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18 décembre 2011

La propagande dans les régimes totalitaires

Pour étudier la propagande dans les régimes totalitaires, nous avons étudié deux films, de nature très différente : 

Le premier était un extrait du cuirassé Potemkine, réalisé en 1925 par Eisenstein, et qui est un film de propagande pour le régime soviétique. Ce film est une commande du comité du parti communiste qui propose un retour sur les évènements de 1905, pendant lesquels des soldats du cuirassé Potemkine se révoltent contre le tsar Nicolas II. Dans l'extrait que nous avons vu, la population d'Odessa accueille avec enthousiasme les mutins, jusqu'au moment où l'armée tire sur la foule, qui se disperse affolée. Dans cette scène, Eisenstein veut montrer la cruauté du star et ses soldats, et la vulnérabilité du peuple, formé du prolétariat et de la bourgoisie. Pour cela, Eisenstein utiise différents moyens : 

- des moyens narratifs : les soldats tirent sur des civils désarmés, et notamment sur des femmes et des enfants innocents. 

- des moyens visuels : le montage tout d'abord, qu'on a qualifié de "montage poing" et qu'on pourrait presque appeler montage "coup de poing" : certaines images surgissent en effet devant nos yeux en très gros plan, comme un poing qui se dirigerait vers nos yeux. Ces images en gros plan sont celles des victimes ... les bourreaux eux apparaissent toujours en plan large, leurs visages sont anonymes, on ne les distingue pas l'un de l'autre : 

On observe aussi dans la composition un jeu d'opposition entre des lignes verticales (celles des soldats qui descendent) et des lignes horizontales (celles des marches d'escaliers), coupées par des lignes obliques (celles des fusils des soldats, celles des corps des victimes), créant ainsi un conflit visuel. 

La scène du landau accentue la tension dramatique

Cette scène est une véritable scène culte, et a fait l'objet de nombreuses reprises par les réalisateurs, comme dans les Incorruptibles de Brian de Palma : 

Voilà le landau qui s'apprête à tomber : 

et le landau qui tombe ...

Par ce film, Eisenstein cherche à créer chez le téléspectateur un sentiment d'empathie pour le peuple russe, formé ici des bourgeois et des prolétaires, unis contre la répression du tsar. Dans un autre film, dont nous avons vu des extraits à la cinémathèque (http://blog.crdp-versailles.fr/histargeo/index.php/post/18/12/2011/La-visite-%C3%A0-la-cin%C3%A9math%C3%A8que-en-classe-de-Premi%C3%A8re)  Octobre, réalisé deux plus tard, en 1927, on retrouve des principes identiques : jeu sur les oppositions de lignes (la scène du pont notamment), montage "poing" ... sauf que cette fois-ci, les bourgeois et les prolétaires ne sont plus unis : les bourgeois tentent d'empêcher les prolétaires de prendre le pouvoir, le film se situe en octobre 1917 ...

- le deuxième film dont nous avons vu un extrait était le Dictateur de Ch.Chaplin, réalisé en 1940, et diffusé uniquement aux Etats-Unis, et interdit en Europe. C'est une parodie du régime nazi. Charlie Chaplin y joue alternativement deux rôles, celui de Hinkel (Hitler) et celui d'un barbier juif, et dans l'extrait que nous avons vu, il caricature Hitler en train de prononcer un discours devant la foule.

Dabs ce discours, Charlite Chaplin a recours à des effets théatraux. En effet, il a beaucoup étudié la gestuelle de Hitler qui lui même l'a beaucoup travaillée, comme le montrent les images ci-dessous, où on voit d'une part Charlie Chaplin dans son rôle de Hinkel, et d'autre part Hitler répètant des attitudes qui veut combattive pour l'une, impérative pour l'autre, visionnaire enfin. 

(photos trouvées sur Wikipédia, prises par Heinrich Hoffman en 1925)

Quand à la foule qui l'écoute,elle est totalement domestiquée, réduite à un volume sonore d'acclamations qu'un simple geste de la main déclenche et interrompt. La scène pour tout aussi bien se passer à Nuremberg, qui accueillait les grandes parades du régime. Sauf que Charlie Chaplin en retient essentiellement l'aspect clownesque, et son discours se termine par une musique de parade de cirque, et comme un clown, il fait sortir de l'eau par ses oreilles. Dans une autre scène on le voit jouer avec un globe terrestre : 

Enfin, le discours qu'il tient parodie celui de Hitler : comme lui, il harangue la foule et tient des discours passionnés dans lesquels il refuse toute discussion, et fait appel aux sentiments, en proposant des alternatives simplistes. 

C'est donc un film d'une autre nature que celui d'Eisenstein, puisque ce n'est pas un film de propagande mais un film sur la propagande. Hilter avait lui aussi ses propagandistes, comme Leni Riefenstahl, qui présente, en 1934, le triomphe de la volonté, montrant les grandes parades ordonnées de Nuremberg, ou encore en 1938, les Dieux du stade, montrant la foule en liesse venue célébrer les athlètes allemands lors des JO de Berlin. Mais allez savoir pourquoi, je ne vous en pas montré d'extraits ...

