Thème 1. Le rapport des sociétés à leur passé

Chapitre 1. L'historien et les mémoires de la GM2 en France

Analyse du sujet :

Mémoires :
Quoi ? Souvenirs. Mémoire sujet à caution : se perd s'efface et se reconstitue, mémoire est subjective par nature. Mémoires = groupe humain ex ?
► Mémoires est aussi une source historique (surtout quand elle est plurielle) donc un objet d'Histoire au même titre que les archives, les documents divers de l'historien...
donc mémoires sont partielles et plurielles. Groupes porteurs de mémoires : résistants, déportés PG, juifs, STO, « malgré-nous »...etc.


GM2 en France :
Pkoi étude centrée sur GM2 ? pourquoi France ds 2eme GM ? Qu’est ce qui est singulier dans l'Histoire de la France pendant cette période? Rappel contexte : envahie en Mai 1940, nation coupée entre deux visions : Pétain et De Gaulle et donc deux Frances : régime de vichy ou Etat Français qui collabore, De Gaulle et France Libre qui résiste. De cette dualité qui n'est pas spécifique à la France (cf. Italie, Grèce, Serbie-Croatie...) naît une « forme de malaise français » qui remonte à d'autres épisodes historiques mais qui sont saillants à cause du traumatisme lié à la Défaite, à l'Occupation et à la Libération.
« Vichy, un passé qui ne passe pas » (Henry Rousso)

Historien : « Historien est un « trouble-mémoire » » Pierre Laborie. ??
Sc. Explication et recherche de la vérité ► construction d'un récit véridique donc une reconstruction du passé très différente de celle faite par la mémoire d'où dialectique entre les deux Histoire et mémoire(s).

Introduction :

Accroche :
« les peuples qui ne réfléchissent pas sur leur passé sont condamnés à le revivre » (George Santayana)

Pb : Comment l'historien peut-il expliquer que l'immédiat après-guerre n'ait pas permis l'émergence de toutes les mémoires ?

Comment les mémoires de la Seconde Guerre mondiale ont-elles évolué depuis 1945 ?

Une écriture plus sereine de l’histoire du conflit est-elle aujourd’hui possible ?

Plan détaillé :
Introduction
I. L'après-guerre et la recherche de l'unanimité mémorielle (1944/années 60)
A) Des mémoires plurielles dans un contexte difficile
1) Des mémoires collectives éclatées
2) Un objectif de réconciliation nationale

B) Une mémoire officielle consensuelle.
1) Une réconciliation nationale encouragée par l'Etat républicain...
2) ...et favorisée par les historiens

II. Un renouvellement historiographique majeur (années 60/années 80-90)
A) La fin du consensus mémoriel
1) Un contexte social propice
2) Le rôle primordial du « témoin »

B) Le Négationnisme et la nécessaire élaboration du devoir de mémoire
1) La réécriture négationniste : un défi mémoriel et historiographique
2) Les principaux procès et leurs conséquences

III. Une mémoire apaisée, une Histoire maîtrisée ? (depuis les années 80-90)
A) Un nouveau travail de mémoire

1) Une reconnaissance tardive par l'Etat français
2) L'ère de la repentance et du devoir de mémoire

B) Une inflation mémorielle, une Histoire en chantier.
1) Une inflation des lieux de mémoire et des commémorations ?
2) Histoire maîtrisée, Histoire canalisée ?

Conclusion

I. L'après-guerre et la recherche de l'unanimité mémorielle (1944/années 60)

A) Des mémoires plurielles dans un contexte difficile

1) Des mémoires collectives éclatées

* Affiche du PCF n°2 p.20 Hachette Diaporama
Analyse orale : révision sur l'analyse de document(s) au Bac

TE :
Contexte immédiat après guerre : traumatisme de la guerre à cause statut France pendant guerre , donc malaise ds population, entretenu par :

► Epuration spontanée sur collabos ( environ 7000 exécutions sommaires), femmes tondues pour collab° horizontale ( 20000 ) . Puis épuration organisée par le nouvel état et procès des chefs de guerre ( sur 160000 procès, 7000 condamnations à mort mais en fait 767 exécutions, peines transformées . Procès de Petain et Laval pdt été 45 : condamnations à morts, Pétain gracié par DG, Laval exécuté ). DG emploie formule «  vichy nul et non avenu » = pour lui Vichy fut une parenthèse qui s’achève avec les procès.

