Le manga
Par BD le , - LECTURE (Réunion 2006-2007) - Lien permanent
Synthèse rédigée par Damien HAVARD DUCLOS, diplômé de l’Ecole du Louvre, chef de rubrique/rédacteur sur le site www.wartmag.com
Introduction
Années 1990-2000 : multiples déformations intellectuelles et médiatiques sur l’intérêt du manga dans le paysage éditorial français.
1989 : Le ras-le-bol des bébés zappeurs de Ségolène Royal (Robert Laffont) = "D’où ces téléfilms japonais et ces dessins animés nuls et agressifs. Nul besoin de scénario, ni d’histoire, ni même de personnages. On se tape dessus. Ni bons ni méchants, à quoi cela servirait-il ? Ca coûterait plus cher d’avoir une histoire, il faudrait payer un écrivain… Juste un décor et du bruit !"
2006 : Ségolène Royal explique que les mauvaises conditions de la femme au Japon viennent des mangas et des dessins animés japonais "dans lesquels des femmes sont torturées."
Prix au festival d’Angoulême :
2003 : Prix du meilleur scénario pour Quartier Lointain de Jiro Taniguchi.
2004 : Prix de la série pour 20th Century Boys de Naoki Urasawa et Prix Tournesol pour Gen d’Hiroshima de Keiji Nakazawa.
2005 : Prix du dessin pour le Sommet des Dieux de Jiro Taniguchi. Hiroyuki Takei (Shaman King) est fait citoyen d'honneur de la ville.
2007 : Grand Prix décerné à NonnonBâde Shigeru Mizuki.
En finir avec les préjugés !
Nombreux reportages condescendants sur les otaku et les fans de cosplay.
1983: Manga Manga ! The world of Japanese Comics de Frédérik SCHODT. Première étymologie du mot « manga » : man = involontaire, irresponsable, dérisoire / ga = image . Echo aux croquis deKatsushika HOKUSAï (1760-1849) en 1814.
2006 : 60.000 visiteurs pour la dernière Japan Expo à Villepinte.
"Le manga ? un livre laid et grossier !"
Un manga ne se lit pas pour son dessin mais pour les messages qu’il véhicule (Tezuka). Sempiternelle critique des grands yeux rêveurs influencés par ceux de Disney (Bambi, Dumbo) : aspect kawaii (mignon) et miroir de l’âme. Importance du système narratif qui doit être dynamique pour ne pas se perdre le lecteur en cours de route.
"On y comprend rien !"
Sens de lecture de droite à gauche inhérent à la culture littéraire nippone.
"Les histoires sont nullissimes !"
Conflit de générations entre les adultes élevés avec Tintin et Astérix et les ados/trentenaires ayant grandi avec Goldorak et Dragon Ball. Dans les deux cas, on y trouve du bon et du moins bon.
"On y voit que sexe et violence !"
Violence globalement suggestive (Dragon Ball et Naruto). Japon doté du plus faible taux de criminalité. Usage du sexe comme guide des premiers émois adolescents. Outil cathartique qui délivre des pulsions émotionnelles par procuration.
à Visions, codes et attentes différentes entre les lecteurs de manga et ceux de la BD franco-belge.
Publication – Industrialisation
Marché de plusieurs billions de dollars entre 3 éditeurs prestigieux (Kodansha, Sueisha et la Shogakukan). Média pour tuer le temps ou se détendre. Goût pour les longs récits avec un cliffhanger qui doit tenir en haleine.
Mangashii : magazine manga hebdomadaire et mensuel. 6 à 20 récits de 20-30 pages chacun. Couverture tape-à-l’oeil. 400 pages noir et blanc à moins de 2 euros ! Revue jetée une fois lue.
Public-juge ayant droit de mort sur les séries en votant pour les garder ou demander qu’elles cessent de paraître.
Schéma classique en cas de succès dans le magazine : mise en vente au format standard de 200 pages (tankobon) è série animée en DVD è série TV è téléfilm è Film. Des séries font récemment défaut à cette logique (manga à live à anime ou manga à téléfilm). Grands classiques réédités en format poche de 300-400 pages (bunkobon).
Rôle primordial de l’éditeur pour soutenir le mangaka qui doit rester concentré : entraîneur, collaborateur, ami, psy, promoteur, homme de ménage !
