I)Cinéma Hong-Kong

Les deux genres principaux du cinéma populaire de HK (art martial) :

« Le cinéma de sabre» : équivalent du western.

« Le cinéma de Kung Fu (= à main nue)» (cf Bruce Lee)

à cinéma du geste, très chorégraphié. « Maître de combat » = chorégraphe. TO a pratiqué ces deux genres, dans certains films qui peuvent être violents aussi.

 a)Le corps masculin : construction du corps, de la technique, de la maîtrise du geste.



Extrait 1 : La 36ième chambre de Shaolin


http://www.dailymotion.com/video/x81nkl_entrainement-intensif-kung-fu-la-36_shortfilms

Liu Chia Liang (1978) avec Gordon Liu (qui joue dans Kill Bill 1 et 2) : scènes d’initiation aux différents gestes des arts martiaux. Les acteurs sont des pratiquants d’art martiaux mais aussi des danseurs.

Des scènes très chorégraphiées, par le geste, la musique. Un cinéma de l’apparence, de la grâce, du corps. Pas l’Actor’s Studio, pas de psychologie, Hollywod avant le nouvel Hollywood. Simon Yam.

Pas d’individualité dans cette scène : ils ont presque tous le même corps, et la même attitude, le même costume. L’individu doit disparaître derrière le caractère graphique du corps dans l’espace.

Dans Sparrow : à part Simon Yam, des monsieur tout le monde. De même dans Bresson : les comparses n’apparaissent d’abord que par leurs mains.

Art martial du corps (notamment pour le masculin). Chambre après chambre, on sculpte un corps masculin idéal. Mais dans lequel la force doit se diriger vers la précision.

b)Le corps féminin : l’art martial des étoffes

Du côté du féminin, soyeux, léger. Le corps peut s’alléger jusqu’à accomplir des prouesses presque fantastique. Beaucoup de « femmes d’épée » dans le cinéma de HK. Grande différence avec le cinéma américain. Quelques contre-exemples : Joan Crawford. Dans le western, la femme est reléguée à côté de l’action. Alors que, dès l’origine, les femmes se battent à égalité avec les hommes.

Extrait 2 : l’hirondelle d’or (1966)

https://www.youtube.com/watch?v=Ds3bpxi5WWs


King Hu, un cinéaste lettré qui adapte des classiques de la littérature d’aventure chinoise et maître dans l’art de la calligraphie. Les corps tracent des idéogrammes dans l’espace. Des films souvent drôles et légers (mais un peu vieillis).

L’hirondelle d’or s’enfuit parce qu’on voit son sous-vêtement rouge. Son compagnon qui, par ses interventions burlesques, désorganise les opposants. Son adversaire est maquillé, efféminé. A la femme combattante il faut opposer quelqu’un qui a de la féminité. Ici la féminité n’est pas une faiblesse mais une force, un réservoir de gestes aériens.

Sparrow : l’oiseau qui est le symbole de la femme. Drame : il est enfermé, parce qu’on lui a pris son passeport, il est rivé au sol. Cf citation de Kleist sur les « poupées » (= les marionnettes à fil), qui échappent à la pesanteur.

Dans le cinéma d’art martial, les personnages peuvent échapper à la pesanteur, sans que cela paraisse contraire à la logique.

Extrait 3 : « Dragon Gate Inn »

https://www.youtube.com/watch?v=ROgq19J3PRY

 Tsui Hark, avec Maggie Cheung. Deux femmes qui, dans un bain,  se battent pour se voler leurs vêtements, afin de se moquer l’une de l’autre. Erotisme à la chinoise. Belle scène. Film qui a l’air intéressant. 

Excursus Extrait 3 bis : The Grand Master Wong Kar Waï.

La scène du combat dans la gare.

https://www.youtube.com/watch?v=2Tk44p0tLlg

Combat entre homme et femme, entre deux gestuelles.

Les personnages blessés : non du sang, mais du rembourrage de leur parka, blanc comme la neige, et marionnettes.

Les mains vont avoir ici le premier rôle. Mains qu’il faut former, suivant un entrainement millénaire. La fin de la scène : « héritage » non d’argent, mais de gestes. Héritage qui est en train d’être perdu, qui est resté dans les montagnes (= en Chine Populaire) ; le lien direct est brisé avec la tradition.

Relation amoureuse qui s’exprime uniquement par le combat.

L’enjeu principal de Sparrow : le passeport (= possibilité de circuler librement en Chine).

Les cinéastes et les acteurs de HK savent faire une chorégraphie d’art martial (de même que les acteurs américains savaient monter à cheval pour le western).

Les acteurs français : déficit du geste, par contre très fort dans le dialogue et la psychologie (émotion, sentiment, langage).



