La famille Lumière possédait une résidence à La Ciotat, ce qui explique le choix de cette gare plutôt que d'une autre. Le film, d’une durée de 50 secondes, contient un florilège des différents cadrages du cinéma : plan d'ensemble, plan américain, plan rapproché, gros plan, très gros plan. Mais il faut préciser que cette étonnante variété découle d'un concours de circonstances et non d'une recherche esthétique. Les voyageurs s'approchent par curiosité de ce drôle d'appareil photographique dont l'opérateur active une manivelle. Ils passent devant l'objectif et modifient obligatoirement la variété des cadres.


Activité 6 : Quels sont les points communs entre tous ces films, sur le fond et sur la forme ?

De 1891 à 1900, et même quelques années plus tard, les films se présentent toujours sous le même aspect : un bobineau de pellicule 35 mm de 20 mètres au plus, sur lequel est impressionnée une unique prise de vue comprenant un seul cadrage (un plan), qui, en projection, dure moins d’une minute et prend la forme d’un film muet en noir et blanc. Il s’agit la plupart du temps de films documentaires, même s’il existe quelques films de fiction comme L’Arroseur arrosé.

http://www.youtube.com/watch?v=Frl0K09o-KA


3) L’apparition des premiers trucages : les films de Georges Méliès

Activité 7 : Visionnage de deux films de Georges Méliès : L’escamotage d’une dame au théâtre Robert-Houdin (1896) et L’Omnibus des toqués blancs et noirs (1901). A quel genre de films peut-on rattacher ces deux exemples : film documentaire ou film de fiction ? Comment Georges Méliès parvient-il à réaliser ses trucages ? 

http://www.youtube.com/watch?v=O6bHCL9_aeQ

http://www.youtube.com/watch?v=aGzKlpC48uI

Georges Méliès (1861-1938) est un réalisateur français considéré comme l’un des créateurs des premiers trucages du cinéma. Après avoir assisté à une projection des frères Lumière, il propose de racheter leur invention mais se voit opposer un refus. Il décide alors de reprendre les techniques de Thomas Edison alors que ces dernières sont brevetées, ce qui entrainera sa ruine. Après avoir réalisé quelques films documentaires fortement inspirés de ceux des frères Lumière, Méliès se consacre à la fiction et se spécialise dans le trucage. Pour cela, il utilise notamment l’arrêt de la caméra. L’un des chefs d’œuvre de Méliès est sans conteste La Voyage dans la Lune, présenté en 1902 et colorisé de la main du réalisateur.  


4) Le public des débuts du cinéma

Activité 8 : Quel est le public visé par ces premiers films ? En quoi le cinéma peut-il prétendre à l’universalité ? En quoi l’utilisation de films muets accentue-t-il cette idée ?

A l’origine, le cinéma se caractérise par l’idéal d’une culture démocratisée et diffusée largement. En effet, il utilise un langage universel, compréhensible par tous, petits et grands, cultivés et analphabètes, ouvriers et bourgeois : le langage des images. En cela, le cinéma reprend la logique des vitraux, qui permettaient d’enseigner l’histoire de l’Eglise et les mystères de la théologie de manière très simple. Le fait que le cinéma des origines soit muet accentue encore cette universalité : les images peuvent être comprises dans n’importe quel pays et sur n’importe quel continent, indépendamment de la langue et de la culture. Les premiers publics sont d’ailleurs largement issus du prolétariat, notamment aux Etats-Unis, où les nickelodeons rassemblent un grand nombre d’ouvriers dans des salles enfumées et conviviales. Le nom provient de l'américain « nickel », qui désigne la pièce de 5 cents, celle que les spectateurs doivent glisser dans un tourniquet pour accéder à la salle. Les nickelodeons comportent un piano ou un orgue, pour qu'un musicien accompagne de façon appropriée les séquences muettes projetées.