Les mangaka
3.000 mangaka professionnels. Akira TORIYAMA ou Rumiko TAKAHASHI présents dans le top 10 des japonais les plus riches.
Souffrir pour réussir : 30 planches par semaine sans délai supplémentaire en cas de retard !
Nombreux assistants (trames, décors, réalisation des corps). Scénario, découpage des planches et création des visage pris en charge par le mangaka. Un héros de manga meurt avec son auteur et ne peut renaître.
Quelques genres
Le Yon-Koma : strip de 4 cases dans les quotidiens et les magazines.
Le Shônen : Action et humour pour jeunes garçons. Courage, amitié et dépassement de soi.
Le shôjo : Romance pour jeunes filles. Epuration des décors, grands yeux, personnages androgynes et mise en page éclatée.
Le seinen : Etudiants et jeunes travailleurs recherchant du réalisme :
- Gegika (image sombre) = Manga narrant des faits quotidiens sur fond militaire ou géopolitique. Terme inventé par YOSHIHIRO Tatsumi en 1957.
- Josei (ou Yong Ladies) = dépassement de soi (Subaru).
- Seijin (ou Lady Comics) = shôjo adulte avec un amour plus cru calqué sur des réalités socioprofessionnelles (Kimi wa Pet).
- Science-fiction= Robots, 3ème Guerre Mondiale, conflit nucléaire, technologie incontrôlable et virus destructeur (Gundam, Eden)
- Cyber-Punk= Technologie qui domine l’homme et les cyborgs (Gunnm, Appleseed).
- Heroic-Fantasy(Lodoss, Berserk).
- Ultra violence (Hokuto no Ken, Berserk)
- Horreur = Genre transgressif apprécié des femmes.
Manga érotico-sentimentaux : Bishônen (romance entre garçons) et Bishôjo (romance entre filles)
Les manga X :
- Ecchi : Erotisme
- Hentaï : Pornographie hétérosexuelle (Het), homosexuelle (Yaoi) ou lesbienne (Yuri).
- Ero-guro :Mélange de sexe et d’horreur, ultra réaliste ou grotesque.
Le policier= Détective (CONAN) suspense (Monster) ou Thriller (MPD-Psycho).
Les récits de samouraïs et de Rônins (Jidaimono)
Comment fonctionne un manga ?
Concept de JOHAKYÛ (introduction-briser-rapide) : progression crescendo sans ellipse et volontaire. Notion du devenir.
- Introduction (JO) : Présentation du contexte physique et psychologique dans lequel vont évoluer les protagonistes. Parfois, cela prend un volume entier.
- Briser (HA) : Répétition du dénouement annoncé. Quête qui réclame des défaites mais surtout des victoires. Entraînement et rencontres d’adversaires comme représentations métaphoriques du boss final. Longue préparation au dénouement.
- Rapide (KYÛ) : confrontation finale en reprenant les éléments du HA. Traitement dans les moindres détails avec un découpage "en temps réel". Lourde insistance sur les silences et les non-dits.
Personnages = Parcours initiatique sur leurs compétences et leurs ambitions afin de sortir "plus accompli" de l’histoire. Recherche de l'éveil par une série d’actions.
Narration = Précision jusqu'au moindre détail. Décomposition d’une action avec sa préparation, son mouvement et son effet. Visions de l’état intérieur du personnage avec des séquences émotionnelles fortes.
Graphisme = Effets de mouvement et de vitesse au détriment du décor pour focaliser l’action.
Stylisation des formes depuis le 4ème siècle avec les figurines funéraires de terre cuite (Haniwa). Rendre indispensable un message et réduire le dessin à sa plus simple expression. Exagération des traits pour suggérer une émotion avec parfois absence du nez qui n'apporte aucun renseignement sur l'expression du protagoniste.
Stylisation dans les rouleaux de peintures du 12ème siècle : Gengi Monogatori deMurasaki Shikibu= un trait pour chaque oeil, un crochet pour le nez et un point pour la bouche pour s'identifier aisément aux héros.
Dynamique des plans liée au cinéma. Gros plans, travelling,vues en plongée et contre-plongée dans les rapports subjectifs de domination.
Découpage pour renforcer l'effet psychologique. Etirement et polymorphie d'une case pour accentuer un mouvement. Multiples points de vue d’une action.
HISTORIQUE :
Longue tradition de l’art de la narration avant l’arrivée des Européens.
