Mélanie nous propose ici une étude de la bande dessinée de Manu Larcenet, Blast ... sa mission était de choisir une oeuvre d'art et de la mettre en relation avec la problématique de cette année, le paysage ... c'était donc un difficile exercice de style (et ce qui est bien : Mélanie cite sa source à la fin de l'article ...), voici le résultat :
BLAST, Tome 1, Grasse carcasse, Manu Larcenet, coll. Dargaud, 2009
Résumé, tiré de la 4ème de couverture : « Je pèse lourd. Des tonnes. Alliage écrasant de lard et d'espoirs défaits, je bute sur chaque pierre du chemin. Je tombe et me relève, et tombe encore. Je pèse lourd, ancré au sol, écrasé de pesanteur. Atlas aberrant, je traîne le monde derrière moi. Je pèse lourd. Pire qu'un cheval de trait. Pire qu'un char d'assaut. Je pèse lourd et pourtant, parfois, je vole. »
L’auteur : Manu Larcenet est un auteur de bande dessiné, d’origine française. Ses bandes dessinées décrivent un univers assez banal et emprunt d'une touche de maturité. On retrouve à de nombreuses reprises ses réflexions personnelles à travers ses planches. Le Combat ordinaire, décrit ainsi l'évolution d'un photographe, de ses passions, de sa vie en générale. Jouant d'humour absurde, mais aussi de tristesse, voilà un auteur dont plus rien n'est à redire. Il a d'ailleurs reçu, en 2004, le prix du meilleur album pour son œuvre le combat ordinaire.
L’histoire : quant à BLAST... Ce roman graphique reprend le fils d'autres de ses BD. Il se sert ici d'un personnage en parti banal, sans pouvoirs, sans envies particulières – au début tout du moins. Ce personnage, il l'appelle Polza Mancini, un homme d'origine Russe. C'est un écrivain. C'est symbolique d'être écrivain, paraît-il. Ouais, mais non. Polza, lui, écrit des livres de recettes de cuisine.
Il est mystérieux, obèse, dégoûtant... Mais surtout en prison. C'est comme ça que commence BLAST. Avec Polza en prison. Pourquoi ? On ne sait pas trop. Il aurait commis un grave crime, un meurtre. Mais c'est juste là un prétexte pour qu'il puisse raconter sa vie, sa démarche.
Et sa démarche, quelle est-elle ? C'est le Blast. Littéralement un traumatisme causé par l'effet de souffle d'une explosion. Il l'a vécut cherche à le revivre encore et encore. Ces brefs moments sont dès lors propices à insérer quelques couleurs dans ces 200 pages aux nuances de noir et de blanc.
Un peu de couleur dans une BD en noir et blanc ...
Racontant alors son histoire, Polza nous entraîne à travers sa rétrospection, mêlant des scènes urbaines, à d'autres plus mystiques en passant par des décors foisonnant de végétation. Le tout étant de savoir, sur quelles mesures ces paysages sont importants ?
I] Un air cinématographique
Une unique planche pour démarrer la première page du livre. Un décor. Un paysage en fait.
La première page de Blast
C'est comme cela que l'on entre dans l'univers de BLAST. Dans un style monochrome, à l'encre de chine, on trouve un premier paysage, type portrait. Un décor tout à fait urbain, par sa lignée de grattes-ciel, qui parvient ridiculement à remplir un douzième de la page. Le trait est ondulé, esquissé, donnant un aspect rachitique à ces immeubles. Le ciel lui, n'est qu'un amas nuageux, épongé et formant une large nuance de gris, semblant tristement représenter la pollution urbaine. On remarquera très vite, l'essence défaitiste des décors urbains. Toujours surplombés d'un ciel sombre, ils sont tout à fait représentatifs du négativisme de Polza.
Mais plus que des représentations mentales de notre protagoniste, ces paysages sont des prétextes transitifs. C'est une page, un plan, pour marquer le passage entre le présent, où Polza est en prison, et celui qui suit, où se déroule l'histoire qu'il conte. On pourrait dès lors faire une sorte de parallélisme entre ce roman graphique et les rushs d'un film : chaque plan semble alors avoir été travaillé, comme un story-board, dont les planches collées l'une aux autres, donneraient la trame générales de l'histoire.
Plan général ou plan d'ensemble, on a de plus, par ces paysages, des rappels des photographies monochromatiques de Michel Cesconetto …
Voilà une photo de Michel Cesconetto
et voilà une planche de Blast
II] L'inspiration à la réflexion :
Tout cela inscrit notre protagoniste dans la solitude, car « le silence comme la solitude sont des inventions poétiques... Il suffit d'une nuit allongée sur le sol de la forêt pour s'en convaincre ! », dit-il même, au cour d'une nuit à la belle étoile.
De larges planches de végétation nous apparaissent de nouveau. Dessus découlent les airs intemporels, d'une nature qui ne se modifie pas. Elles contrastent avec la profonde forêt, dont la noirceur nous suggère la densité. C'est là, une longue marche invitant à la réflexion. Le décor végétal s'y prête tout à faire, comme la ballade champêtre de Rousseau.
Dans un second temps, on a une autre sorte de ''décor'' : les imposantes statues, venues droit de l'île de Pâques (comme le montre la couverture de la BD, cf photo ci-dessus). Elles sont naturellement entourées de mystères et de mythes. Leur apparition dans BLAST, renforce ainsi l'aspect mystique des choses, tout en continuant à faire jouer l'esprit du lecteur, par la massivité qu'elles prennent dans les pages.
Elles ne sont pas anodines en effet, dévorant la quasi-totalité de la page où elles se dessinent. Un effet de contraste vient renforcer leur présence, par la teinte saturée dont elles sont imprégnées et le décor grisé qui les entourent.
C'est de cette manière que l'on voit la touche personnelle de Larcenet. Dans ses BD, il crée un monde à part, s'ancrant pourtant dans un décor tout à faire réel et simple. Les lieux peuvent facilement se mêler à d'autres de notre connaissance.
De plus, par la réalisation rappelant le story-board d'un film, on ne peut que se figurer la probabilité qu'une telle histoire arrive près de chez nous. Le « et si... » nous vient sans problème à l'esprit. Et c'est peut-être ça, le plus prenant dans BLAST.
Avis :BLAST est catalogué comme ma BD ou roman graphique préféré. Le style monochromatique m'a très vite charmé, au même titre que les personnages, dont le physique est loin d'être sublimé. L'histoire, prenant un meurtre comme prétexte pour une immersion dans le mental de Polza, est si bien manié, qu'on finit par s'attacher à cet obèse recherchant le Blast. Son histoire nous fascine, sa drôle de morale aussi et l'on dévore sans perdre de temps, les 200 pages composant la BD.
Je ne saurais que trop vous conseiller de jeter également un œil à une autre de ses BD : Le combat ordinaire, au style graphique, certes, différent, mais dont l'histoire se rapproche de BLAST, par son travail sur la vision de l'Homme.
Blast : 4 tomes prévus. Le second, déjà sorti, a pour sous-titre L'apocalypse selon Saint Jacky
Possible adaptation de BLAST au cinéma … à suivre …
Source : Site de Manu Larcenet : www.manularcenet.com