26 mars 2009

L'écriture ou la vie

Jorge Semprun est passé par Buchenwald.

Ça me fait toujours froid dans le dos, cette persistance de l'ironie des mots. Evidemment, non, Buchenwald ne veut pas dire forêt des Livres, comme je le croyais quand j'étais petite, mais de cette forêt des souvenirs, très douloureux, tout de même, émerge un livre.

C'est de celui là que je voudrais parler.

Pour étudier l'émergence d'un acte d'écrire fort, qui essaie de dire l'indicible, dans cette difficile anamnèse qu'est la découverte de celui qu'on a été avant, il faut ouvrir ce livre. On n'en sort pas indemne, non. Mais on se souviendra que le mal radical n'a pas besoin d'êtres d'exception pour exister: il se nourrit du banal, de l'ordinaire.

Malheureusement, le bourreau est un être ordinaire. Mais l'absence de limites qu'il se donnerait à lui-même fait qu'il en impose aux autres: et elles sont à la mesure de l'absence qu'il se donne, c'est donc la démesure des deux côtés.

Il faut s'en souvenir aujourd'hui, parce qu'aujourd'hui, on sait se regarder, mais on oublie de regarder l'autre. On nous apprend à nous agiter, à nous préoccuper de nous, exclusivement de nous.

Savons-nous encore ce mot: un frère?

Jorge Semprun réussit ce pari admirable de nous dire les choses en filigrane, et surtout, il nous dit que la pire des choses, c'est cela: ce regard qui perd de vue l'autre, et qui pourtant, est le seul indice de notre humanité. Si je regarde, l'autre ne m'est plus indifférent.

N'oublions pas de regarder. C'est urgent.

05 février 2009

Jules Vallès

Le débat se fait de plus en plus âpre autour de l'école et des acteurs de l'enfance. On se dira, pour mémoire, que ce débat était aussi celui de l'autre siècle, avec Vallès et Hugo, et d'autres encore.

L'enfant de Jules Vallès s'écrit avec efficacité, l'humour toujours à la plume. L'enfance du narrateur est triste, à force de malentendus et d'incompréhensions, entre une mère qui aime en dévorant, parfois jusqu'à la violence, son enfant, et un père qui fuit cette folcoche attendrissante, pourtant, quelquefois... Et l'école? Elle n'est pas que pourvoyeuse de cothurnes, mais elle renvoie aussi le narrateur à sa pauvreté, et à ce qu'il cherche à fuir, puisqu'elle l'exclut un temps, jusqu'à ce que la littérature l'en délivre... On pourrait dire aussi que c'est l'école qui a ouvert une porte vers ce monde inconnu du narrateur, et qu'à ce titre, elle mérite qu'on se souvienne d'elle et qu'on la traite avec respect.

09 octobre 2008

My First Sony

Le titre est anglais, le texte est français, l'humour est piquant, l'histoire est internationale, mais se passe en Israël...

Yotam enregistre tout sur son petit magnétophone Sony. La vie qui passe, à commencer par celle de ses parents, plutôt déglinguée, les récits des uns et des autres, très pittoresques, toutes les histoires qu'on raconte en famille et ailleurs sur l'amour, la religion, la politique, la guerre d'hier et d'aujourd'hui, la Shoah, les luttes, l'immigration, l'exil...

Et c'est toute la société qui défile dans un tourbillon aussi drôle qu'époustouflant!

Toutes ces choses qu'on ne s'est pas dites...

Le titre m'a tout d'abord posé un problème grammatical encore non résolu à ce jour (merci à tous ceux qui voudront bien m'éclairer sur ce point!)...Je me suis alors intéressée à la quatrième de couverture, et ma curiosité a été piquée... De fil en aiguille, ou plutôt de page en page, je suis entrée dans le jeu de Marc Lévy, et me suis laissée surprendre par une fin déroutante et inattendue...

Julia reçoit quelques jours avant son mariage un coup de fil du secrétaire particulier de son père: comme elle l'avait pressenti, son père -homme d'affaires brillant, mais père distant -ne pourra pas assister à la cérémonie.

Mais pour une fois, Julia reconnaît qu'il a une excuse irréprochable: il est mort.

Le lendemain de l'enterrement, Julia découvre que son père lui avait réservé une autre surprise, qui sera sans doute le voyage le plus extraordinaire de sa vie, et peut-être pour l'un comme pour l'autre, l'occasion de se dire, enfin, toutes les choses qu'ils ne se sont pas dites...

C'est l'histoire de la relation, qui oscille entre joie, colère, humour et tendresse entre un père et sa fille. Et c'est aussi dans le lointain voyage qu'entreprend Julia, le retour du premier amour, celui qui ne meurt jamais...

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