Une année dans l'île

 

Prologue

 

 

      Une ombre furtive se détacha de la verdure. Elle fila tout droit sur la plage où se trouvait un corps inerte. La créature se pencha sur le visage obscurci par les égratignures causées par les roches pointues que l'on ne découvrait qu'au fond de la mer. L'humaine inconsciente remua en gémissant, et l'ombre se retira aussi vite qu'elle était venue.

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Chapitre 1

 

 

      La première chose que je sentis en ouvrant le yeux fut un terrible mal de crâne. Que s'était-il passé ? En m'asseyant difficilement, je m'aperçus que je me trouvai sur une jolie plage. L'océan qui bordait la belle bande de sable blond étincelait de reflets argentés, tel un collier constitué de saphirs brillants au soleil. Je me souvins alors de ce qui s'était passé.

 

      Je m'appelle Lola Costina, j'ai 27 ans et j'habitais encore chez mes parents lors de mon naufrage. Nous vivions au Portugal, dans un petit village inconnu situé au bord de l'océan Atlantique. Comme chaque dimanche matin, je prenais la petite barque de pêche de mon père et partais, ramenant de beaux poissons pour le déjeuner. C'était ma passion, j'étais agile à cette activité. Mais ce matin-là, je n'avais pas remarqué les gros nuages obscurs qui s'amoncelaient à l'horizon du soleil levant. J'étais partie avec ma canne à pêche, mais c'est au bout de cinq ou six poissons que la tempête se déchaîna. J'étais seule, et loin du rivage ce jour-là. Les vagues commencèrent à s'élever, frappant le petit bateau de bois. De plus, la pluie se déclencha en tombant lourdement. J'étais paniquée, mais encore plus lorsque le vent emporta mes rames. Je criai lorsque l'étendue bleue, si calme auparavant, envoya un espadon planter son long nez dans le bois fragile. L'eau, petit à petit, envahit l'embarcation. Les gouttes de pluies violentes qui résonnaient sur les vagues gigantesques rendaient la situation encore plus terrifiante. Je ne souviens plus que d'un éclair qui zébrait le ciel, accompagné d'un bruit monstrueux. Puis, plus rien.

 

      Je venais de me réveiller, mais les images de la tempêtes me revenaient au fur et à mesure. J'étais vraiment étonnée de voir la mer si douce, le ciel si clair face à ce que j'avais vu lors du violent orage. En me retournant, je remarquai un tapis de forêt, mais surtout l'immense montagne qui le surplombait. Je décidai donc d'aller voir ça de plus près.

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Chapitre 2

 

 

      Lorsque je pénétrai dans l'étendue d'arbres, les lianes enchevêtrées m'empêchaient de passer. En me retournant, je vis que la plage n'était qu'à quelques mètres de moi. Je soupirai de fatigue mais, pleine de courage, je continuai difficilement d'avancer. Soudain, un drôle d'oiseau que je ne connaissais pas se posa sur une liane, juste devant mon nez. Ses ailes étaient constituées de plumes multicolores, et ses petites pattes s'accrochaient fermement à la liane. J'enviais soudain son plumage, car je m'était réveillée avec mes vêtements en lambeaux.

      Le magnifique oiseau voleta autour de moi avant de filer tout droit à travers la verdure. Je fus tentée de le suivre et commençai à courir après lui, mais je trébuchais lorsqu'une famille de petites gerbilles blanches passa à toute vitesse devant moi. Je relevai immédiatement la tête pour chercher des yeux le petit volatile, mais je ne voyais que les grands feuillages vert d'eau aux odeurs d'écorce et de sève qui me recouvraient et me protégeaient du soleil brûlant. Je rabaissais la tête, découragée, lorsque j'aperçus mon petit guide à plumes qui penchait la tête en piaillant avec impatience. Je venais de me relever lorsque l'oiseau repartit. Je le rattrapais et fus ébahie en voyant que le volatile m'avait conduite jusqu'à un petit chemin de fleurs rouges. On aurait dit des coquelicots, mais avec plus d'éclat. Je remerciais d'un signe de tête mon ami puis m'engageais sur le sentier de fleurs.

