L’idée de cette séquence est née de la volonté de créer du lien avec un projet danse et rap mené cette année avec la classe de seconde 1. Ce projet à d’emblée été pensé pour être interdisciplinaire, il à été initié par Mme Magagnosc, professeure d’EPS, et entre en résonance avec le projet Erasmus+ conduit également dans cette classe en espagnol autour de la thématique des “Bibliothèques humaines”. En effet à travers le rap et la danse les élèves seront invités à parler d’eux-mêmes et des sujets qui leur tiennent à cœur car ils sont partie prenante d’une vaste “Bibliothèque humaine” construite et partagée avec les correspondants européens. Les élèves travaillent donc avec deux intervenants de l’association “DKbel” qui vont les accompagner tout au long de l’année. Nous avons donc voulu inscrire le travail sur le rap et la danse dans un contexte historique et culturel en retraçant quelques aspects des cultures urbaines aux États-Unis. L’objectif est également de permettre aux élèves de travailler sur la culture rap en anglais et espagnol afin d’intégrer ces langues au rap qu'ils vont écrire et interpréter.

Les objectifs de cette séquence interlangue sont donc disciplinaires et transversaux. ll s’agit bien sûr de travailler avec les élèves sur l’oralité et la prononciation mais aussi de revoir les temps du passé en anglais et en espagnol en étudiant l’histoire des cultures urbaines aux Etats-Unis. Nos séquences s’inscrivent dans les axes du programme de seconde “le passé dans le présent” et “l’art et la création”. Nous avons aussi voulu mettre l’accent sur des compétences comme la créativité et la faculté à travailler en équipe.

La séance initiale : l’étude d’un poème chicano

Nous avons voulu surprendre nos élèves en les accueillant dès le premier cours (après une première heure de présentation générale de l’année) en co-animation. Nous avons choisi de travailler sur le fameux poème “She” de Sergio Elizondo qui est un texte emblématique de la culture chicana. Notre intention était de montrer aux élèves que les langues sont un matériau sensible avec lequel on peut “jouer” pour exprimer sa sensibilité et son identité. En effet dans ce poème l’inventivité est à l’honneur avec un mélange d’anglais et d’espagnol qui invite les élèves à ne pas avoir peur de manipuler les langues d’une manière moins conventionnelle. En effet bien que la rigueur soit de mise, il est important aussi de les déculpabiliser vis-à-vis de l’erreur en langue vivante afin qu’ils s’autorisent davantage à s’exprimer. La première activité que nous avons proposée aux élèves a été une lecture à haute voix du poème en petits groupes sans leur signaler sa particularité afin de ménager un effet de surprise. Nous leur avons demandé ensuite de présenter leur lecture en soignant la prononciation puis nous avons attendu leurs réactions. Ils ont bien sûr été étonnés par cet entremêlement de langues et nous avons alors pu les embarquer dans l’analyse. Nous avons étudié les verbes du poème pour les amener à identifier les deux univers du “je” poétique. Nous avons réalisé un tableau en deux parties pour relever les verbes en anglais et les verbes en espagnol afin d’amorcer l’analyse. Les élèves ont constaté que les verbes en espagnol relevaient de la sphère de l’intime tandis que les verbes en anglais renvoyaient à l’univers extérieur, du travail, de la vie en ville etc. Le travail sur les verbes en anglais s’est réalisé en anglais avec M. Perrot tandis que j'ai pris en charge l’analyse des verbes en espagnol. Les élèves se sont ainsi habitués à passer d’une langue à l’autre ce qui a pu rendre plus vivante et motivante l’approche de la langue pour ce premier cours de l’année. Après cette première activité, nous leur avons proposé un petit jeu de vocabulaire en leur demandant de relever tous les verbes du poème et de les traduire dans l’autre langue. Ces verbes étant tous des verbes d’action très courants, cela a permis une révision rapide du vocabulaire de base. Nous avons compté les points en fonction de la rapidité à réaliser l’activité et de la justesse des traductions pour rendre l’exercice plus ludique.

