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poésie et dramaturgie du mal dans "Macbeth"

Dramaturgie et poésie du mal dans Macbeth

 

I- Le mal au cœur du monde

 

  1-« Le monde est dans la nuit » (Novalis) : « Macbeth, ce n’est pas l’ombre, mais la nuit. Le mal n’y est pas relatif, mais absolu » (G Wilson Knight, présentation de l’édition GF, p.9). De fait la nuit y est omniprésente, non comme un simple élément naturel, mais comme un élément lourd de significations.

            La +part des scènes se déroulent de nuit ou au crépuscule, crépuscule du soir ou aube à peine naissante : c’est « peu avant le coucher du soleil » que les sorcières, « créatures noires » et « femmes de minuit », disciples d’Hécate, déesse de la lune, astre pâle, maléfique et froid, déesse des  fantômes, guettent Macbeth. Banquo est assassiné au moment où « l’ouest brille encore avec quelques rayons » et son fils, porte-flambeau, et figure de l’espérance, ne doit son salut qu’à l’obscurité : « qui a éteint la torche », s’écrie le mystérieux troisième meurtrier, dont Roman Polanski fait un chevalier noir, récurrent dans son film (III, 3). Au crépuscule du matin, les coups frappés comme sur la porte de l’enfer réveillent le cerbère grotesque et préludent à la révélation du régicide nocturne. Les scènes cruciales ont lieu durant la nuit : en assassinant Duncan dans son sommeil, sans doute entre 2 et 3 heures du matin, lady Macbeth et Macbeth espèrent couvrir leur forfait, aux yeux du monde et à leurs propres yeux, des ombres de la nuit épaisse et opaque, comme si les yeux pouvaient ignorer le forfait que commet la main. Or l’apparition du spectre de Banquo, la nuit du banquet, comme le somnambulisme de Lady Macbeth, éclairée par une torche,  révèlent aux courtisans, puis au médecin sidérés, l’autre scène du remords inconscient.

            C’est qu’avec le régicide, sacré, le monde est rentré dans la nuit, les ténèbres ont envahi le jour et renversé l’équilibre du monde, comme le souligne Ross, à l’aube qui suit l’innommable, à l’acte II, scène 4. Ces ténèbres qui, en plein jour, envahissent la terre, rappellent celles qui, dans l’Evangile, couvrent le monde lors de la mort du Christ et que seule sa résurrection peut dissiper : « à partir de la 6ème heure, l’obscurité se fit sur toute la terre jusqu’à la 9ème heure […] Et voilà que le voile du Sanctuaire se déchira en deux, du haut en bas ; la terre trembla, les rochers se fendirent, les tombeaux s’ouvrirent et de nombreux corps de saints trépassés ressuscitèrent » (Mt,27, 45 et 51). Mais dans le monde que fait naître Macbeth en tuant Duncan, la résurrection est interdite et, même, violemment refusée, comme en témoigne le cri de Macbeth devant le spectre de Banquo, allégorie des morts qui se relèvent, non pour vaincre la mort, mais pour la propager : « il fut un temps où la cervelle étant ôtée, l’homme mourait, c’était fini : mais maintenant ils se relèvent, avec vingt meurtres mortels sur leur crâne et nous poussent de nos sièges…C’est + étrange que le meurtre même ». La mort de Duncan a donc instauré un temps de ténèbres, un temps sans espoir et sans résurrection, une ère de nuit permanente, lourde de présences dangereuses et mortelles, comme celles qu’évoque Macbeth au moment où Banquo va être assassiné : « les bonnes choses du jour vont tomber et s’engourdir, les noirs agents de la nuit se réveiller pour leur proie ». Cette nuit s’incarne dans la déesse Hécate, que Macbeth invoque avant de commettre son 1er crime (« les sorcelleries célèbrent les rites d’Hécate la pâle » (II,1), qui semonce (III,5) , puis félicite (IV,1) les sorcières, dont elle oriente le travail destructeur, et qui est associée à la lune, l’astre pâle et maléfique qui domine Macbeth et le rend fou[1].

            En assassinant Duncan dans son « sommeil innocent », moment de paix, doux et réparateur, Macbeth a en effet sombré, de son propre aveu, dans une insomnie permanente : « il me sembla entendre une voix qui criait : « ne dormez + ! Macbeth a assassiné le sommeil », l’innocent sommeil qui renoue les fils de soie tout embrouillés de soucis, et la mort de chaque jour de vie, le bain dur du travail, baume d’esprits meurtris, second service de la puissante Nature, grand nourricier dans la fête de la vie » (II, 2). Effet du remords ou cauchemar sans fin, Macbeth ne pourra + que tuer, et encore tuer, dans le vain espoir de retrouver le sommeil de l’innocence en arrivant au dernier meurtre, celui qui clora la série et lui rendra la paix, exempte de crainte et de cauchemar. La nuit de l’enfer sans sommeil,  dans laquelle la folie de Lady Macbeth l’abîme, et son suicide, révèlent la vanité d’un tel espoir : il n’y a pas d’échappatoire pour celui qui a plongé le monde dans le chaos.

