"Le Scronch", Naelle Fargialla, 6F

    Le Scronch vivait sous l’eau, au cœur du dédale de ruelles et de chemins de la cité de l’Atlantide. Des algues étranges, brillantes, jonchaient les restes de cadavres des anciens habitants de cette ville maudite à jamais par Poseidon. Des ces plantes jaillissait un nouveau type de mélasse, qui semblait toxique, car les seuls poissons qui habitaient encore ici étaient morts. À cette ambiance impressionnante s’ajoutait un silence de pierre, oppressant et inquiétant. Le Scronch était bien là, pourtant.

    Un de ces jours froids et venteux de Novembre, un chercheur spécialisé sur la faune marine, nommé Henri Bul, découvrit enfin la localisation exacte de l’Atlantide, qui jusqu’alors, était classée « quelque part dans le monde ». Il laissa à l’un de ses amis la tâche ardue d’explorer cette ville incroyable. On le surnommait Aqua-man. Il semblait être la seule personne capable de remplir cette mission. Aqua-man avait en effet des branchies. Il appartenait à la race des hommes poissons, qui a développé certaines caractéristiques des grenouilles ou des requins, comme les mains palmées, ou la chevelure qui ressemblait de plus en plus à des algues, au fil des années. Les hommes poissons ressemblent un peu aux humains qui avalent de la branchiflore...

    Aqua-man voulait bien préparer son expédition. Enfin, après trois mois de préparation, d’encouragement et de recherches sur le Scronch, il s’élança dans l’eau glacée de Février. Sa peau épaisse, habituée au froid des profondeurs, le protégea entièrement de la température. Ses puissants pieds palmés le propulsèrent rapidement loin du rivage. Aqua-man nagea encore et encore jusqu’à apercevoir enfin la porte de la cité. Son bois massif était en pleine décomposition, au point qu’il se désagrégeait dans l’eau. Il fronça les branchies de dégoût, puis éternua, car un petit bout de bois venait de rentrer dans l’une d’elles. Maladroitement, ses pieds touchèrent le sol, et, prudemment, Aqua-man avança dans les ruines de l’Atlantide. Son œil accrocha une algue noirâtre attachée au sol. Il la saisit et eut un mouvement de recul lorsque de la mélasse jaillit de celle-ci. L’homme poisson la lâcha et continua à « marcher » au fond de l’océan, en prenant garde à ne pas écraser les algues. Au centre de la ville, un dernier bâtiment tenait debout. Ce qui était le temple des atlantes servait maintenant de repaire au monstre. Aqua-man sortit de son sac une lampe et une anguille électrique comme chargeur. D’un coup, il poussa la porte. Celle-ci pivota en grinçant.

    Aqua-man entra sur la pointe des palmes. Le Scronch était endormi. Il semblait être composé d’un chameau démesuré au poil brun-rouge et crasseux, munis d’une trompe d’éléphant. Sa peau, nue aux extrémités des bosses, était noire. Son ronflement était insupportable, il se répercutait contre les parois de la grotte. Le sifflement d’un serpent ou le bourdonnement d’un essaim d’abeilles s’en approchaient grandement.

    L’homme poisson s’approcha du monstre et sortit un couteau de son sac. Violemment, il abattit son arme sur le cou de la bête. La lame devait être émoussée, ou la peau du Scronch, très épaisse, car le couteau ne l’entailla même pas jusqu’au sang. Le monstre, par contre, avait dû sentir la froideur du métal, car il se réveilla et se releva brusquement. Puis il utilisa son arme secrète. Car il avait, caché sous ses bosses de chameau, une multitude, une armée de poulpes, de pieuvres et de méduses diverses, aux tentacules menaçantes, aux ventouses mortelles, venimeuses et poisseuses. Comme un seul être, ils fondirent sur Aqua-man avec l’agilité surprenante d’un aigle. Un éclair de génie traversa soudain la tête d’Aqua-man au moment où la première ventouse s’accrocha à lui. Il cacha les yeux de son anguille-chargeur, qui commença, sous l’effet de la peur et de la surprise, à lancer des charges électriques. L’homme poisson se servit de celles-ci pour repousser les assauts des pieuvres et des poulpes à la peau si sensible, reliés au monstre. Tout en tenant à bout de bras l’anguille devant lui, Aqua-man se dirigea à reculons vers la porte. Arrivé devant celle-ci, il l’ouvrit, la claqua derrière lui et prit ses palmes à son cou. L’homme poisson revint vers le rivage pour passer dans l’aquarium du laboratoire, pour narrer ses aventures au professeur Bul. Ensemble, ils mirent rapidement au point un ingénieux système pour tuer le monstre. Deux semaines plus tard, tout était en place.

    M. Bul appuya sur le bouton fatal, puis expliqua à un collègue :

« Vois-tu avec cette pompe à eau, nous sommes en train d’absorber tout le liquide présent dans le temple, qui a été rendu hermétique grâce à une substance de l’invention des hommes poissons. »

Une dizaine de minutes plus tard, le Scronch était mort, asphyxié.