Introduction : Qu’est-ce que le Western ?


Activité 1 : Donnez une liste de mots auxquels vous associez le Western puis proposez une définition.


Le Western, comme son nom l’indique, est un film sur l’Ouest, c’est-à-dire un film sur la conquête de l’Ouest par les pionniers américains au XIX° siècle. Partant de la côte Est des Etats-Unis, ils conquièrent petit à petit les territoires appartenant aux Amérindiens.
Le Western est donc un film historique évoquant un bref moment de l’histoire d’un pays. Pourtant, c’est devenu un genre à part entière et même l’un des mieux identifiés (cf. les images évoquées au début) et l’un de ceux qui a connu le plus de succès. Aux Etats-Unis, ce succès s’explique par le caractère mythique de l’Ouest pour les Américains. La conquête de l’Ouest est en effet l’un des mythes fondateurs du pays : alors que le début de l’histoire américaine (arrivée des premiers immigrants britanniques sur le Mayflower en 1620) est intrinsèquement lié à l’Europe, la conquête de l’Ouest permet de s’en détacher. Dans l’Ouest, tout est neuf, tout est à créer. Chacun part à égalité, chacun doit se débrouiller pour réussir et il n’y a plus de hiérarchies liées à la naissance. C’est la base du rêve américain, qui pousse 28 millions d’Européens à quitter l’Europe et rejoindre les Etats-Unis au XIX° siècle. Dans L'Importance de la frontière dans l'histoire américaine (1893), l'historien Frederick Jackson Turner soutient que l'épopée des pionniers a forgé l'identité même du peuple américain, son caractère à la fois démocratique, individualiste et violent.


I] Des origines à l’âge d’or du Western (1880-1960)

1) Les origines du Western (années 1880-1900)


Avant d’être un genre cinématographique, le Western est un divertissement. À partir des années 1880, le Far West est ainsi le thème de nombreux spectacles dont le célèbre Wild West Show de Buffalo Bill (1846-1917). La reproduction de l'Ouest est alors certes romancée, mais elle est aussi empreinte de réalité puisque nombre de ses acteurs y ont vécu une partie de leur vie : Buffalo Bill a été chasseur de bison et le chef indien Sitting Bull, héros de la résistance amérindienne aux Américains, participe au spectacle.

En 1900, le thème est populaire depuis longtemps et il devient naturellement une source d'inspiration pour les pionniers de l'industrie cinématographique. Le statut de premier western est accordé au Vol du Grand Rapide, réalisé par Edwin Stanton Porter et Wallace McCutcheon en 1903. Ce film de douze minutes montre l'attaque d'un train quatre hors-la-loi. Ces derniers s'emparent de l'argent en faisant sauter le coffre qu'il transportait, puis dévalisent les voyageurs et prennent la fuite. Poursuivis, ils sont tués et l'argent récupéré.


Activité 2 : visionnage du film
Le Vol du Grand Rapide (1903). Quels sont les deux types de plans utilisés par les réalisateurs ? Identifiez les quatre principales séquences du film.                          

https://www.youtube.com/watch?v=fjRkHjIxz5Y


Les réalisateurs ont utilisé deux plans distincts, caractérisés tous les deux par une caméra fixe avec un angle normal. La plupart des plans sont filmés en plan moyen et les personnages sont vus en pied. Une scène tranche radicalement avec les autres, la dernière, au cours de laquelle on voit Justus D. Barnes, filmé en plan rapproché (mi-poitrine) ouvrir le feu sur le public (en fait la caméra).

Les réalisateurs font se dérouler trois actions parallèles, que Marie-France Briselance et Jean-Claude Morin analysent ainsi dans leur Grammaire du cinéma :

« - Les bandits neutralisent le chef de gare, s’emparent du train, dévalisent le fourgon postal et les voyageurs, puis s’enfuient avec leur butin,

- La fille du chef de gare, qui vient lui porter son casse-croûte, le découvre ligoté, réussit à le délivrer et lui fait reprendre connaissance,

- Les rangers et leurs épouses font la fête.

Les trois actions se rejoignent lorsque les rangers, alertés par le chef de gare, se lancent à la poursuite des bandits, mais le cinéaste ne sait pas encore que si les actions parallèles se déroulent toujours dans des lieux différents, elles doivent aussi obligatoirement se dérouler dans le même temps. Or, Edwin Stanton Porter fait l’erreur de montrer chacune des trois actions dans son ordre de départ chronologique. Au lieu de se dérouler simultanément, les actions cumulent leur temps respectif, le temps supposé réel est en fait l’addition du temps des trois actions et quand les rangers se lancent à la poursuite des bandits, le spectateur sait déjà que ceux-ci sont en train de fuir depuis longtemps, qu’ils ont déjà une sérieuse avance. Il est alors tout à fait invraisemblable de les voir aussitôt rattrapés par les policiers, nous privant de tout effet de suspense. »[1]

 

 


2) Le Western muet (années 1900-1930)

 

Entre Le Vol du Grand Rapide et les années 1930, qui constituent l’âge d’or du Western, les films sont tous muets et deux acteurs s’affirment comme les stars du genre : Tom Mix (1880-1940) et William S. Hart (1864-1946). Le premier apparait dans plus de 300 films, essentiellement des Westerns, grâce auxquels il fait fortune (payé 350 dollars par semaine à ses débuts, il gagne en fin de carrière 17.000 dollars par semaine et devient l’un des acteurs les mieux payés. Champion de rodéo, cavalier hors pair, ses films jouent sur le côté spectaculaire sans s'attarder sur les sentiments. A l’inverse, William S. Hart est né dans l'Ouest et connait la région mieux que quiconque. Il tient profondément à ses valeurs et ses films sont empreints de sérieux et de réalisme.