Les emakimono
11ème siècle : Peintures sur rouleaux (légendes, batailles, événements de la vie quotidienne, etc.). Nette séparation entre texte et peinture. Image assurant la narration.
Humour et horreur
Chôjûgiga (Rouleau des animaux) du prêtre artiste TOBA (1053-1140). Animaux singeant les humains. Satire de la vie décadente dans la Cour : « toba-e » (illustrations comiques jusqu’au 19ème siècle).
Gaki zoshi (Rouleau des fantômes affamés) : souffrance de spectres soumis à la scatophilie et la nécrophilie. Hyakki yako (la marche nocturne d’un millier de fantômes) de Tosa Mitsunobu.
L’ Ukiyo-e (Image du monde flottant)
17ème- 19ème siècles : estampes bon marché en série (sumo, sexe, kabuki). Définition bouddhiste (9ème siècle) : monde de misère dédaignant le chemin du salut spirituel.
1ère définition dans Ukiyo monogatori de Asai RYÔI en 1661 : Vivre seulement pour l’instant […] se laisser porter par le courant de la vie comme la gourde flotte au fil de l’eau. Jouir du moment présent. Sujets de la vie quotidienne avec une touche d’érotisme et d’extravagance. Esthétisme léger, paysages vides, atmosphère intimiste, temps suspendu et gros plan : prémices du manga.
- Bijinga (peinture de beauté) : estampes de courtisanes des quartiers chauds de Yoshiwara à Edo (ancien Kyôto).
- Shunga (image du printemps) : scènes pornographiques avec phallus et vagins démesurés. Ancêtre du hentaï banni en 1722.
Le Kibyôshi (livres à couverture jaune)
Récits écrits en syllabaires, estampes mêlées aux textes. Première subdivision en cases. 1775- 1806 : 2.000 titres en librairies de prêt.
Hokusaï Manga (1814-1834)
Ancêtre direct du manga. Récits courts avec une exagération graphique dans les expressions et les attitudes des personnages.
L’arrivée des Européens :
Ere Meiji (1868-1912) : ouverture commerciale et découverte de la bande dessinée occidentale (satire, phylactère, strips).
1er apports à Yokohama
1862 : Japan Punch par un officier de l’armée britannique, Charles WIRGMAN
1887 : Tobae par Georges Bigot
à Magazines caricaturant le gouvernement (interdits sous l’ère Edo) et le peuple : « ponchi-e » (punch drawings).
1er résultats
1877 : Strips de Honda Kinkichiro dans Marumaru Shimbun .
Vers 1890 : « Ponchi-e » remplacé par manga pour redéfinir la BD.
1ère caricatures japonaises
1902 : Le Voyage de Tagosaku et Mokube à Tokyode Rakuten KITAZAWA (1876-1955). Histoire de deux péquenauds de province vers les grandes villes dans une série pour le supplément hebdomadaire Jiji manga.
1905 : Création du premier périodique satirique japonais avec Tokyo Puck
1934 : fondation de la première école de dessin de caricature et de bande dessinée.
Le manga entre 1920 et 1945
L’entre-deux guerres : la BD pour enfants
1920 : Shô-chan no Boken de Katsuichi Kabashima. Premier manga adapté en dessin animé en 1929.
Premiers magazines spécialisés : Shônen Club(garçon) et Shôjo Club (fille) par l’éditeur Kôdansha (articles, photos, jeux et manga prépubliés). Prémices du shôjo avec les travaux de Takehisa Yumeji (personnages longilignes sur estampe) et Yoshiya Nobuko (yeux prédominants et étoilés) comme le manga La Rose de Versailles.
1931 : Premier succès avec Norakuro(« le chien noir ») de Suiho TAGAWA (1889-1989). Pendant canin et mignon de Félix le Chat et plus tard mascotte de l’impérialisme japonais durant l’invasion de la Mandchourie (1937). Découpage net des cases et intégration des phylactères. Premiers produits dérivés.
Au service de la propagande militaire
1938 : Décret dit de « purification de la littérature pour enfants ». Manga utilisés comme instruments de propagande via le Shin Nippon Mangaka Kiôkai, association d’auteurs autorisés par le gouvernement.
Production durant la 2ème Guerre mondiale
Très faible. Censure violente et image anti-patriotique du manga. Osamu Tezuka, engagé dans une usine d’armement, dessine en cachette dans les toilettes pour satisfaire sa passion.
