Critique de livre

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18 décembre 2009

Le cercle littéraire des amateurs d'épluchures de patates. Mary Ann Shaffer.

Ce titre - tout un programme! - donne le ton du roman: amusant, sans prétention, qui traite de littérature, sans en faire le panégyrique dithyrambique. La littérature n'est parfois, dans le roman, qu'une compensation à cette nourriture qui manque en temps de guerre, mais toujours elle sauve par le rire et l'élévation de l'esprit. L'auteur ne ménage pas trop ses personnages, ni les livres, mais ils sont attachants: les uns cherchent l'amour, les autres l'héroïsme, tandis que certains étonnent par leur médiocrité. Mais c'est la vie à Guernesey pendant la seconde guerre mondiale, et il faut reconnaître que la méchanceté, bien souvent, n'est qu'une grande lâcheté mal assumée. Le rire et l'humour de la narratrice rachètent tout.

10 décembre 2009

Le testament de Sherlock Holmes

A la mort de Sherlock Holmes, le docteur Watson est convoqué chez le notaire pour la lecture du testament du célèbre détective, un document relatant sa dernière enquête non élucidée. C'est donc dans le huis clos que constitue le bureau du notaire que va se dénouer l'intrigue.
 On a plaisir à retrouver tous les personnages de Conan Doyle (le peu perspicace inspecteur Lestrade, Mycroft Holmes, le frêre de Sherlock), et l'ambiance glauque de l'Angleterre victorienne est très bien rendue. Le suspense est entretenu jusqu'au dernier moment, mais il faut avoir le coeur bien accroché pour affronter la violence des crimes plutôt sanguinolents...

26 mars 2009

L'écriture ou la vie

Jorge Semprun est passé par Buchenwald.

Ça me fait toujours froid dans le dos, cette persistance de l'ironie des mots. Evidemment, non, Buchenwald ne veut pas dire forêt des Livres, comme je le croyais quand j'étais petite, mais de cette forêt des souvenirs, très douloureux, tout de même, émerge un livre.

C'est de celui là que je voudrais parler.

Pour étudier l'émergence d'un acte d'écrire fort, qui essaie de dire l'indicible, dans cette difficile anamnèse qu'est la découverte de celui qu'on a été avant, il faut ouvrir ce livre. On n'en sort pas indemne, non. Mais on se souviendra que le mal radical n'a pas besoin d'êtres d'exception pour exister: il se nourrit du banal, de l'ordinaire.

Malheureusement, le bourreau est un être ordinaire. Mais l'absence de limites qu'il se donnerait à lui-même fait qu'il en impose aux autres: et elles sont à la mesure de l'absence qu'il se donne, c'est donc la démesure des deux côtés.

Il faut s'en souvenir aujourd'hui, parce qu'aujourd'hui, on sait se regarder, mais on oublie de regarder l'autre. On nous apprend à nous agiter, à nous préoccuper de nous, exclusivement de nous.

Savons-nous encore ce mot: un frère?

Jorge Semprun réussit ce pari admirable de nous dire les choses en filigrane, et surtout, il nous dit que la pire des choses, c'est cela: ce regard qui perd de vue l'autre, et qui pourtant, est le seul indice de notre humanité. Si je regarde, l'autre ne m'est plus indifférent.

N'oublions pas de regarder. C'est urgent.

05 février 2009

Jules Vallès

Le débat se fait de plus en plus âpre autour de l'école et des acteurs de l'enfance. On se dira, pour mémoire, que ce débat était aussi celui de l'autre siècle, avec Vallès et Hugo, et d'autres encore.

L'enfant de Jules Vallès s'écrit avec efficacité, l'humour toujours à la plume. L'enfance du narrateur est triste, à force de malentendus et d'incompréhensions, entre une mère qui aime en dévorant, parfois jusqu'à la violence, son enfant, et un père qui fuit cette folcoche attendrissante, pourtant, quelquefois... Et l'école? Elle n'est pas que pourvoyeuse de cothurnes, mais elle renvoie aussi le narrateur à sa pauvreté, et à ce qu'il cherche à fuir, puisqu'elle l'exclut un temps, jusqu'à ce que la littérature l'en délivre... On pourrait dire aussi que c'est l'école qui a ouvert une porte vers ce monde inconnu du narrateur, et qu'à ce titre, elle mérite qu'on se souvienne d'elle et qu'on la traite avec respect.

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