► L'ambiguïté du terme « déportés » : Retour déportés ( hotel Lutecia à Paris ), résistants, raciaux, retour les travailleurs ( STO ), cas des «  malgré nous » ( 130 000 alsaciens enroles ds armée allemande ). Le terme de « déportés » est un terme flou, évasif qui concerne certes les victimes de la déportation nazie, mais sans autre précision. On ne fait pas de difference !! ( cf doc 2 p 14 / il y avait un ministère des prisonniers, déportés, réfugiés : Henry Frenay ). Or, il existe une différence majeure et fondamentale entre les déportés politiques et résistants d’une part, déportés et éliminés pour ce qu’ils pensent et ce qu’ils font, et les déportés Juifs, éliminés pour ce qu’ils sont. Le terme même de « Juif » n’apparaît pas après guerre, en 1948.

► Dès début, mémoires collectives diverses se développent qd même avec plus ou moins d’écho. Elles sont qualifiées de « mémoires désunies » par historien Olivier Wieviorka en 2010.

Elles s’expriment ds associations, par témoignages, publications .

* Mémoire Juive par témoignages ( auteurs comme Primo Levi «  si c’est un homme » paru en 1947, ou Robert Antelme « l’espèce humaine » 1947 ) et constitution d’associations ( amicale d’Auschwitz , 1947 ) mais peu de portée ( on veut oublier, on ne veut pas croire) . Lire extrait des mémoires de Simone Weil ( manuel Belin 2012 ).

Mais svt assimilation aux autres déportés avec création la FNDIRP ( Fédération nationale des déportés et internes résistants et patriotes ), qui obtient que l’histoire de la déportation soit enseignée à l’ecole en 1963.

* Mémoire communiste : parti communiste se présente comme le parti martyr de la résistance «  le parti des 75000 Fusillés » ; pour faire oublier non engagement en début de guerre à cause du pacte germano-soviétique !! ( même si résistants individuels bien sûr ). En fait slt 35000 français fusillés par allemands et pas tous communistes !!

* Mémoire résistante : différentes assos : le réseau du souvenir,

* Mémoire des soldats faits prisonniers : associations de PG

* Il y a même les nostalgiques de Pétain qui après sa mort en 1951 fondent une asso à la gloire du maréchal, homme de guerre qui s’est sacrifié pour la France pdt 2 guerres : association pour défendre la mémoire du Maréchal Pétain, elle réclame la révision de son procès et transfert de ses cendres à l’Ossuaire de Douaumont ( monument commémoratif du site de la bataille de Verdun de 1916. ).

Il y a peu de monuments aux morts pour la GM2//à la 1ère GM car sa mémoire reste fragmentée

2) Un objectif de réconciliation nationale

* Discours DG 25 août 1944 (audio)

TE : Question de la place de la France au côté des vainqueurs implique l'oubli de la Collaboration. Parti pris imposé par DG dès son discours de l'Hôtel de Ville en août 1944.
mais volonté de refonder l’unité nationale va permettre l’émergence d’une seule mémoire, celle de la Résistance.

Au sortir de la guerre l’idée d’union doit prévaloir et les différentes groupes doivent en fait se fondre sous une bannière patriotique, qu’ils soient prisonniers politiques, résistants, requis du STO en Allemagne, prisonniers de guerre. La seule raison à l’origine de leur souffrance qui est alors retenue est le patriotisme et nulle autre ne saurait exister…

► La mémoire spécifique des prisonniers de guerre 1 850 000 hommes en 1940 est effacée puisque c’est la preuve vivante de la plus grande défaite qu’elle ait jamais connue de son histoire : c’est la condamnation à l’oubli.

► La mémoire spécifique des déportés dans les camps dérange : l’opinion n’est pas prête à comprendre ce qui parait inimaginable et est pourtant réel, le génocide et la barbarie : c’est le refoulement pur et simple dans l’inconscient collectif

► Cette volonté d’associer dans un même culte du souvenir toutes les victimes du conflit a de ce fait conduit à occulter totalement les souffrances spécifiques endurées par certains :

Les déportés raciaux, juifs ou tziganes,

Les déportés du travail

Les homosexuels ou témoins de Jéhovah

Les Alsaciens Lorrains enrôlés de force dans la Wehrmacht (les « malgré-nous »)

B) Une mémoire officielle consensuelle.

1) Une réconciliation nationale encouragée par l'Etat républicain...

* Lois d'amnistie 1946 à 1953 (tx)
(amnésie = amnistie ?)