II] Les innovations décisives du début du XX° siècle (années 1900-1930) 

1) Le découpage en plans et le montage : la révolution de l’école de Brighton


Activité 1 : Visionnage d’un film de George Albert Smith, La Loupe de grand-maman (1900). Présentez le film (durée, couleurs, sons, synopsis). Quelle est sa particularité ? Repérez les différents plans.

http://www.youtube.com/watch?v=6ho05y9IMr4

George Albert Smith (1864-1959) est un réalisateur britannique, considéré comme l’un des précurseurs de ce que l’historien du cinéma Georges Sadoul a appelé « l’école de Brighton ». On doit à cette dernière les premiers découpages techniques et les premiers montages de l’histoire du cinéma. George Albert Smith reprend le procédé mis au point par Edison et réalise ses propres films. L’un des plus célèbres est La Loupe de grand-maman (1900), film d’une minute vingt au sujet très simple : un petit garçon utilise la loupe de sa grand-mère pour observer ce qu’il y a autour de lui. Le film fait alterner deux sortes de prises de vue : un plan moyen qui montre l’enfant en compagnie de son aïeule, occupée à repriser, et un gros plan sur différents objets. Au final, on dénombre 10 prises de vue :

1/ Très gros plan sur un journal

2/ Plan moyen avec le garçon et sa grand-mère

3/ Très gros plan sur la montre

4/ Plan moyen avec le garçon et sa grand-mère

5/ Gros plan sur l’oiseau

6/ Plan moyen avec le garçon et sa grand-mère

7/ Très gros plan sur l’œil de la grand-mère

8/ Plan moyen avec le garçon et sa grand-mère

9/ Gros plan sur le chat

10/ Plan moyen avec le garçon et sa grand-mère

Cette succession de prises de vues, liées par un même récit, inaugure la division en plans d’un film, ce qu’on appelle le découpage technique, et sa suite logique, le montage de ces éléments filmés séparément. Par ailleurs, George Albert Smith invente le plan subjectif, puisque chaque gros plan vu à travers la loupe emprunte le regard du jeune garçon. Le réalisateur est bientôt imité par ses collègues britanniques, mais aussi américains et français, comme Ferdinand Zecca, qui réalise Par le trou de la serrure en 1901.


Activité 2 : Visionnage du film Par le trou de la serrure (1901), de Ferdinand Zecca. Présentez le film (durée, couleurs, sons, synopsis). Repérez les différents plans.

http://www.youtube.com/watch?v=jDGJIx9R4s8

Il s’agit d’un film muet en noir et blanc de deux minutes. Il raconte l’histoire d’un valet de chambre d’hôtel, qui observe ses clients par le trou de la serrure. Ferdinand Zecca reprend la technique mise au point par George Albert Smith et fait se succéder différentes prises de vue obtenues après montage. On dénombre ici sept prises de vue :

1/ Plan moyen avec le valet de chambre dans le couloir

2/ Gros plan sur la femme qui se coiffe (plan subjectif)

3/ Plan moyen avec le valet de chambre dans le couloir

4/ Gros plan sur le travesti (plan subjectif)

5/ Plan moyen avec le valet de chambre dans le couloir

6/ Gros plan sur le couple d’amoureux (plan subjectif)

7/ Plan moyen avec le valet de chambre dans le couloir et entrée d’un nouveau personnage

Jusqu’au début de la Première Guerre mondiale, les réalisateurs reprennent tous cette technique, qui leur permet de rallonger la durée des films, qui peuvent atteindre une quinzaine de minutes.


2) L’avènement du cinéma sonore

Activité 3 : A quand l’idée de coupler le son et l’image remonte-t-elle ? Quelles solutions les premiers réalisateurs ont-ils trouvées ?

L’idée de projeter des films sonores n’est pas récente et, dès l’apparition du cinéma, les premiers réalisateurs s’efforcent de joindre le son et l’image. C’est le cas d’Edison, qui tente de coupler son kinétoscope avec un phonographe, ou de Charles-Emile Reynaud, qui fait accompagner ses « pantomimes lumineuses » par un pianiste réputé, Gaston Paulin, présent à chacune des représentations. Il s’agit malgré tout d’un cinéma muet dans la mesure où les personnages ne parlent pas. Une innovation technique change les choses en 1924 : un système de synchronisation sonore, le Vitaphone, est développé aux Etats-Unis. Il repose sur le procédé du disque gravé et permet de diffuser en même temps une image animée et un son. La technique est reprise par les frères Warner, qui présentent en 1926 un film de 2h47, Don Juan, qui comprend un certain nombre de morceaux de musique. Il ne s’agit donc pas encore d’un film parlant mais du premier film sonore.