Le manga entre 1945 et 1960
Premières relances
Distraire un peuple traumatisé par la bombe et la défaite. Réapparition des Shônen et Shôjô Club mais trop onéreux.
1946 : Sazae-San de Machiko Hasegawa : Quotidien humoristique d’une mère au foyer issue d’une classe moyenne jusqu’en 1976 !
Fabrication de « kamishibai » (théâtre de papier). Performances jouées et racontées par des marchands de bonbons. Lointain cousin de Guignol formant un tremplin pour de futurs mangaka (Shigeru Mizuki et ses contes sur les fantômes).
L’akabon et les bibliothèques de prêt
Akabon : compilation de manga à couverture rouge peu coûteuse et mal imprimée à Osaka. Couverture cartonnée et couleurs criardes. Thèmes américains (Tarzan) ou séries fleuves (Godzilla). Banqueroute évitée par la création de bibliothèques (« kashihon-ya ») louant pour 10 yens les deux jours ! Aubaine pour les futurs mangaka comme Tetsuya CHIBA Ashita no Joe .
Constat
Course à la production à faible coût afin de maintenir son lectorat.
1947 : Manga Shônen, premier mensuel 100% manga avec Leiji Matsumoto (Albator).
Usage du noir et blanc et densité narrative au détriment de l’esthétisme. Démontrer que la BD peut se construire une forte capacité imaginative pour véhiculer des émotions et des idées fortes.
Osamu TEZUKA (1928-1989)
Fondateur du manga moderne. 600 manga et 150 000 planches de 1947 à sa mort ! Ecclectisme : histoire (Les 3 Adolfs), religion (Bouddha), science-fiction (Phénix), littérature (Barbara), théâtre (Nanairo Inko), homosexualité (MW), eau de rose (Princesse Saphir), musique (Beethoven), social (Ayako), Samurai (Dororo), etc… .
Enfance à Takarazuka dans une famille cultivée et tolérante (père amateur de BD et mère adepte du théâtre). Découverte du cinéma : Walt Disney, Fleischer Brothers (Popeye, Félix le Chat), Charlie Chaplin. Mangaka dans l’âme mais qui se tournera vers la médecine avant de devenir dessinateur professionnel.
Survivant d’un raid aérien en 1944 : Je suis en vie, j’ai survécu ! Je dessinerai des manga et personne ne pourra m’en empêcher !
Son credo : Ce que j’essaie d’exprimer dans mes travaux peut se résumer au message suivant : Aimer toutes les créatures ! Aimer tout ce qui vit !
Croyance en un manga appartenant à la vie culturelle générale de son pays au même titre que les temples bouddhistes ou la porcelaine.
1947 : première commande à Osaka en dessinant une histoire de Shichima SAKAI : Shin Takarajima (La Nouvelle Île au trésor). 400.000 exemplaires ! Révolution dans le découpage des cases selon un procédé cinématographique. Dans le déroulé de la pellicule mimant le mouvement de la caméra accentuant l’action : zooms en crescendo, ligne de fuite, effets sonores, cases éclatées, etc…
1949 : Métropolis (160 pages en 6 mois !) sans connaître le film de Fritz LANG. Premier manga de SF sur une technologie se retournant contre son créateur.
Style disneyen à ses débuts : trait arrondi et mignon pour transmettre son enthousiasme fécond. Batterie de personnages repris dans toutes ses œuvres (Rock, Monsieur Moustache).
1961 : création du studio d’animation Mushi (insecte, un de ses dadas).
7 janvier 1963 : Premier dessin animé en couleurs avec Astro le petit robot repris aussitôt sur la chaîne américaine NBC. Mise en place du procédé de fabrication pour obtenir des moyens de production plus rapides et moins chers avec moins de dessins à la seconde (de 12 à 5), un recyclage de plusieurs plans une multiplication de gros plans fixes avec un unique mouvement de caméra.
1973 : désaccords au sein de l’équipe sur sa méthode et faillite du studio. Création de Tezuka Production pour faire école de ses techniques. 1 long-métrage par an dont Phenix 2772 (1980) d’un coût de 800 millions de Yens. Semi échec et retour au manga.
Innovation du manga comme support narratif pour les 7 à 77 ans. « Balzac du Soleil Levant » dormant 4 heures par nuit malgré un cancer de l’estomac.