      Environ une demi-heure plus tard, j'arrivais enfin à la montagne que je gravis en rencontrant un certain nombre de chèvres sauvages, blanches et brunes, qui bêlèrent à mon passage. Arrivée là-haut, je m'aperçus que j'étais sur une île. Une île déserte. Je n'entendais que le bruissement des vagues qui entourait l'espace de terre aux contours de sable.        

  Une île.

  Un tout petit point au milieu du monde.

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Chapitre 3

 

 

      Cela faisait maintenant plusieurs jours que j'avais échoué sur l'île déserte. Je me nourrissais de ce que je trouvais, et j'avais découvert une petite fontaine naturelle dans une partie un peu plus retirée de la forêt, mais égal eme nt un  arbre bien confortable pour passer la nuit dans ses branches. J'avais aussi trouvé "l'épave" de la barque de mon père. Ce n'était que des planches de bois brisées et éparpillées un peu partout. Ma canne à pêche, intacte, était sous la partie la plus importante de l'épave. J'avais déniché des vers de sable, j'avais donc du poisson à volonté...

 

      Un jour que je me rendais à la fontaine, que j'avais un peu aménagée, je me sentis soudain épiée. Je levai la tête pour tenter de dénicher l'être qui me surveillait, mais en vain. Je rebaissais les yeux et continuai d'avancer lorsque je perçus un mouvement dans les fougères brunies par le soleil. Je sursautai quand je découvris la chose qui se cachait dans la verdure.

 

                                 *      *      *

 

"Mais où est-elle ? Je suis désespérée, Ricarno, soupira ma mère. Depuis cette tempête, Lola n'est pas revenue...

- C'est vrai qu'il n'y a plus d'ambiance, plus de rires, dans cette maison, souffla son mari. Elle me manque tellement... Mais, j'ai une nouvelle à t'annoncer. Je peux peut-être la retrouver...

- Qu'est-ce ?

-  A ma réunion de ce matin, il a été voté que je devienne capitaine du nouveau bateau " Vaso de Ganna" ! Je suis fier, mais, pour l'instant, je suis le seul de l'équipage. Je vais tâcher de recruter de bons gaillards pour manœuvrer le bateau lors de mon premier voyage ! Qui aura, si tout va bien, lieu dans 1 an ! jubila Ricarno. Notre voisin, Pedro, veut absolument m'accompagner pour essayer de retrouver sa fille, tu comprends ? J'aimerai tellement retrouver aussi la mienne...

- Bravo, chéri," murmura ma mère.

 

Angélique Auriol  5°6

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Chapitre 4

 

 

      Je ne pus distinguer immédiatement cet animal .Je n'en crus pas mes yeux lorsque j'aperçus à ses côtés le petit oiseau multi-colore qui m'avait guidé jusqu'à la montagne lors de mon premier jour sur l'île. Etait-il donc ami à cette chose horripilante ? Je m'approchai doucement de la créature, mais, ayant -je pense- aussi peur que moi, celle-ci recula en poussant un cri indistinct. Même en l'observant attentivement, je m'aperçus qu'il était impossible de la définir. La chose était recouverte de verdure, je crois, et elle grognait en montrant une sorte de couteau bien aiguisé qui me fit reculer d'un pas. Je vis qu'elle se tenait sur ses deux pattes arrières : la créature des bois ressemblait bel et bien à une sorte d'être humain... Je chassai immédiatement cette pensée de ma tête : ce... cette chose ne pouvait appartenir à la même espèce que moi ! L'être était dans l'ombre, et celle-ci cachait les traits de son soi-disant visage. Etait-elle effrayée ? Ou bien sa lame levée montrait-elle une mauvaise attention ? Je pris mon courage à deux mains et m'approchai encore plus de la créature.

      Soudain, elle parut me reconnaître car elle abaissa son arme, vint à ma rencontre et, à ma grande surprise, m'adressa la parole d'un ton assez sec :

"Qui es-tu ? D'où viens-tu ? Que viens-tu faire ici ?"