La visite à la cinémathèque en classe de Première

Petit compte-rendu de notre visite pour ceux qui n'ont pas pu venir : contrairement à ce que j'avais prévu, nous n'avons pas visité l'exposition Métropolis ... en revanche, le thème était bien "la foule" ! Nous avons donc visionné dans une salle de cinéma un certain nombre d'extraits de films qui étaient ensuite commentés par notre conférencière ...

Comment raccrocher ces extraits de films au cours d'histoire ? 

- d'abord, les extraits que nous avons vu étaient extraits de films "cultes", qui seront très utiles à votre culture générale et à votre compréhension de l'histoire du cinéma. 

- par ailleurs, ces films nous permettaient de mieux comprendre les différentes traitements de la foule par le cinéma, et ses différentes morphologies. Le premier extrait était un film (que je ne connaissais pas) de King Vidor intitulé "la foule" (the crowd), réalisé en 1927 ; j'ai trouvé le début de l'extrait incroyable, quand il y a ce mouvement de caméra qui nous fait faire une ascension vers le sommet des grattes ciels, pour se diriger dans les bureaux des employés : on se croirait dans une fête foraine, et on a tendance à spontanément lever la tête pour accompagner le mouvement ! C'est à revoir ici http://www.youtube.com/watch?v=6HjlEBU3BCo, à 1,45mn ...et sur l'image ci-dessous

 

et puis j'étais étonnée aussi de voir ces immenses "open space" : 

 

... qui m'ont fait penser à Playtime de Tati, réalisé 40 ans plus tard, en 1967 ...

 

Dans ce film, King Vidor nous présente une réflexion sur la place de l'individu dans la foule ... est-il possible d'avoir une individualité propre, ou nous conformons nous toujours à des codes sociaux, à un effet de groupe ? Par ex quand le héros dit à ses collègues qui les uns après les autres lui disent la même chose : "you birds have been working here so long that you all talk alike !" : "vous travaillez ici depuis si longtemps que vous parlez tous pareils !"

Nous avons vu aussi des extraits de Métropolis, réalisé lui aussi en 1927, le film qui montre une foule uniforme (pour figurer la foule, F.Lang aurait engagé 25 000 figurants !), une foule d'ouvriers esclaves, qui avancent d'un seul pas, dévorée par la machine. 

Puis des extraits d'Octobre, d'Eisenstein, réalisé en 1926. La scène que nous avons vu montre la foule révolutionnaire, unie contre le régime ...

... puis la foule dispersée par l'armée, livrée sans défense à la violence du pouvoir ... avec cette alternance de gros plan et de plans larges que nous avions déjà vu dans le cuirassé Potemkine (http://blog.crdp-versailles.fr/histargeo/index.php/post/18/12/2011/La-propagande-dans-les-r%C3%A9gimes-totalitaires), sauf qu'ici l'effet est inversé : ce ne sont plus les victimes qui font l'objet du gros plan, mais les bourreaux ... La scène se termine avec la fameuse scène du pont, où on voit le pont se lever, et le cheval tomber progressivement à l'eau. Nous avons poursuivi avec un extrait montrant la scène du procès dans M.Le Maudit, de F.Lang toujours, film réalisé en 1931 : cette fois-ci c'est la foule menaçante qui est mise en valeur, une foule assoiffée de sang. Voici un lien pour revoir l'extrait : http://www.youtube.com/watch?v=1g-sfrQnwwg&feature=related

M le maudit devant ses juges, une assemblée de criminels ...

On retrouve cette foule menaçante dans l'extrait de Fury réalisé en 1936 par Fritz Lang, un extrait très dur sur cette foule histérique ... auquel a immédiatement succédé un extrait d'une autre foule, hystérique elle aussi mais qu'on parvient à calmer, dans Vers sa destinée, film de J.Ford réalisé en 1939. 

La foule dans Fury

Q

Enfin nous avons terminé avec Batman, de Tim Burton, sorti en 1989, qui montre une foule idolâtre

Quel rapport avec le cours d'histoire me direz-vous ? Je souhaitais que nous étudions ce rapport à la foule, pour faire un écho aux affiches de film de propagande que nous avions étudiées en classe (nazie, fasciste et communiste), et qui montraient des foules anonymes et sans visage, dirigées par un chef représenté avec une taille disproportionnée :

 

 

 

Ces affiches illustrent le rapport que ces régimes entretiennent avec la foule, qu'il faudrait plutôt ici qualifier de "masse" ou de "peuple" : on est loin de l'individualisme des régimes libéraux, dans lesquels l'individu est primordial ... Cependant, on avait remarqué que dans les affiches communistes, le peuple, au sens du prolétariat, est davantage incarné comme le montrent les deux affiches ci dessous : Staline domine toujours nettement la foule, mais on peut distinguer des visages, ceux des prolétaires au nom de qui est exercée la dictature : 

  

 

A vous maintenant de me dire ce qui vous a le plus marqué et pourquoi (un extrait, une vision de la foule que vous avez découvert ...) ...