1985 : Prix culturel de Tôkyô.
1989 : funérailles nationales
1990 : Grande rétrospective au Musée d'art moderne de Tôkyô.
1994 : Musée consacré à son oeuvre dans sa ville natale de Takarazuka.
Influence toujours palpable dans la production contemporaine (Naoki Urasawa, Leiji Matsumoto). Nombreux hommages : Astroboy (2003), Say Hello to Black Jack (2004), Pluto (2005) et l’œuvre pacifique et écologique de Hayao Miyazaki.
Les années post-1960
Premier essor économique et effervescence du manga et de la télévision provoquant l’arrêt du kamishibai et le recul des bibliothèques de prêts. Présentation de 2 titres illustrant les différents voies prises par le manga. (Plus d’articles et de chroniques sur http://www.wartmag.com)
Le manga contestataire : Les vents de la Colère, éd. Delcourt
Issu de l’école gekiga (manga sombre), Tatsuhiko Yamagami reçoit des menaces pour l’anti-patriotisme de son manga. Il réalise ensuite le scato-absurde Gaki-Deka, un petit flic pervers et hideux.
Désinvolte et militant, Gen quitte le giron militaro-traditionnel de sa famille. Il trouve un travail dans une maison d’édition qui détient un secret d’Etat sur un drame pré-tchernobylien. Son implication lui vaudra une traque de la police. Au même instant éclate la guerre du Vietnam…
Le propos de l’auteur sert la lutte étudiante post-68 contre le conflit vietnamien et le renouvellement du traité entre un gouvernement martial et des « envahisseurs » américains qui utilisent l’archipel comme base arrière dans leur lutte anti-communiste. Ce manga mâture dévoile l’opinion musclée au Japon entre les pacifistes et les autorités et évoque une dégradation de l’identité collective depuis la défaite de 1945.
Le manga anti-kawaii et sadique : Hansel & Gretel, éd. IMHO
La mangaka Junko Mizuno réadapte le conte des frères Grimm. Gretel la barbie apprentie-justicière et son frère Hansel, portant un masque sur la bouche pour filtrer une voix dangereuse, vivent avec leurs parents dans un univers merveilleux. Un jour, une force maléfique hypnotise les principaux fournisseurs de la superette familiale qui disparaissent mystérieusement. Au seuil de la famine, les villageois entendent parler d’un Eldorado de la chantilly et du fruit confit …
Mizuno présente des démarches graphiques atypiques : colorisation intégrale des planches, absence d’assistant, de prépublication et de découpage par chapitre. Avec sa palette chromatique warholienne et son dessin aussi épais et épuré qu’une œuvre-bd de Roy Lichenstein et Nikki de Saint-Phalle, la mangaka dresse un état des lieux quant au bonheur illusoire que peut nous procurer la société de consommation.
Continuatrice d’un style bigarré depuis le long-métrage des Beatles, Yellow Submarine , la mangaka offre une dose de psychédélisme disco où les filles ont une attitude proche de Vixens de Russ Meyer, l’idolâtrie mammaire en moins. Charme et démesure des situations sont au rendez-vous dans ce manga.
L’arrivée en France : 1978 – 2007
1972 : Léo le roi de la Jungle sur l’ORTF (noir et blanc)
"Premier Impact" (1978 –1983) : La génération Goldorak
1978-1982 : Première tentative avec le magazine Le Cri qui tue par la japonais suisse Takemoto Atoss. Présentation de série adultes (Golgo 13, Demain les oiseaux).
3 juillet 1978, A2 : Goldorak de Go Nagai. 74 épisodes. Nom inventé par la fille de l’importateur, Jacques Canestier : fusion entre Goldfinger et Mandrake. Grand succès auprès des enfants et des ados avec l’apprentissage des cris cultes : planitron, fulguropoing, cornofulgur, astérohache, pulvonium, clavicogyre. Mots dégottés par les doubleurs d’Actarus (Daniel Gall) et Vénusia (Jeanne Val)lors d’une séance de travail dans une cave avec du beaujolais.
18 septembre 1978, A2 : Candy (115 épisodes) tiré du manga de Kyôko MIZUKI. Lorsque meurt le bel Anthony, des lettres de protestations obligent un nouveau doublage expliquant qu’Anthony était à l’hôpital suite à une chute de cheval. Reste à résoudre le pourquoi des visites de Candy sur la tombe de son ami !