TE :
► Un objectif de réconciliation nationale :
L
ois d’amnistie 1946 à 1953


Exemples :

Loi du 5 janvier 1951

Sont amnistiés les faits ayant entraîné une condamnation à la dégradation nationale à titre principal, lorsque la durée de la peine, compte tenu des grâces intervenues n’excède pas 15 ans.

Loi du 6 août 1953

(…) C’est dans la fidélité à l’esprit de la Résistance qu’elle (la République) entend que soit aujourd’hui dispensée la clémence.

► Paul Touvier ( ancien chef de la Milice ) gracié par POMPIDOU en 1972 :

« Allons-nous éternellement entretenir saignantes les plaies de nos désaccords nationaux ? »

D'autre part certaines personnalités politiques ayant appartenu au régime de Vichy reviennent au pv : Antoine Pinay, qui a voté pleins pvs à Pétain, a été nommé mbre du Conseil National de Vichy : président du conseil en 1952.

► Un objectif d'apaisement et de compensation

8 Mai devient jour de fête nationale en 1951 et jour férié en 1953 ( rétabli en 1981 par Miterrand ).

Instauration de la journée nationale du souvenir des victimes et des héros de la déportation instaurée en 1954 ( dernier dimanche d’Avril ). ( initiative de l’association d’anciens déportés résistants : Le réseau du souvenir. )

Le mythe d'une France unie dans la Résistance : le résistancialisme (notion très importante forgée par l'historien Henry Rousso dans son ouvragte Le syndrome de Vichy en...1987).
Présence DG au pouvoir de 1944 à 1946, puis de 1958 à 1969. mémoire gaullienne = mémoire d'Etat officielle = unanimité ds la Résistance et négation du rôle majeur des Alliés anglo-américains. Occultation du rôle de Vichy dans la Collaboration.
Par ex. Création de lieux de mémoire,développement des commémorations officielles et concours national de la Résistance // jeunesse (1961). apogée du résistancialisme avec transfert des cendres de Jean Moulin au Panthéon en 1964 (discours de J. Malraux).


2) ...et favorisée par les historiens

* Extrait Histoire de Vichy R. Aron 1954 (tx) n°1 p.22 Hachette

TE : Un contexte difficile pour les historiens car impossibilité d'accès aux sources et archives (pas ouvertes). Historiens travaillant sur la Collaboration peu nombreux voire inexistants. Un ouvrage domine : La théorie du double jeu en 1954 de Robert Aron facilite cette réconciliation : « histoire de Vichy » = tentative de réhabilitation de Pétain.

Pétain aurait assuré la protection «  bouclier » de la France tandis que de Gaulle était « l’épée »

Ce mythe , répandu à la mort de Pétain (1951) tente de désolidariser Vichy et la collabo: Pétain aurait préparé le travail des Alliés en endormant la méfiance de l’Allemagne  , il aurait résisté aux pressions des nazis et sauvé l’indépendance de l’appareil d’Etat. Pendant que De Gaulle tenait le rôle de « l’épée » de la France pour ensuite reprendre le pouvoir et permettre à la France d’etre du coté des vainqueurs après guerre. Par contre la collaboration incomberait à Laval, président du conseil de Pétain.

3) ...entretenue par le cinéma et la littérature

Films qui mettent en avant les héros de la Résistance : La Bataille du rail, de René Clément en 1946 ( doc 5 p 15 Hatier ). Mise en avant des cheminots résistants, donc oubli que chemins de fer ont participé aussi à la déportation.

Mais certains films dérangent : Nuit et Brouillard, d’Alain Resnais en 1956 , film documentaire sur les camps est censure : fait disparaître les képis des gendarmes !! ( cf photo Gendarme à Drancy ), et ne sépare les différents types de camps, donc ne montre pas spécificité génocide des Juifs, montre horreur des actes pas images fortes.

II. Un renouvellement historiographique majeur (années 60/années 80-90)

A) La fin du consensus mémoriel

1) Un contexte social propice

TE : A la fin des années 60, on assiste à un changement de contexte : contestation sociale (qui aboutit en France à la crise de Mai 68), remise en cause de l'autorité et notamment du caractère archaïque du pouvoir gaullien puis départ de DG en 1969. De + renouvellement générationnel = arrivée à l'âge adulte de personnes n'ayant pas connu la guerre. Des associations portent plainte contre d'anciens collabos = relance du processus de judiciarisation de la Collaboration.

