Mobilités …

Vous auriez fait comment vous ? Moi, quand j’ai annoncé le sujet du concours photo à mes élèves, je ne savais pas ce que ça allait donner. Je veux dire, je ne savais pas trop quelle photo j’aurais pu faire si j’avais dû participer moi-même au concours, ni comment les conseiller. On avait bien repéré, en classe puis sur le terrain, des formes, des lieux, des usages de la mobilité, mais de là à faire une photo …. Et quand une de mes élève m’a demandé si elle pouvait photographier un oiseau, j’ai carrément douté. Mon interrogation était autant de nature épistémologique (la mobilité, c’est quoi ?) que pratique (comment faire une photographie ?). Pourtant, ce n’était pas la première fois que je lançais des élèves sur ce concours[1]. J’en suis même une des initiatrices. Mais chaque année c’est le même questionnement qui recommence. Je crois que je me suis dit à ce moment-là que tant pis, on verrait bien.

Mobilités ?

Mon collègue Jean-Baptiste m’avait prévenu quand j’avais annoncé le thème en septembre : “tu vas avoir plein de photos d’abribus“… et de fait, les photos que mes élèves m’ont rendues, au retour des vacances de la Toussaint, étaient très descriptives, se focalisant sur un lieu de la mobilité, comme l’abribus prédit par mon collègue, un carrefour, une quatre-voies, un pont ; ou encore une forme de la mobilité, photographiant des vélibs, des voitures, des bus. D’autres ont tenté d’associer l’un et l’autre, pour en montrer le plus possible ; bus, vélos, voitures, camions, péniches se pressent alors sur une 4 voies – ou sur la Seine selon-, photographiés en surplomb depuis un pont. Les notes d’intention viennent alors redoubler, de manière redondante, cette énumération, avec une description de la photo par plan : “au premier plan, on voit une péniche, à l’arrière plan ...” ou de gauche à droite : “cette photo présente de gauche à droite : un passage aménagé à travers les bâtiments, une bouche de métro, une avenue à plusieurs voies qui conduit à un tunnel ( seulement l’entrée est visible ), et une place haute typique de l’architecture de dalle de 1970“.

Quelques photographies cependant faisaient écart à cette norme : pour certaines, le point de vue était plus personnel, prises depuis un vélo, depuis la voiture, ou au milieu de la circulation, permettant au spectateur de s’identifier. Dans les notes d’intention, l’élève parlait de lui, de son usage de la mobilité, de conflits d’usage. L’élève usager devenait parfois l’élève citoyen, s’insurgeant, critiquant, proposant des solutions d’avenir, et mobilisant alors, souvent maladroitement, la notion de développement durable. Et aussi cette photo, qui finalement sera celle choisie par la classe pour la représenter, celle de Diane. On y voit un pan du mur des anciennes usines Renault. En dessous, une voiture Renault qui passe. Ce titre : “Renault, une tradition en mouvement“. Le texte nous rappelle le destin de ces usines Renault de Boulogne Billancourt, précurseurs déchus d’une nouvelle forme de mobilité, l’automobile.

Enfin le 15 décembre est arrivé … et avec lui les photos des autres classes participantes. J’ai alors pu voir la diversité des réponses apportées, chacun présentant un éclairage différent sur la mobilité. A Boulogne Billancourt, où se trouve mon lycée, beaucoup d’élèves avaient fait le choix de montrer le maximum de mobilités … normal elles y sont toutes ! Aux portes de Paris, ce territoire est à la fois hyper-équipé, bus, métro, voies rapides, et traversé, lieu de vie pour certains, lieu de passage pour d’autres. Mais ailleurs, c’est la nationale qu’on montre, les migrations pendulaires, le chassé croisé des voitures le soir ou le matin. Ce sont les lignes hautes tensions, qui partagent le territoire en deux. Ce sont les gares, cordon ombilical de la banlieue avec Paris. Ce sont des horloges, symboles de ce temps qui nous est compté, de nos mobilités pressées quand le prochain train ne passe que 35 mn après … Et voilà, 63 photographies réalisées, autant de classes participantes, provenant de 29 communes différentes de l’Académie et de Versailles et autant de réponses situées sur un territoire. Et même un intrus, qui nous montre les mobilités à Amsterdam. Et ça détonne.

Mobilités ?

Je sais maintenant comment j’aurais pu faire. Bravo les élèves … et les collègues … et parfois aussi un peu les parents. Et à vous, bon voyage en GéoPhotoGraphie

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