La visite à la cinémathèque en classe de Première
Par sg le 18 décembre 2011, - année 2011 2012 - Lien permanent
Petit compte-rendu de notre visite pour ceux qui n'ont pas pu venir : contrairement à ce que j'avais prévu, nous n'avons pas visité l'exposition Métropolis ... en revanche, le thème était bien "la foule" ! Nous avons donc visionné dans une salle de cinéma un certain nombre d'extraits de films qui étaient ensuite commentés par notre conférencière ...
Comment raccrocher ces extraits de films au cours d'histoire ?
- d'abord, les extraits que nous avons vu étaient extraits de films "cultes", qui seront très utiles à votre culture générale et à votre compréhension de l'histoire du cinéma.
- par ailleurs, ces films nous permettaient de mieux comprendre les différentes traitements de la foule par le cinéma, et ses différentes morphologies. Le premier extrait était un film (que je ne connaissais pas) de King Vidor intitulé "la foule" (the crowd), réalisé en 1927 ; j'ai trouvé le début de l'extrait incroyable, quand il y a ce mouvement de caméra qui nous fait faire une ascension vers le sommet des grattes ciels, pour se diriger dans les bureaux des employés : on se croirait dans une fête foraine, et on a tendance à spontanément lever la tête pour accompagner le mouvement ! C'est à revoir ici http://www.youtube.com/watch?v=6HjlEBU3BCo, à 1,45mn ...et sur l'image ci-dessous
et puis j'étais étonnée aussi de voir ces immenses "open space" :
... qui m'ont fait penser à Playtime de Tati, réalisé 40 ans plus tard, en 1967 ...
Dans ce film, King Vidor nous présente une réflexion sur la place de l'individu dans la foule ... est-il possible d'avoir une individualité propre, ou nous conformons nous toujours à des codes sociaux, à un effet de groupe ? Par ex quand le héros dit à ses collègues qui les uns après les autres lui disent la même chose : "you birds have been working here so long that you all talk alike !" : "vous travaillez ici depuis si longtemps que vous parlez tous pareils !"
Nous avons vu aussi des extraits de Métropolis, réalisé lui aussi en 1927, le film qui montre une foule uniforme (pour figurer la foule, F.Lang aurait engagé 25 000 figurants !), une foule d'ouvriers esclaves, qui avancent d'un seul pas, dévorée par la machine.
Puis des extraits d'Octobre, d'Eisenstein, réalisé en 1926. La scène que nous avons vu montre la foule révolutionnaire, unie contre le régime ...
... puis la foule dispersée par l'armée, livrée sans défense à la violence du pouvoir ... avec cette alternance de gros plan et de plans larges que nous avions déjà vu dans le cuirassé Potemkine (http://blog.crdp-versailles.fr/histargeo/index.php/post/18/12/2011/La-propagande-dans-les-r%C3%A9gimes-totalitaires), sauf qu'ici l'effet est inversé : ce ne sont plus les victimes qui font l'objet du gros plan, mais les bourreaux ... La scène se termine avec la fameuse scène du pont, où on voit le pont se lever, et le cheval tomber progressivement à l'eau. Nous avons poursuivi avec un extrait montrant la scène du procès dans M.Le Maudit, de F.Lang toujours, film réalisé en 1931 : cette fois-ci c'est la foule menaçante qui est mise en valeur, une foule assoiffée de sang. Voici un lien pour revoir l'extrait : http://www.youtube.com/watch?v=1g-sfrQnwwg&feature=related
M le maudit devant ses juges, une assemblée de criminels ...
On retrouve cette foule menaçante dans l'extrait de Fury réalisé en 1936 par Fritz Lang, un extrait très dur sur cette foule histérique ... auquel a immédiatement succédé un extrait d'une autre foule, hystérique elle aussi mais qu'on parvient à calmer, dans Vers sa destinée, film de J.Ford réalisé en 1939.
La foule dans Fury
Q
Enfin nous avons terminé avec Batman, de Tim Burton, sorti en 1989, qui montre une foule idolâtre.
Quel rapport avec le cours d'histoire me direz-vous ? Je souhaitais que nous étudions ce rapport à la foule, pour faire un écho aux affiches de film de propagande que nous avions étudiées en classe (nazie, fasciste et communiste), et qui montraient des foules anonymes et sans visage, dirigées par un chef représenté avec une taille disproportionnée :
Ces affiches illustrent le rapport que ces régimes entretiennent avec la foule, qu'il faudrait plutôt ici qualifier de "masse" ou de "peuple" : on est loin de l'individualisme des régimes libéraux, dans lesquels l'individu est primordial ... Cependant, on avait remarqué que dans les affiches communistes, le peuple, au sens du prolétariat, est davantage incarné comme le montrent les deux affiches ci dessous : Staline domine toujours nettement la foule, mais on peut distinguer des visages, ceux des prolétaires au nom de qui est exercée la dictature :
A vous maintenant de me dire ce qui vous a le plus marqué et pourquoi (un extrait, une vision de la foule que vous avez découvert ...) ...
Commentaires
Moi, ce qui m'a le plus marqué c'est l'extrait d'Octobre, d'Eisenstein, plus précisément la scène avec les femmes qui tapent avec leurs ombrelles sur un révolutionnaire. Cette scène est très violente, on voit bien qu'Eisenstein a voulu montrer cette violence avec le procédé de gros plans successifs, qui montrent la force qui est mise dans les coups d'ombrelles.
Ce qui m'a aussi profondément choqué c'est le pont, se relevant lentement, faisant tombé les corps allongés, et surtout le cheval. En effet, il est suspendu dans le vide, accroché à une simple corde, en observant ce pont qui se lève, on attend péniblement la chute du cheval. La lenteur de la scène rend l'attente encore plus stressante, on n'a pas envi que le cheval tombe mais on sait que c'est ce qui va arriver. Et puis sa chute. La vision de ce cheval tombant dans l'eau provoque chez le spectateur un grand sentiment de tristesse. On sent bien que c'est l'effet voulu par le réalisateur. Effet réussi !!