2) Le rôle primordial du « témoin »

TE : 2 œuvres cinématographiques peuvent illustrer ce changement de vision des années noires et le renouvellement historiographique en cours : retour de la primauté du témoignage (et donc des mémoires) et croisement avec les sources (ouverture d'archives). Sensibilité plus forte de la société aux aspects occultés après-guerre.

Le chagrin et la pitié, portrait d'une ville, M. Ophüls, 1969 (sortie en salle en 1971).

Il s'agit d'une chronique de la vie quotidienne sous l'Occupation à Clermont-Ferrand. Ce film est construit à l'aide de témoignages, de bandes d'actualités et d'archives des « années noires ». On comprend vit que l'essentiel de la population est plutôt attentiste et préoccupée par les difficultés de la vie quotidienne plus que par le fait de résister. On y découvre aussi la part d'antisémitisme et les tentations collaborationnistes qui règnent à l'époque. Ce film déconstruit donc le mythe résistancialiste. On y voit par exemple une visite du Maréchal Pétain qui est acclamé par la foule, un grand nombre de personnes faisant même le salut nazi.

Le film fait scandale quand il sort et n'est pas programmé à la télévision publique qui l'a pourtant financé. Il faudra attendre 1985 et les téléspectateurs seront par ailleurs très nombreux (15 millions). On pourrait parlé d'une censure résistancialiste tant il est vrai que la France de l'époque a beaucoup de mal à élucider son passé. L'expression d'Henry Rousso (« Vichy, un passé qui ne passe pas ») trouve ici toute sa justification.


► Shoah, Claude Lanzmann, 1985.

Né dans un contexte différent, l'oeuvre de Claude Lanzmann est une sorte de manifeste ou de guide de compréhension du génocide juif. C'est ainsi que Lanzmann le présente : un film qui n'est pas une fiction mais qui n'est pas non plus un reportage classique.
C'est un film qui enquête sur le passé mais sans chercher à reconstituer les faits de manière chronologique. Le réalisateur interroge lui-même les témoins sur leur vécu, sur leur martyr, et fait l'aller-retour entre les lieux (les traces) de l'extermination et leur témoignage (donc leur mémoire, c'est-à-dire aussi une forme de trace). Les victimes interrogées ont été déportées à Auschwitz-Birkenau, Chelmno ou encore Treblinka (camps d'extermination). Les bourreaux, anciens SS, sont aussi amenés à témoigner.
Le but de Lanzmann n'est pas le jugement moral mais plutôt reconstruction minutieuse des rouages de la Shoah (terme qui s'est imposé dans le discours public et historiographique après ce film d'ailleurs. En
hébreu : שואה, « catastrophe »).

Enfin c'est un film d'une durée inhabituelle : plus de 10h.
Il a été tourné entre 1976 et 1985 aux Etats-Unis, en Israël, en Pologne...etc. Il semble que le réalisateur ait voulu aussi faire ressurgir une mémoire enfouie avant que les protagonistes ne disparaissent à leur tour.

On peut dire que cette œuvre inclassable a véritablement révolutionné la vision qu'on pouvait avoir du génocide juif.
Elle l'a replacé au centre du débat mémoriel. Depuis, la Shoah occupe une place prépondérante dans les mémoires de la GM2.


B) Le Négationnisme et la nécessaire élaboration du devoir de mémoire

1) La réécriture négationniste : un défi mémoriel et historiographique

* Voir texte de P. Vidal-Naquet n°5 p.23 Les assassins de la mémoire

TE : Il est difficile de dire si le réveil des mémoires juives de la GM2 a suscité en retour une volonté de négation de la part des bourreaux ou de leurs collaborateurs. Cependant, il est clair que dans les années 70-80, pour des raisons liées à la haine contre la politique de l'état d'Israël mais aussi par résurgence du vieux fonds antisémite européen, le négationnisme* (terme forgé par Henry Rousso) se développe et, fait nouveau, rencontre un écho dans les médias.

Ainsi, Louis Darquier de Pellepoix, ancien commissaire aux questions juives de mai 1942 à février 1944, exilé en Espagne, nie l’existence de chambres à gaz lors d’une interview à
L’Express en 1978 la solution finale serait « une invention juive ».

Robert Faurisson, universitaire nie la volonté de destruction systématique des juifs, par les nazis. Ses thèses sont publiées notamment dans Le Monde en 1979 : «  Le problème des chambres à gaz ou la rumeur d’Auschwitz ». il est condamné pour thèses négationnistes. 