J'étais trop ébahie pour répondre à cet être que je voyais un peu mieux maintenant que le soleil, au zénith, brillait bien haut dans le ciel. Sortie de l'ombre, l'humaine - car cela en était bien une - était en fait recouvert de feuillages et de verdure, sans doute pour se camoufler.

" Je m'appelle Lola Costina, et j'ai 27 ans... Je suis Portugaise et un jour, j'étais dans ma barque de pêche et une tempête m'a surprise loin du rivage. Je me suis réveillée ici il y a quelques jours...

- Je sais. Tu as affronté le terrible ouragan de la semaine dernière. Je t'ai vu sur la plage, lorsque tu était encore inconsciente. Je vois que tes égratignures ont bien cicatrisé...

- Oui, mais je n'avais pas mal lorsque je me suis réveillée. Et toi, qui es-tu ?

- Moi c'est Anna. J'ai vingt-huit ans.

- Anna, Anna... ce nom me dit quelque chose.

- Connais-tu Pedro ? Il est aussi Portugais, et il habite un petit village au bord de la mer.

- Bien sûr que je le connais ! m'écriai-je. C'est... C'était mon voisin ! Le pauvre... Sa fille a disparu en mer il y a maintenant..."

Je compris immédiatement et relevais timidement la tête, car je savais que je venais de faire un gaffe.

"Il y a maintenant deux ans, compléta mon ancienne voisine. Deux ans que je suis sur cette île, à survivre solitairement. Deux ans. Mais maintenant, tu es là, Lola. Je ne t'en veux pas, ajouta Anna en voyant ma mine, tu ne pouvais pas savoir..."

     

      Je trouvait qu'Anna était assez belle, après s'être débarrassée de son camouflage. Elle était grande et mince, avec un petit nez retroussé et des yeux brun noisette. J'était contente de me savoir avec quelqu'un, une amie, moi qui, encore la veille, croyais passer le reste de ma vie seule sur une île...

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Chapitre 5

 

      Lorsque je montrai l'endroit où je passais la nuit à Anna, celle-ci éclata de rire.

"Ca fait une semaine que tu dors dans cet arbre ?

- Où veux-tu que je me repose ?

- Bon... Viens, je vais te montrer mon abri.

- Ton abri ?

- Qu'est-ce que tu crois ? Je ne vais pas dormir dans des branches pendant deux ans !" s'exclama Anna en souriant.

            Je la suivi donc en me demandant où est-ce qu'elle passait ces nuit. Je n'étais jamais allée au-delà de la fontaine, estimant que je n'en avait pas besoin. C'est pourtant lorsque nous la dépassâmes qu'Anna déclara :

" Je te vois souvent venir à la fontaine. Heureusement que tu l'as trouvée, sinon...

-Sinon, je serai en panne d'eau potable !" complétai-je en rigolant.

      Nous continuâmes notre chemin à travers les broussailles qui aboutirent à un sentier de sable et de graviers. Nous bifurquâmes à gauche et passâmes un rideau de lichen lorsque je découvris son "abri".

      C'était en vérité bien plus qu'un simple abri. C'était une petite cabane en bois avec un jardin tout mignon où poussaient des arbres fruitiers et de jolies fleurs. C'était magnifique. Derrière la maison, on voyait la plage et le bleu de la mer calme. Le petit oiseau multicolore nous attendait en piaillant. Je ne pus m'empêcher de demander à Anna :

"Comment s'appelle-t-il ?

- Je ne lui ai pas encore donné de nom, répondit-elle. Tu peux lui en inventer un, si tu veux.

- Que penses-tu de Coco ? proposai-je.

- C'est parfait ! Mais bon, c'est pas tout, mais on a à faire !" fit remarquer Anna.

 

      Pendant les mois qui suivirent, nous nous organisâmes comme nous pûmes. Nous dormions côte à côte dans la cabane de bois. J'avais enseigné la pêche à Anna, et en retour elle m'avait appris à domestiquer certaines tortues de mer. Mes repas étaient bien plus équilibrés que ma première semaine dans l'île, où je ne me nourrissais pratiquement que de poissons de mer. Maintenant que j'était avec Anna, la seule vue du poisson me rappelait ma première semaine sur l'île, et le désespoir que je portais en moi. Anna avait échoué sur l'île à la suite de la terrible tempête qui datait déjà de deux ans. Je me rendis compte que, contrairement à moi, elle avait immédiatement "apprivoisé" l'île.

