La gare de Sartrouville
Par V. Gouzien le 17 juillet 2013, 14:37 - Fantaisies urbaines - Lien permanent
Elle l'apercevait déjà, au loin, tout au bout de la ville. La gare. Sa gare! Les murs de pierres qui paraissaient hostiles et monocordes à première vue la rassuraient...
Elle l'apercevait déjà, au loin, tout au bout de la ville. La gare. Sa gare! Les murs de pierres qui paraissaient hostiles et monocordes à première vue la rassuraient. Elle savait où elle allait et ce qu'elle y trouverait : une maison. Elle rentrait chez elle. Glaciale pour les gens, chaleureuse pour elle, la bâtisse austère lui apportait tout le réconfort nécessaire à la vie d'un petite fille qui n'a plus de "chez elle".
À présent Clara entrait. Elle n'empruntait pas la grande porte métallique qui suivait une volée de marches de pierres sur le devant de la façade, non. La foule y était trop abondante. Elle prenait comme à son habitude le passage de derrière. La petite se glissait en dessous des tourniquets impassibles, attendait que quelqu'un pousse une des portes sombres et se faufilait dans son sillage.
À l'intérieur des murs ternes tout allait pour le mieux. Ici, elle était en sécurité. Elle aimait ce sol rude, aussi noir que la nuit. Elle trouvait dans cet endroit funèbre une certaine douceur qui l'apaisait, qui ravivait la flamme de vie brûlant en elle.
Une fois reposée, elle jouait sur les marches des escalators - froides et indifférentes à ses mouvements - montant et descendant au gré de ses pensées. Elle arrivait enfin sur le béton livide du quai et contemplait le ciel d'azur. Elle respirait alors l'air pur de la liberté et humait les parfums de la vie quotidienne.
Un train vint à passer. Elle le suivit des yeux bien avant son arrivée et continua de le fixer longtemps après que l'écho de ses tremblements eu disparu dans le brouhaha de la foule. Son regard resta en suspend ne se posant que sur les rayons du soleil qui se reflétaient sur l'acier de deux rails écartés par des traverses de bois et maintenus au sol par le ballast que constituaient les granulats.
En contemplant la passage des train, les uns après les autres, elle s'emplit d'un sentiment de profonde joie. Plus de cage, plus de dépendance, plus d'emprisonnement: elle avait à présent la possibilité de partir, de fuir, de disparaître où bon lui semblait. C'était ce qu'elle aimait dans cette gare: elle n'avait pour maître que son libre-arbitre.
Mathilde F.