 

                                                

Activité 3 : Comparaison de deux Western : Knight of the Trail (1915) de et avec William S. Hart, et Le Cheval de fer (1924) de John Ford. Quels éléments caractéristiques du Western retrouve-t-on sur les affiches des films et dans les extraits diffusés ? Sur le fond, à quoi les deux films s’intéressent-ils ?

                   

https://www.youtube.com/watch?v=g8a1pXVJjO4


https://www.youtube.com/watch?v=-yZk0ANu7CU


Le scénario du premier film tranche avec l’image traditionnelle que l’on a des Westerns : Jim Treen, un cowboy, a caché à sa fiancée Molly son passé de brigandage et de rapines. Lorsque celle-ci l'apprend, folle de colère, elle se décide à épouser un inconnu. Mais ce dernier n'en veut qu'à l'argent de la jeune femme et Jim fait tout pour le reconquérir. Il s’agit donc d’une histoire d’amour avec le Far West en arrière plan et les sentiments l’emportent sur l’action. En revanche, on retrouve certains éléments caractéristiques du genre : le saloon, la diligence…

Cependant, le Western acquiert peu à peu une dimension historique : Le Cheval de fer (1924) retrace la construction du premier chemin de fer transcontinental dans les années 1860 et Trois Sublimes Canailles (1926) a pour sujet la ruée vers l'or en 1876. Ces films se concentrent davantage sur l'histoire de l'Ouest et placent les côtés mélodramatiques et sentimentaux au second plan. Ils imposent certains codes du genre comme, par exemple, l’attaque des convois par les Indiens.

 

 

3) L’âge d’or du Western (années 1930-1960)

 

A la fin des années 1930, le cinéma parlant s’impose, ce qui constitue une difficulté pour les réalisateurs de Western : comment surmonter les difficultés liées aux prises de son en extérieur et éviter les bruits parasites ?  Le premier Western parlant, In Old Arizona, est réalisé en 1928 par Raoul Walsh. Progressivement, la maîtrise du son permet au genre d’acquérir plus de profondeur. En 1931, La Ruée vers l’Ouest (Cimarron) de Wesley Ruggles remporte l’oscar du meilleur film. C’est le début de l’âge d’or du genre, marqué par la réalisation de grands classiques et le triomphe de réalisateurs de légende : John Ford, Raoul Walsh, Howard Hawks.

 

                                  

Activité 4 : Analyse de l’affiche du film La Chevauchée fantastique  (Stagecoach), d’une photographie et d'un extrait du film. Décrivez l’affiche et proposez un scénario crédible. Quels éléments caractéristiques du western retrouve-t-on dans l'affiche, la photographie  et l'extrait du film ?


https://www.youtube.com/watch?v=X4jF3xTxKWM


En 1939, John Ford réalise La Chevauchée fantastique (Stagecoach), qui exerce une influence décisive sur un grand nombre de cinéastes. Orson Welles avoue ainsi l’avoir vu 40 fois à l’époque du tournage de Citizen Kane pour comprendre comment raconter une histoire au cinéma. C’est grâce à ce film que John Wayne se fait connaître du public et que John Ford s’impose comme l’un des plus grands réalisateurs de son époque. Il s'agit aussi du premier film que le réalisateur tourne dans le décor naturel de Monument Valley, qui deviendra sa marque de fabrique et un symbole du western tout entier. En s’inspirant d’une nouvelle de Guy de Maupassant, Boule de suif,[2] le cinéaste offre à son western l’une des narrations les plus américaines qui soit : le road movie. Le scénario est simple : les Indiens sont sur le sentier de la guerre et une diligence est prête à partir en emmenant un joueur professionnel, une femme enceinte cherchant à rejoindre son mari officier, un médecin ivrogne, une prostituée rejetée par la bonne société, un représentant en whisky, un banquier escroc et Ringo Kid, un hors-la-loi tout juste évadé de prison (joué par John Wayne). La liste des passagers est intéressante. D'abord, il s'agit de personnages types de l'ouest américain, associés à des symboles du western : le whisky, le poker, la banque, la prison... Surtout, ce sont des réprouvés, de personnes rejetées par la société à qui le voyage offre une rédemption et illustre à merveille le rêve américain.

 

Les années 1950 constituent l’apogée du western. Pour la seule année 1950, 130 westerns sont tournés. Le genre connait un grand succès en Europe et notamment en France. Il marque la preuve du rayonnement de la culture américaine et de la domination économique des Etats-Unis. En plein cœur de la Guerre froide, Hollywood inonde l’Europe de ses productions cinématographiques, qui deviennent des véritables armes au service du soft-power américain. Les westerns permettent en effet de défendre les valeurs américaines : le courage, la liberté, le droit d’être armé (garanti par le 2ème amendement de la Constitution de 1791). Le cow-boy est l’incarnation de l’homme américain idéal : solitaire, viril, défenseur de la veuve et de l’orphelin, qui n’hésite pas à utiliser ses armes. A l’inverse, l’Indien est le symbole de l’ennemi, de l’étranger, qui doit être soumis par la force à la civilisation.



[1] BRISELANCE Marie-France et MORIN Jean-Claude, Grammaire du cinéma, Paris, Nouveau Monde,‎ 2010, p.128.

[2] Pendant l'hiver, 1870-71, durant la guerre franco-prussienne, la ville de Rouen est envahie par les Prussiens. Pour fuir l'occupation, dix personnes prennent la diligence de Dieppe : un couple de commerçants, un couple de bourgeois, un couple de nobles, deux religieuses, un démocrate et enfin la jeune Boule de suif.