Critique de livre

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09 octobre 2008

My First Sony

Le titre est anglais, le texte est français, l'humour est piquant, l'histoire est internationale, mais se passe en Israël...

Yotam enregistre tout sur son petit magnétophone Sony. La vie qui passe, à commencer par celle de ses parents, plutôt déglinguée, les récits des uns et des autres, très pittoresques, toutes les histoires qu'on raconte en famille et ailleurs sur l'amour, la religion, la politique, la guerre d'hier et d'aujourd'hui, la Shoah, les luttes, l'immigration, l'exil...

Et c'est toute la société qui défile dans un tourbillon aussi drôle qu'époustouflant!

Toutes ces choses qu'on ne s'est pas dites...

Le titre m'a tout d'abord posé un problème grammatical encore non résolu à ce jour (merci à tous ceux qui voudront bien m'éclairer sur ce point!)...Je me suis alors intéressée à la quatrième de couverture, et ma curiosité a été piquée... De fil en aiguille, ou plutôt de page en page, je suis entrée dans le jeu de Marc Lévy, et me suis laissée surprendre par une fin déroutante et inattendue...

Julia reçoit quelques jours avant son mariage un coup de fil du secrétaire particulier de son père: comme elle l'avait pressenti, son père -homme d'affaires brillant, mais père distant -ne pourra pas assister à la cérémonie.

Mais pour une fois, Julia reconnaît qu'il a une excuse irréprochable: il est mort.

Le lendemain de l'enterrement, Julia découvre que son père lui avait réservé une autre surprise, qui sera sans doute le voyage le plus extraordinaire de sa vie, et peut-être pour l'un comme pour l'autre, l'occasion de se dire, enfin, toutes les choses qu'ils ne se sont pas dites...

C'est l'histoire de la relation, qui oscille entre joie, colère, humour et tendresse entre un père et sa fille. Et c'est aussi dans le lointain voyage qu'entreprend Julia, le retour du premier amour, celui qui ne meurt jamais...

18 avril 2008

East of Eden

A l'est d'Eden, on y pense longtemps après l'avoir refermé. D'abord parce qu'il est écrit dans un anglais ample, magnifique, et surtout parce qu'il est écrit avec ce qui en l'homme est intemporel. Il est écrit comme le serait l'âme si elle était un livre.

Il s'agit de l'histoire parallèle puis commune de deux familles aux État-Unis entre la fin du XIXè siècle et le début du XXè siècle (première Guerre mondiale). Il y a les Trask dans l'Est, au Connecticut et les Hamilton, immigrants irlandais, dans l'Ouest, dans la vallée de Salinas en Californie (près de San Francisco).

C'est une grande fresque familiale, de génération en génération. Les personnages doivent affronter en eux leur propre fragilité, et surtout leur penchant au mal. La dichotomie du bien et du mal qu'interroge Steinbeck dans son roman s'enracine dans le récit de la Genèse avec la lutte fratricide entre Abel et Caïn, lutte reprise ici entre frères de deux générations différentes: Adam et Charles d'abord, puis Aron et Caleb, les fils d'Adam.

Le style de Steinbeck est inimitable, et la force de ce roman réside dans l'humanité des personnages, qui sont tous en définitive en quête profonde d'amour. Le personnage le moins manichéen de l'histoire, Caleb, est aussi le plus attachant.

Mais de grâce! Lisez-le en Anglais, c'est tellement mieux!

18 mars 2008

La Vie devant soi (et l'élégance du Hérisson)

Ce sont des livres qui posent le décalage des générations, non sur le mode de la confrontation et de l'incompréhension, mais comme une bizarre alchimie qui fonctionne bien. Dans la vie devant soi, Romain Gary évoque l'improbable rencontre entre Momo, petit garçon arabe avec Madame Rosa, qui l'a recueilli. Chez Madame Rosa, tous les enfants sont sans père, et s'appellent Moïse ou Banania". Momo raconte avec sensibilité à la fois l'âge, mais aussi la différence: Madame Rosa est juive, il est arabe, mais c'est la seule mère qu'il a au monde et il l'aime de tout son coeur. La phrase de Gary est tordue à dessein, pour mieux faire jaillir à la fois le rire, l'innocence de l'enfant, mais aussi l'absurde de leurs existences amusantes et bancales. Ici un extrait pour savourer la prose inimitable de Gary/Ajar:

" Je m'appelle Mohammed mais tout le monde m'appelle Momo pour faire plus petit. Pendant longtemps je n'ai pas su que j'étais arabe parce que personne ne m'insultait. On me l'a seulement appris à l'école.

La première chose que je peux vous dire c'est qu'on habitait au sixième à pied et que pour Madame Rosa, avec tous ces kilos qu'elle portait sur elle et seulement deux jambes, c'était une vraie source de vie quotidienne, avec tous les soucis et les peines. Elle nous le rappelait chaque fois qu'elle ne se plaignait pas d'autre part, car elle était également juive. Sa santé n'était pas bonne non plus et je peux vous dire aussi dès le début que c'était une femme qui aurait mérité un ascenseur.

Madame Rosa était née en Pologne comme Juive mais elle s'était défendue au Maroc et en Algérie pendant plusieurs années et elle savait l'arabe comme vous et moi. Je devais avoir trois ans quand j'ai vu Madame Rosa pour la première fois. Au début je ne savais pas que Madame Rosa s'occupait de moi seulement pour toucher un mandat à la fin du mois. Quand je l'ai appris, ça m'a fait un coup de savoir que j'étais payé. Je croyais que Madame Rosa m'aimait pour rien et qu'on était quelqu'un l'un pour l'autre. J'en ai pleuré toute une nuit et c'était mon premier grand chagrin.

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