Le déroulement de la séquence dans les cours d’anglais et d’espagnol

À l’issue de cette séance introductive, chaque enseignant a mené sa séquence sur son propre cours avec l’objectif de se retrouver sur une séance finale en co-animation. En anglais la séquence a porté sur le hip-hop et le quartier du Bronx : − Histoire des Afro-Américains et de la culture hip hop dans le Bronx (années 70) − Étude d’une chanson de Grandmaster Flash intitulée ‘The Message’ et de photographies des premiers groupes de rap et d’artistes de rue

En espagnol les élèves ont étudié la culture chicana : − Histoire des chicanos − Expressions artistiques de la culture chicana : poésie, fresques urbaines, rap chicano

La séquence est accessible sur le blog d’espagnol : Cultura chicana

La séance finale : l’organisation d’une "battle" de rap en anglais, espagnol et spanglish

En construisant notre séquence interlangue dès le mois de juin nous avions prévu de réaliser une séance finale en co-animation qui permettrait aux élèves d’écrire et d’interpréter un rap en anglais et espagnol. Pris par le temps, nous avons réduit nos ambitions à la baisse et finalement nous avons finalement imaginé une battle de rap plus modeste. Nous avons travaillé sur deux heures en co-intervention en proposant des activités récapitulatives afin de dresser un bilan de ce que les élèves avaient appris sur la première heure et en consacrant la deuxième heure à la battle. Nous avons accueilli les élèves en leur demandant de former 8 équipes de 4 ou 5 élèves. Les deux activités de bilan avaient été réalisées avec le site Learning Apps. Il s’agissait d’abord de situer sur une carte des Etats-Unis les différents éléments culturels ou historiques étudiés en cours d’anglais ou d’espagnol, puis nous leur avons demandé de replacer certains éléments sur une frise chronologique. Ces deux activités nous ont permis de recontextualiser ce qui avait été étudié dans les deux cours et de tisser des liens qui n’avaient sans doute pas été faits par les élèves les plus fragiles. Après un temps de réalisation en petits groupes des exercices interactifs nous avons fait venir au tableau deux équipes prêtes à relever le défi. Afin d’ajouter un peu d’émulation positive, nous avons annoncé qu’elles gagnaient 5 points sur le score final de la battle si toutes leurs réponses étaient correctes mais en perdaient 3 si elles commettaient une seule erreur.

Sur la deuxième heure de cours nous avons organisé la battle. Nous avons tiré au sort les équipes qui allaient “s’affronter” et les contraintes de chaque battle (mot / langue / forme), puis nous leur avons laissé 7mn pour préparer leur court rap (une phrase par élève). Nous avons distribué des fiches d’évaluation à chaque “battle” pour que le reste des élèves compte les points. Ces grilles permettaient d’évaluer le respect des contraintes, le niveau d’expression, la créativité et la capacité à travailler en équipe. Un élève se chargeait de récupérer les fiches et de compter les points qui étaient projetés au tableau. L’équipe gagnante est celle qui a remporté le maximum de points. En tant qu'enseignants nous avons utilisé une grille d’évaluation similaire pour évaluer la capacité à réutiliser du vocabulaire et des structures grammaticales vus dans nos deux disciplines. Après un premier moment d’étonnement de quelques équipes face aux contraintes tirées au sort, les élèves ont adhéré et tous sont venus présenter leur rap malgré la timidité de certains. Pour améliorer cette séance, il aurait fallu pouvoir retravailler l’intonation et la prononciation mais le temps nous a manqué. Nous espérons qu’il sera possible de retravailler ces textes très inventifs pour certains dans le cadre des séances de travail avec notre intervenant rap.

L’organisation de cette séance a donc nécessité des outils numériques comme on peut le voir sur le blog d’espagnol : Batalla final de RAP en inglés, español o spanglish

Un exemple de production à partir des contraintes “unfair” et “spanglish” :

La vida is unfair, hay so many inequalities en el mundo

Nosotros are grateful but I’m sad for otras personas que tienen a life very difícil

I’m lucky for having a house porque no todos la tienen, es injusto

Yo tengo agua, there are people that do not have, it’s unfair