Le plus long procès jamais intenté par un esclave à son maître
Par webmestre le 14 mai 2013, 00:00 - Critiques d'ouvrages - Lien permanent
Une critique de l'Affaire de l'esclave Furcy, par Baptiste G. (élève de seconde 6).
C'est le 16 mars 2005 que Mohammed Aïssaoui prit connaissance du plus long procès jamais intenté par un esclave à son maître. C'est ce jour-là que l'Etat acheta les archives de l'Affaire de l'esclave Furcy pour 2100 euros. Mohammed Aïssaoui a été vraiment surpris qu'aussi peu de gens s'y intéressent alors que c'est une période encore aujourd'hui pleine de mystères, et que l'on a vraiment très peu de témoignages écrits par des esclaves. "L'histoire de l'esclavage est une histoire sans archives". Il y avait des centaines de documents, non seulement des archives, mais aussi des lettres manuscrites, des plaidoiries et des comptes rendus d'audiences. C'est alors qu'il entama une longue et minutieuse enquête de 4 ans, pour comprendre ce qui s'est passé.
"Je me nomme Furcy. Je suis né libre dans la maison Routier, fils de Madeleine, Indienne libre, alors au service de cette famille. Je suis retenu à titre d'esclave chez monsieur Lory, gendre de madame Routier. Je réclame ma liberté: voici mes papiers". Voilà comment débuta cette histoire, l'histoire d'un esclave qui tenant la Déclaration des Droits de l'Homme dans sa main, réclame ses droits et sa liberté. "On ne naît pas libre, on le devient". Aidé du procureur et de son substitut, il mena un combat acharné contre les esclavagistes, un combat qui dura 27 ans.
Ce qui est remarquable dans la personnalité de Furcy, c'est sa détermination et son calme. Il a attaqué son maître malgré la loi régie par le Code Noir : un esclave n'avait pas le droit d'assigner son maître en justice. Et il a continué de lutter en dépit des multiples renvois d'audience, des emprisonnements et de son exil sur l'île Maurice. Ce qui se joue dans l'Affaire Furcy, c'est en effet, au-delà de son cas personnel, l'avenir de l'économie de l'île. Étonnamment, en plus des esclavagistes, certains esclaves étaient contre Furcy et contre l'abolition de l'esclavage. "Nous sommes bien avec nos maîtres", criaient certains d'entre eux.
Ce qui est choquant, c'est ce statut de bien, de meuble qu'avaient les esclaves, et ce juridiquement. Contrairement à ce qu'on pourrait croire, tous les esclaves n'étaient pas noirs, et tous les esclavagistes blancs (Furcy était lui-même indien). Certains esclavagistes étaient noirs. Après tout, après avoir été affranchi, les premières aspirations d'un esclave pouvaient être d'en posséder à son tour. Noirs et blancs pouvaient participer aux battues, pour "récupérer" et généralement tuer ces "marrons". Récupérer et pas ramener car ils étaient considérés comme des marchandises.
Mohammed Aïssaoui a été vraiment objectif et honnête. Il essaie de ne pas prendre parti et de ne pas juger les gens. Il éprouve de l'humilité face au combat de Furcy. En nous révélant chronologiquement les événements de l'affaire, il nous confie les questions qu'il s'est posé aux différents moments de l'enquête. Il essaie aussi bien de comprendre les motivations des esclavagistes (comment aurait-il agi dans les mêmes conditions, à la même époque ?) que celles de Furcy. "Je n'ai pas encore compris ce qui pousse un homme à vouloir s'affranchir. Qu'est-ce qu'on est prêt à sacrifier pour la liberté, quand on n'en connaît pas le goût ?").
C'est tout simplement parce que Furcy ne menait pas ce combat uniquement pour lui, mais également pour le procureur Boucher et son substitut Sully-Brunet qui l'ont aidé durant tout ce temps, et à qui il se sentait redevable. C'était aussi pour les autres esclaves. Il savait que c'était un combat important qui était regardé de tous sur l'île, voire au-delà.