1979, TF1 : La Bataille des Planètes : cinq héros luttant pour sauver l’humanité. Faible succès. Puis arrivée du Capitaine Flam mieux perçue des parents car production franco-nippo-allemande.
7 janvier 1980, A2 : Albator le justicier corsaire beau et ténébreux. Intérêt auprès des jeunes filles. 42 épisodes.
3 octobre 1981, FR3 : Ulysse 31 (production franco-japonaise, d’après une idée originale de Jean Chapolin et Yoshitake Suzuki)
" Second Impact (1984 – 1988) : La génération Dorothée
Récré A2 (1978-1988, A2) : Animée par des dizaines de personnes dont la future équipe du Club Dorothée. Cabu y dessinait le nez de Dorothée. Diffusion de Cobra, Les Cités d’or, Lady Oscar, …
Vitamine (1984-1987, TF1) : Animée par Mélanie et Karen Cheryl. Diffusion de Sport Billy, Madame Pepperpote, …
Youpi, l’Ecole est finie (1987-1991, La 5): Robotech, Olive et Tom, Jeanne et Serge, Rémi sans famille, …
Club Dorothée(1987-1997, TF1) : Meilleure audience auprès de la jeunesse avec Dragon ball, Les chevaliers du zodiaque, Ken le survivant,etc.
Premières croisades contre ces séries diffusées sans explication préalable sur leur violence, leur humour et les messages qu’ils veulent faire passer.
1990 : Loi sur les quotas de séries françaises qui efface peu à peu l’animation japonaise. Le public adolescent continuera à s’y intéresser au travers de conventions et de fanzines comme Animeland en 1991.
"Troisième Impact" (1990-2003) : premiers pas éditoriaux
1990 : Jacques Glénat publie le manga Akiraselon le modèle américain (traduction, cartonnage, format BD, couleurs, papier glacé, sens de lecture occidental).
1993 : Dragon Ball premier véritable manga traduit
1994 : Premier manga sans rapport avec les émission de jeunesse : Video Girl Aï (Tonkam). Public féminin attiré par cette forme de BD.
1996 : 13 éditeurs dont Kana, Tonkam, J’ai Lu et Casterman.
1996-1997 : Premiers sites Internet (animint, cyna) et usage du minitel pour partager et converser entre fans.
1998 : Attaques médiatiques et interdiction d’exposition du manga érotique Angel (Tonkam). 7 éditeurs renoncent à poursuivre l’aventure.
1999 : première Japan Expo avec 2400 visiteurs
Après 2000 : Delcourt, Panini et Soleil se lancent sur le marché manga. Spécialisation des catalogues pour toucher plus de publics.
" Quatrième Impact" (2004) : la génération Internet
Téléchargement des manga. Boom éditorial juteux. Pubs incluant le style manga : BNP en 2002, Préservatif en 2003, Garnier en 2005, NEC en 2006, Crédit Lyonnais en 2006) et films s’en inspirant beaucoup (Kill Bill, Matrix, 300). Les plus vieux fans sont devenus des entrepreneurs dans cet univers et éditent manga et DVD. Les lecteurs sont exigeants et réclament de la qualité ou la continuité d’une série stoppée par un éditeur pour être repris par un autre (ou encore une réédition d’un manga épuisé, surtout chez Tonkam).
Avalanche frôlant l’indigestion. Arrivée massive d’un manga à la française qui forme plus une éponge qu’un outil ayant globalement saisi les caractéristiques que le manga peut apporter à la BD. Fusion entre éditeurs. Comment cela se finira-t’il ? L’avenir de la BD et du comic est compromis ? Fusion entre tous les genres pour créer une nouvelle BD ?
Conclusion
Le manga est une synthèse d'éléments traditionnels et nouveaux qui répondent à une culture spécifique qui se mondialise.
Manga profondément différent de ses "équivalents" occidentaux dans la lecture, l'identification à un personnage, l'épurement des formes et la symbolique qui forment un art séquentiel et difficile à comprendre dans ses finesses, pour un étranger, sans une initiation préalable.
Pourtant, grâce au développement d'une curiosité occidentale pour la culture asiatique en général, le manga connaît aujourd'hui un franc succès dans certains pays du monde. La barrière culturelle n'est donc pas infranchissable, et il est à parier qu'elle ira diminuant…