Introduction : Présentation de l’auteur et du film 

Buster Keaton (1895-1966) : surnommé « The Great Stone Face » (« le grand visage de pierre »), ou « l’homme qui ne rit jamais », il est considéré comme le grand rival de Charles Chaplin. De petite taille lui aussi, il symbolise l’individu, seul, maladroit, décalé, en proie à l’hostilité de la foule humaine ou des objets matériels, qui l’empêchent de réaliser ses aspirations à l’indépendance et à l’amour, mais qui finit par triompher grâce l’énergie physique qu’il déploie dans sa maladresse. Il réalise l’ensemble de ses chefs-d’œuvre muets entre 1923 et 1928 (dont Steamboat Bill Junior et The General) : il y élabore des gags visuels extrêmement élaborés. A la différence de Charles Chaplin, il ne parvient pas à s’adapter à l’arrivée du parlant (qui apparaît en 1927 et se généralise au début des années 30). Keaton tombe peu à peu dans l’oubli.

The Cameraman est son dernier grand film (1928) : l’action se passe à New York, Keaton y incarne Luke, un jeune photographe sans le sou. Il tombe amoureux de Sally, une fille travaillant comme secrétaire au service des actualités de la MGM. Il achète une vieille caméra d’occasion et tente de devenir un grand reporter. Ce film réunit deux des genres essentiels du cinéma muet : la comédie amoureuse et le burlesque. Mais il prend aussi le cinéma comme sujet dans une mise en abîme (son intrigue tourne autour du tournage d’un film d’actualité) ; il rend hommage aux premières années du cinéma et illustre les rapports entre documentaire et fiction. Enfin, c’est un hommage d’une grande poésie à l’esthétique du cinéma muet, qui vit ses dernières années. On y voit Keaton jouer avec virtuosité de cette grammaire simple élaborée depuis une trentaine d’années : le noir et blanc, l’absence de dialogues, présents seulement dans les intertitres, une caméra fixe, montée sur pied, qui peut bouger sur son axe mais qui permet encore peu de mouvements, et le montage. Cette grammaire simple permet néanmoins de faire naître le rire et l’émotion.

The Cameraman a longtemps été considéré comme un chef-d’œuvre perdu : on en redécouvre une copie complète seulement deux ans après la mort du réalisateur, en 1968, en France, et le film est entièrement restauré en 1991 : on peut le considérer, d’une certaine manière, comme le testament de Buster Keaton.

 

Activité 1 : Projeter le film en entier

Durée : 1h08

Trois pistes :

-Quels sont les éléments essentiels de l’intrigue et les thèmes qu’elle permet à KEATON d’aborder ?

-En quoi ce film nous raconte-t-il l’histoire des débuts du cinéma ?

-En quoi nous fait-il réfléchir sur le rapport entre documentaire et fiction ?

 

Le film est disponible en entier sur le net :

https://archive.org/details/busterkeatonthecameraman

ou :

http://www.youtube.com/watch?v=zo85hdekH4w

 

Activité 2 : Analyser une séquence

La guerre des Tongs lors du Nouvel An chinois (47’ jusqu’à 57’56)

NB : 47’ : Sally lui donne le tuyau mais Luke, croyant avoir tué le babouin d’un forain qu’il a bousculé, est obligé de lui acheter l’animal, qui n’est en réalité qu’évanoui.

50’ : début de la scène du nouvel an chinois

 

 

-A quel genre peut se rapporter le reportage qu’effectue le caméraman ? Quel aspect des débuts du cinéma cela peut-il vous rappeler ?

-Mais à l’intérieur de ce tournage documentaire, quel événement fait basculer la séquence dans le film d’action ? 

-En quoi la présence du caméraman est-elle comique ? Quel est le rôle du petit singe ?

-Quels types de plan et de mouvement de caméra le caméraman est-il obligé d’inventer ? En quoi devient-il au fur et à mesure metteur en scène de l’affrontement ?

 

-A quel genre peut se rapporter le reportage qu’effectue le caméraman ? Quel aspect des débuts du cinéma cela peut-il vous rappeler (séances précédentes).

Documentaire.

Cf les Vues Lumière, étudiées et pratiquées dans les séquences précédentes.

 

-Mais à l’intérieur de ce tournage documentaire, quel événement fait basculer la séquence dans le film d’action ? 

L’arrivée de la famille rivale, le début de la fusillade et de la bagarre. Film d’action.

 

-En quoi la présence du caméraman est-elle comique ? Quel est le rôle du petit singe ?

Il est en plein milieu de la fusillade ; au début, personne ne s’occupe de lui. Puis, à la suite de l’intervention du singe (= élément perturbateur), il est attaqué par plusieurs personnes mais parvient toujours à continuer de filmer. Il va être amené non seulement à faire preuve de son audace mais encore à inventer des moyens pour continuer à filmer la scène de plus en plus près de l’action.

 

-Quel type de plan et de mouvement de caméra le Caméraman est-il obligé d’inventer au fur et à mesure ? En quoi devient-il au fur et à mesure metteur en scène de l’affrontement ?

Le plan d’ensemble (caméra sur pied), le plan rapproché (la caméra demi-pied), le plan d’ensemble en plongée (après être monté à l’échelle), le travelling avant lorsque l’échafaudage s’écroule, le plan en contre plongée très rapproché lorsque les deux combattants luttent au corps au corps.

D’où un gag essentiel : Luke, en leur redonnant un couteau pour pouvoir filmer une scène plus dramatique, devient donc metteur en scène. En jetant du haut d’une fenêtre des ampoules, il recrée l’attroupement pour pouvoir la filmer en plongée.

à le Caméraman ne se contente plus d’enregistrer le réel, il le recrée et le transforme pour pouvoir le filmer de manière plus efficace. Il transforme donc le réel en fiction.