 

II)L’influence du film d’action américain


L’influence du cinéma de gangster américain

Extrait 4 Brian de Palma la scène de la fusillade dans The Intouchables

https://www.youtube.com/watch?v=QJpRSf4q-hI&list=PL17C5C1337837800F&index=8


Extrait 5 La fusillade de The Mission

https://www.youtube.com/watch?v=AnqIC3IU3j8

Scène d’action, mais presque immobile. (cf aussi Hirondelle d’or : suspension d’une seconde après chaque corps blessé, pour calligraphier les corps.). Maîtrise des corps et de la gestion de l’espace (un supermarché de verre désert).

De même que Sparrow joue sur le plaisir et la séduction.

 

III)Le cinéma français vu par Johnnie TO dans Sparrow

TO filme HK suivant son fantasme du cinéma français.

 

a)L’influence directe de Bresson Pickpocket (1957) : la stylisation du réel

 Extrait 6 : la scène de la gare

https://www.youtube.com/watch?v=knaJd298xE0

Sparrow : cinéma très visuel, images de pickpocket qu’il faut décrypter. Pas cinéma psychologique. Chorégraphie des scènes de pick-pocket.

Comparaison Sparrow/Pickpocket Bresson. Dans les deux cas, un ballet fascinant. Johnnie To : un plan séquence. Pickpocket : un danseur qui doit rester invisible. Enrober sa victime, s’introduire à l’intérieur des vêtements. Art du corps et du geste. Un vol sans violence, avec douceur et délicatesse. Des scènes où le pickpocket s’entraîne.

 


 

b)L’influence de Melville : le jeu avec les codes du film noir pour faire passer une vision de la ville ou du monde moderne

 

Extrait 7  Bob le flambeur Melville (1955) : la séquence d'ouverture 

https://www.youtube.com/watch?v=4ZcsWnndeSk

 

Les plans documentaires sur Montmartre. Puis la jeune fille. La présentation de Bob. La rencontre manquée avec la jeune fille (qui représente sa jeunesse enfuie).

Portrait amoureux de Montmartre (le ciel et… l’enfer, Pigalle). Portrait amoureux de HK dans Sparrow. Des personnages amoureux de leur mode de vie. Scènes de repas où les personnages discutent de leur plan. Très fréquent dans le cinéma asie.

Amour cinéphile pour le cinéma français, mais il va y chercher un surcroit de légèreté. Une façon de briser les codes du film de genre, du polar, du cinéma policier. Le cinéma français a récupéré dans les années 60 les codes du film de genre américain, du film noir, mais pour en faire des récits erratiques, vagabondeurs, et c’est ça que va chercher J. TO.

Extrait 8 : Bande annonce du SamouraÏ

https://www.youtube.com/watch?v=Fs0XYssIlbo

TO très inspiré par Melville, le côté épuré du Samouraï (qui représente le cinéma français avec Les parapluies de Cherbourg). Alain Delon très populaire en Asie, dans les milieux cinéphiles, un modèle pour les acteurs. Parapluies : le modèle de l’élégance, du charme à la française.

Dans le Samouraï, le cinéastes HK retrouvent quelque chose de dépouillé de leur cinéma.

Comparaison fin Samouraï et la scène du supermarché de The mission (2004). Ce qui fascine TO : la froideur,  l’effet de surface du jeu de Delon, presque un mannequin de cire (qui rappelle Bresson). Effet hypnotique. Décor moderne de verre, de métal. Réduire les personnages à des poses, des postures.

 

c)Autre influence revendiquée :  Les Parapluies de Cherbourg de Jacques DEMY

Extrait 9 :  générique des « Parapluies ».

https://www.youtube.com/watch?v=3JS4JMY0JWM


TO va y chercher le caractère abstrait, presque expérimental, et musical. Stylisation du réel. Abstraction sentimentale, émotion qui naît de la musique et du ballet des parapluies. On peut atteindre à l’émotion sans passer par la psychologie ou le pathos, la tristesse des personnages.

 

d)Godard et la « nouvelle vague » : la liberté de ton, les ruptures, les expérimentations sur le son et l’image, les portraits de groupe et les femmes

Extrait 10: début de Une femme est une femme de GODARD. 

https://www.youtube.com/watch?v=iN8ZEAdNZsc

Dans le café, sur la musique d'Aznavour. Puis les rues de Paris prises sur le vif, dans un aspect documentarire mais avec un jeu très étonnant sur la bande-son. Puis l’arrivée de Anna Karina, son charme, son accent étranger, mais aussi son envie de s’enfuir.

 

Extrait 11 : La scène de danse dans le café de Bande à part de GODARD.

https://www.youtube.com/watch?v=u1MKUJN7vUk


Des cinémas à la recherche de la légèreté. Des personnages qui cherchent à échapper à l’ennui en se mettant à danser, reprennent avec désinvolture la comédie musicale américaine, mais aussi désinvolture du commentaire « psychologique » du narrateur en voix off.