 

Activité 4 : Visionnage d’un extrait du film Don Juan (1926), produit par les frères Warner. Comment les dialogues entre les personnages sont-ils restitués ? Etudiez les différents plans, angles de prise de vue et mouvements de caméra. Que remarque-t-on par rapport aux films précédents ?

http://www.youtube.com/watch?v=DYgu5Fsp_Nc

Dans Don Juan, les dialogues entre les personnages sont rendus à l’aide de cartons d’intertitres. L’extrait enchaine les différents plans (plan de petit ensemble, plan moyen, plan américain, gros plan), les angles de prise de vue (niveau frontal, plongée, contre plongée) et les mouvements de caméra (travelling vertical, pour insister sur la stature impressionnante du mari trompé). Le montage est donc beaucoup plus complexe que dans les précédents films.

Il faut attendre 1928 pour voir sur les écrans le premier film parlant, Lights of New York, réalisé par l’Américain Bryan Foy, et dans lequel les dialogues entre les personnages sont enregistrés. Dès 1930, le cinéma parlant commence à s’imposer partout.

http://www.youtube.com/watch?v=oSg59LP3MXo


3) Le moment Charlie Chaplin

Activité 5 : Visionnage d’extraits des films La Ruée vers l’or (1928) et Les Temps modernes, de Charlie Chaplin (1936). Présentez le réalisateur. Comparez ces extraits à celui de Lights of New York. Quelles raisons peuvent expliquer le choix de Charlie Chaplin ?

http://www.youtube.com/watch?v=4x8pXJx4uOI

http://www.youtube.com/watch?v=7tfyyBs_ntI


Charlie Chaplin (1889-1977) est un acteur et réalisateur britannique qui émigre aux Etats-Unis en 1912 sur le même bateau que l’acteur Arthur Stanley Jefferson. Célèbre pour son personnage de Charlot, il joue dans plus de 80 films, parmi lesquels Le Kid (1921), La Ruée vers l’or (1928), Les Lumières de la ville (1931), Les Temps modernes (1936) ou Le Dictateur (1940). Le film Les Temps modernes, réalisé en 1936, soit huit ans après le premier film parlant, est un film muet. Charlie Chaplin, comme un certain nombre de grands noms du cinéma de l’époque (René Clair en France, Eisenstein en U.R.S.S.) est en effet hostile aux films cent pour cent parlants. Ces « talkies » comme on les appelle péjorativement aux Etats-Unis, sont accusés de renouer avec l’esthétique classique du théâtre, de laisser la première place au langage auditif et de rejeter le langage de l’image au second plan. Charlie Chaplin est attaché à l’esthétique des films muets et à l’utilisation des cartons d’intertitres. L’une des dernières scènes, dans laquelle le personnage de Charlot improvise une chanson, est une exception qui permet d’entendre la vraie voix de Charlie Chaplin.


Activité 6 : Visionnage d’un extrait du film Le Dictateur (1940). Quel choix Charlie Chaplin a-t-il fait cette fois-ci ? Quel personnage historique est ici caricaturé ? Quels éléments permettent de le reconnaitre ? Comment la scène se termine-t-elle ? Que peut-on en déduire ?                              

http://www.youtube.com/watch?v=WWMHea46qYI

Dans Le Dictateur, sorti en 1940, Charlie Chaplin fait un choix doublement original : il ne s’agit plus d’un film muet mais parlant et l’acteur ne reprend le personnage de Charlot. Il incarne à la fois Adenoïd Hynkel, qui dirige la Tomanie, et un modeste barbier juif, sosie du dictateur qui finit par prendre la place de ce dernier. Charlie Chaplin se livre à une sévère critique du régime nazi, dont il reprend, de manière détournée, les principales caractéristiques : Hynkel est évidemment inspiré d’Hitler et Benito Mussolini apparait sous les traits de Benzino Napoleoni (dictateur de Bactérie) ; la Tomanie persécute les Juifs, envahit l’Österlich (l’Autriche) et projette de conquérir le monde.


III] L’utilisation du cinéma par les régimes totalitaires (années 1930-1940)

Activité 1 : Après avoir rappelé la définition du totalitarisme, présentez rapidement les trois principaux régimes totalitaires des années 1930 (dates, dirigeants, idéologies) et expliquez l’utilisation qu’ils ont pu faire du cinéma. Donnez des exemples de réalisateurs ayant mis leur talent au service d’un régime totalitaire.