En 1987, un historien de l'Antiquité, Pierre Vidal-Naquet prend position pour dénoncer ce négationnisme dans son ouvrage, les assassins de la mémoire. Ce livre, recueil de 5 articles, démontrent quels sont les procédés du négationnisme pour aboutir au mensonge et à la négation en utilisant des méthodes qui se veulent scientifiques (mais qui ne le sont pas).

De nos jours ce discours est particulièrement présent : discours suivi par des hommes politiques d’extrême droite comme J-M Le Pen qui affirme en 1987 que les chambres à gaz sont un « point de détail de l’histoire de la GM2 » (propos réitérés en 2009 au parlement euro).
Enfin, plus récemment, le polémiste Dieudonné se présente aux élections européennes (2009) en compagnie d'un antisémite notoire, Alain Soral, et utilise allègrement les sentiments troubles vis-à-vis d'Israël dans une partie de la population française pour réaffirmer un antisémitisme nauséabond.

Voir l'article : http://www.liberation.fr/societe/2014/07/22/dieudonne-l-antisemitisme-mot-a-mot_1068493
2) Les principaux procès

TE : Les procès sont possibles car les crimes contre l’humanité sont imprescriptibles en vertu de la loi de 1964 . L'expression « crimes contre l'humanité » a émergé dans les statuts du tribunal militaire de Nuremberg en 1945, chargé de juger hauts dignitaires nazis.

Il faut souligner le rôle pionnier de Serge et Beate Klarsfeld. Serge Klarsfeld créé Mémorial de la déportation des Juifs de France ( 1978 ) : publication de la liste , par convois, de tous les déportés juifs de France. Serge Klasfeld, Vichy-Auschwitz, 1983-1985.

Ils dénoncent également la responsabilité directe de Vichy dans le génocide :

- Le 1er statut des Juifs en France date d’Octobre 1940 et anticipe la demande d’Hitler

- Sans la police française, il n’est pas sûr qu’Hitler aurait osé ni qu’il aurait pu engager les forces allemandes dans la déportation des Juifs en France . En 2010, le brouillon du texte portant sur le statut des juifs est offert au mémorial de la Shoah, il est annoté de la main de Pétain. Ce statut fut promulgué le 3 Oct 1940.
La FFDJF créé en 1979 (Fils et Filles de Déportés Juifs en France) a pour but de
mettre fin à l’impunité dont jouissent les responsables français et allemands du génocide, traque des nazis dans le monde entier comme Klaus Barbie en Bolivie. Suivent de nombreux dépôts de plaintes pour crimes contre l’humanité.

Enfin les Klarsfeld ont aussi un but pédagogique : rendre publiques les responsabilités françaises dans la déportation des Juifs.

► Quelques exemples de grands procès voir tableau (extrait du Hatier 2014)

 

 


3) L'Histoire en chantier

► Influence de la recherche anglo-saxonne (R. Hillberg, la destruction des juifs d'Europe, 1961 puis réédité fréquemment) ou encore R.O Paxton La France de Vichy, 1999.

En 1973, la première édition de l'ouvrage de R. Paxton, La France de Vichy, paraît. Il s'agit d'un travail sur les archives allemandes qui montre que la Collaboration est bien une initiative du gouvernement de Vichy et que sans l'aide française, les allemands n'auraient pu déporter 76000 juifs. On peut prendre aussi l'exmple de l'historien Pierre Laborie qui travaille sur le comportement français pendant la guerre. Enfin, une grande contribution aussi à l'histoire des mémoires sur Vichy avec Henry Rousso et son ouvrage, Le syndrome de Vichy, en 1987 (déjà mentionné dans le cours). On assiste donc à une véritable ré-élaboration et reconstruction mémorielle donc avec les changements opérés dans les années 70-80. On peut dire que les historiens y ont eu un rôle majeur (mais aussi les témoins).

III. Des mémoires apaisées, une Histoire maîtrisée ? (depuis les années 80-90)


A) Un nouveau travail de mémoire

1) Une reconnaissance tardive par l'Etat français

TE : L'Etat français a donc tardé à reconnaître sa responsabilité dans la Collaboration.

Reconnaître la responsabilité de l'Etat c'est aussi ouvrir la voie à des réparations et des

compensations financières. La thèse, longtemps défendu par ex. par F. Mitterrand (1981-1995),

est que Vichy ce n'était pas la France.