      Elle m'enseigna le tir à l'arc, qui était très pratique pour les gros gibiers qui se déplaçaient tout de même assez vite. Nous mangions de la viande crue, ce qui était fort bon, mais aussi des fruits nouveaux, également excellents. Anna me confectionna un couteau, et nous inventâmes un "calendrier" : c'était en fait une grande planche de bois que nous avions fixé au mur où, chaque soir, nous gravions un trait dans l'écorce. Ce soir-là, justement, nous tracions notre 365 e jour.

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Chapitre 6

 

      Nous nous réveillâmes assez tard, lorsque la soleil pénétra par l'une des fenêtres de la cabane. Coco, l'oiseau multicolore, se pencha sur le bord de l'ouverture en piaillant. Je me levai de mon lit de feuilles de bananiers et sorti pour voir ce qui excitait Coco. Je secouai Anna, qui dormait encore pour lui demander où étaient ses jumelles.

"Elles sont sur la table, marmonna-t-elle d'une voix endormie. Pourquoi ?

- Coco nous demande de sortir, expliquai-je. Il a sûrement vu quelque chose dehors. Tu viens ?

- J'arrive, déclara-t-elle en se levant.

 

      Nous sortîmes donc de la cabane, les jumelles à la main. Lorsque je les portais à mes yeux, je vis un assez grand paquebot se diriger vers nous. A sa tête un homme, également avec des jumelles, semblait observer notre petite île. Nous nous précipitâmes sur la grande montagne où nous avions construit un immense phare en bois qui, une fois allumé, provoquerait un énorme nuage de fumée pour attirer quelque navire. Anna s'empara des deux silex prévus à cet effet et les frotta l'un contre l'autre le plus fort possible tandis que je m'époumonais à crier que nous étions là en agitant les bras.

      Soudain, une étincelle jaillit et enflamma le phare qui provoqua un immense torrent de fumée noire. Nous étions maintenant deux à hurler, et nous nous serrâmes dans les bras lorsque nous sûmes que le paquebot se dirigeait bel et bien vers nous. Lorsqu'il accosta sur l'île, je restai bouche bée. Le capitaine, je le connaissais. Je le connaissais même très bien.

      " PAPA ! "

Anna et moi nous regardâmes. Nous venions de dire exactement la même chose. Nous éclatâmes de rire et nous élançâmes chacune vers notre père respectif.

" Les filles ! Vous êtes là toutes les deux ! Enfin ! s'écria mon père, des larmes de joies lui montant aux yeux.

- Papa ! Je suis tellement contente de te retrouver !" m'écriai-je.

Anna était allé retrouver Pedro et il pleurait avec se fille.

 

 

 

      Une fois les retrouvailles terminées, Ricarno expliqua :

" Il y a un an environ, juste après ta disparition, Lola, il a été voté que je devienne capitaine de ce magnifique navire. Nous devions trouver une île pour faire des prélèvements géologiques. J'était le seul de l'équipage, j'avais un an pour recruter de bon gaillards, et ce cher Pedro voulut absolument m'accompagner pour essayer de retrouver sa fille. J'espérai aussi revoir la mienne, et cela n'a pas manqué !" termina-t-il en me resserrant dans ses bras.

      Cette vie sauvage avec Anna m'avais bien plu, mais j'étais heureuse de revoir ma famille, mes amis, et d'autres gens.

 

 

 

 

 

 

 

 

 


 

Epilogue

 

      Aujourd'hui, Anna et moi avons quitté nos parents, mais nous sommes restées voisines. Anna s'est mariée, et moi de même, avec un homme bon nommé Stephano. Nous eûmes une fille, que l'on appela Anna, comme mon amie. Je suis devenue écrivain, racontant des récits d'aventures comme le mien. Anna, elle, est devenue productrice de films qui reprennent mes ouvrages.      Décidément, Anna et moi, nous resteront toujours très proches, et il en sera de même pour nos parents, qui deviendront également de très bons amis.