Les totalitarismes sont des régimes fondés sur une idéologie et caractérisés par un encadrement de la société, la pratique de la Terreur, la concentration du pouvoir entre les mains de la police, la volonté de modeler un homme nouveau, l'ambition de dominer le monde. Cette définition est donnée par la philosophe Hannah Arendt dans un livre intitulé Le système totalitaire (1951) : « Le régime totalitaire transforme toujours les classes en masses, substitue au système des partis, non pas un parti unique, mais un mouvement de masse, déplace le centre du pouvoir de l’armée à la police, et met en œuvre une politique étrangère visant ouvertement à la domination du monde. » L’expression désigne trois régimes européens de l’entre-deux-guerres : le fascisme mussolinien (1922-1944), le communisme stalinien (1928-1953) et le national-socialisme hitlérien (1933-1945). Les avancées techniques du cinéma permettent aux trois régimes totalitaires de lier étroitement une image, un son et un message.

 

1)      Le cinéma de propagande nazi : Leni Riefenstahl

L’incarnation de ce cinéma de propagande est la réalisatrice Leni Riefenstahl.  Celle-ci filme les grands rassemblements du parti nazi à Nuremberg et en sort deux films : La victoire de la foi (1933) et Le triomphe de la volonté (1934). En 1936, elle réalise son chef d’œuvre, Les Dieux du Stade (sorti en 1938), consacré aux Jeux Olympiques de Berlin. 

                                 

Activité 2 : Visionnage du début du film LesDieux du Stade (1938). Quelles sont les deux grandes étapes de cette séquence ? En quoi cet extrait sert-il l’idéologie nazie ? http://www.youtube.com/watch?v=7TI6yIo-tcc

Au début des Dieux su Stade, Leni Riefenstahl rend hommage à la civilisation grecque, fondatrice des Jeux Olympiques (776 av. J.C.), en montrant des monuments (Parthénon) et des statues antiques. Dans un second temps, elle filme des athlètes en plein effort (lanceur de disque, lanceur de poids, lanceur de javelot…). Il s’agit d’un film de propagande dans la mesure où la réalisatrice exalte, à travers les images de corps en action, la virilité et la force physique. On retrouve là l’une des dimensions essentielles du nazisme : la volonté de forger un homme nouveau, un homme parfait incarnant la pureté de la race. La référence à la Grèce antique renforce cette idée de pureté de la race : les statues sont de marbre blanc et les Grecs s’opposaient volontiers aux barbares et fonctionnaient selon le principe du droit du sang.

  

2)      Le cinéma de propagande soviétique : Sergueï Eisenstein 

En U.R.S.S., la propagande cinématographique est l’œuvre Sergueï Eisenstein. En 1938, ce dernier s’illustre avec Alexandre Nevski, qui retrace la vie du prince russe éponyme, célèbre pour sa victoire contre les envahisseurs teutons au XIII° siècle. Dans le film, les chevaliers allemands sont représentés avec des svastikas et des casques évoquant ceux de la Wehrmacht. Il s’agit d’une dénonciation de l’impérialisme nazi et de sa volonté d’expansion à l’Est. Le film s’achève par un avertissement destiné à Hitler : « Celui qui avec l’épée vient chez nous périra par l’épée » En 1942, Eisenstein réalise la première partie de l’un de ses chefs d’œuvre : Ivan le Terrible. Le film raconte la vie d’Ivan IV de Russie (XVI° siècle), prince russe, premier à porter le titre de tsar, fondateur d’une Russie forte et d’un modèle de pouvoir suprême. Cette première partie, qui fait clairement l’éloge du « petit père des peuples », est récompensée par le Prix Staline. En revanche, la seconde partie, achevée en 1946, est censurée jusqu’en 1958 : elle ne dépeint plus le tsar sous le jour lumineux du héros victorieux, mais sous le jour nettement plus sombre du tyran paranoïaque et cruel.

 

Activité 3 : Visionnage d’un extrait du Cuirassé Potemkine (scène de l’escalier) Que dénonce le réalisateur et comment s’y prend-il ?

http://www.youtube.com/watch?v=Ps-v-kZzfec

L’un des premiers films d’Eisenstein, Le Cuirassé Potemkine (1925), est réalisé pour le vingtième anniversaire de la révolution de 1905 et célèbre la mutinerie des marins d’Odessa contre le tsar Nicolas II. L’une des scènes a fait le tour du monde et a été reprise dans le film Les Incorruptibles de Brian de Palma : une poussette dévalant un escalier. Le réalisateur dénonce ici la cruauté des soldats tsaristes, qui massacrent indifféremment hommes, femmes et enfants de tous âges et agissent comme des machines dénuées d’humanité. A l’inverse, Eisenstein glorifie le peuple russe et la révolution.