* La position ambigüe de
François Mitterrand (fonctionnaire de Vichy, puis résistant) :

  • Il favorise la diffusion du film « le chagrin et la pitié » en 1981à la TV ;

  • Il consent à instituer une journée nationale du souvenir des « persécutions racistes et antisémites». Il est le premier chef d’état à assister à la cérémonie commémorant la grande rafle du Vel d’Hiv «  et les persecutions racistes et antisémites » le 16 juillet 92, il inaugure aussi le musée mémorial d’Izieu dédié au souvenir des enfants juifs déportés.

  • Mais il refuse catégoriquement d’assumer la responsabilité de la République et de l’Etat dans la Shoah, dans une démarche en quelque sorte très proche du résistancialisme et une attitude paradoxalement gaullienne...

  • Il fait parallèlement fleurir chaque année la tombe du maréchal Pétain, ce qui n’est pas sans susciter le scandale

La Loi Gayssot votée en 1990 marque une étape fondamentale dans la prise de conscience de la spécificité de la France dans l'Histoire de la GM2 et permet aussi un certain apaisement des mémoires. Il existait déjà la loi Pleven du 1er Juillet 1972 sanctionnant les propos et actes racistes mais celle de 1990 va plus loin. Elle tend à « réprimer tout acte raciste, antisémite ou xénophobe » et le législateur ajoute notamment dans son article 9 la qualification de délit pour toute contestation de l'existence des crimes contre l'humanité. C'est donc une loi dirigée implicitement contre toute forme de négationnisme.


2) L'ère de la repentance et du devoir de mémoire


* Discours J. Chirac 1995 (audio ou video)
TE : C'est une rupture très importante et définitive avec les thèses précédentes de l'état français. En effet, reconnaître sa responsabilité c'est aussi laisser la possibilité du pardon (mais non de l'oubli). Ce discours est aussi un hommage aux « Justes » (notion de « justes parmi les nations » de Yad-Vashem en Israël) prenant en compte d'ailleurs les travaux les plus récents des historiens. L’Eglise fait ensuite elle-même « repentance » et d’autres institutions demandent pardon, comme la SNCF en 2011.

B) Une inflation mémorielle : quelle place pour l'Histoire ?

1) Une inflation des lieux de mémoire et des commémorations ?

 

Nicolas Sarkozy (président de 2007 à 2012) fait lire la lettre de Guy Môquet* à sa mère avant sa mort, le 22 Octobre dans les écoles ( jour de sa mort , fusillé par allemands en 1941 pas parce que résistant mais parce que communiste, il distribuait des tracts ). Depuis 2007, Sarkozy se rend tous les ans sur plateau de Glières où sont morts 130 jeunes maquisards en 1944.

En 2014 ; Hollande annonce entrée au Panthéon de 4 Résistants ( 2 femmes et 2 Hommes ).

► Ces deux exemples d'appropriation affichée ou déguisée des mémoires de la GM2 posent question : Faut-il laisser les politiques et donc l'Etat français s'emparer des mémoires ? Un état peut-il décréter ce qui doit être rappeler et donc...ce qui doit être oublié ?
Qu'en est-il des historiens ? Restent-ils maîtres de la résurgence mémorielle ou sont-ils eux aussi victimes d'une concurrence mémorielle ?

 

2) Histoire maîtrisée, Histoire canalisée ?

► Les nouveaux champs de la recherche sont ouverts grâce à cet relatif apaisement des mémoires et aussi à l'éloignement chronologique. On peut penser que les historiens sont plus à même maintenant d'écrire une Histoire « libérée » ou maîtrisée même si les tentatives d'instrumentalisation existent toujours que ce soit de la part de l'extrême-droite ou de la part des groupes antisémites de toute provenance...
* Quels champs ?
- Génocide contre les Tziganes (mauvaises victimes ? Expression de l'historien Emmanuel Filhol).
- « Malgré-nous » 2010 officiellement reconnus victimes du nazisme,
- « Malgré-elles » incorporées de force dans des organismes nazis entre 1942 et 1945. 2013 mémorial d'Alsace-Moselle,
- Enfants nés de l'ennemi (mémoires honteuses et oubliées) (historien Fabrice Virgili).

► Quels dangers pour l'Histoire ? On en revient à la question déjà évoquée :
Inflation mémorielle et glorification de la victime en tant que symbole (ex. Sarkozy et Guy Môquet). Pétition 2005 Liberté pour l'Histoire « Dans un état libre, il n'appartient ni au Parlement ni à l'autorité judiciaire de définir la vérité historique ».
Débat ? L'Etat doit-il définir une vérité historique ? Ex. ? Arguments ?

Conclusion : Voir schéma cours