            Ironie dramatique, clair-obscur et inversion disent l’universalité d’un Mal, que les pâles lueurs du jour, les nombreux flambeaux et torches dont l’apparition scande la pièce (I,7 ; II,1 ; III,3 ; V,1) ne peuvent dissiper. Dupe des apparences (I,6, 437-439,p.56) , Duncan, pourtant averti par la traîtrise invisible de Cawdor, se méprend sur la clarté du jour menteur, qui est censé bien augurer de son séjour au château d’Inverness. Les rares lueurs qui traversent la pièce sont celles de l’orage, du tonnerre et des éclairs, lueurs sulfureuses au service des puissances du Mal, Hécate et les sorcières (I, 1 ; I,3 ; III,5 ; IV, 1). Avec le meurtre de Duncan, la folie contagieuse s’est généralisée, se répandant au monde entier, affectant la nature : « … » (II,4). Le faucon, rapace diurne, est tué par le hibou, rapace nocturne : la nature a perdu son axe, les normes les plus sûres n’ont + cours.

 

 2- Des «actes contre nature » créent des «actions contre nature » : l’imbrication du microcosme et du macrocosme est suggérée par des images du chaos.

            L’univers semble réagir au crime par d’inquiétants prodiges évoqués par Lennox (II,3), puis par le vieillard et Ross (II, 4) : un rapace tué par sa proie ou des chevaux cannibales. De son côté et symétriquement, Macbeth entend déchaîner sur l’univers le chaos qu’il porte en lui : « Mais non, que soit rompu l’ordre des choses, que souffrent les deux mondes » (III, 2).  C’est que la logique du monde s’est inversée, dès lors que l’impossible (l’existence d’un homme qui ne fût pas né d’une femme et l’animation fantastique de la forêt) se réalise, comme une mauvaise farce jouée à un héros (in)crédule : l’artifice de la ruse de guerre et la naissance non naturelle du bras vengeur de la Providence révèlent l’hybris d’un héros, joué par l’ironie dramatique.

            Or cette ironie tragique pose la question de l’origine et de la nature du mal : surnaturel et cosmique, le mal engendre-t-il la dénaturation de l’univers, comme le répètent, après Ross, le médecin qui se déclare incompétent (« des actes contre nature créent des troubles non naturels » V,1) et Macbeth lui-même, quand il présente les « plaies béantes » de Duncan comme une brèche dans l’ordre de la nature (II, 3) ? Ou la nature regorge-t-elle de méfaits, comme l’indique le capitaine évoquant les « villanies of nature », lady Macbeth en appelant à la « méchanceté de la nature » (« mieschef of nature » I, 5) ou Banquo s’inquiétant des « pensées mauvaises que Nature libère dans notre sommeil » (II, 1) ? Qu’est-ce qui est alors le + inquiétant : que le mal soit rupture de l’ordre universel ou qu’il soit dans l’ordre des choses, comme la nuit alterne avec le jour, comme le monde animal comprend des proies et des prédateurs, comme la violence relève de l’état de nature, comme le mal est inhérent au monde comme il va ?

 

 3- Comparé au bestiaire des Âmes fortes, le bestiaire maléfique de Macbeth apporte un 1er élément de réponse.

            En effet, la nuit du crime est  déchirée par les cris sinistres d’oiseaux de mauvais augure : croassement du « corbeau enroué » (I, 5) ; hurlement du loup (II,) ; hululement de la chouette (II, 2). Ce bestiaire inquiétant est redoublé par la faune démoniaque des sorcières,  qui égorgent des porcs (I, 3) sont accompagnées de leur horde de bêtes maléfiques (chats et crapauds, dès I,1, rats, chat tigré, hérisson, salamandre, grenouille, chauve-souris, vipère, lézard, chouette, dragon, loup, requin, tigre à l’acte IV, scène 1) et fabriquent un filtre immonde en mélangeant dans leur chaudron des organes de crapauds, de serpents, de salamandres, etc, avec du sang de babouin (IV, 1). Ailleurs, les images de prédateurs nocturnes et carnivores prolifèrent : rapaces, fauves, reptiles renvoient à lady Macbeth et à Macbeth l’image du personnage maléfique, de la bête qu’ils sont devenus par leur crime : si la récurrence du motif du serpent renvoie à la Genèse, l’identification de Macbeth à un oiseau de nuit à l’acte III, scène 2 (1230 sq p.88) naturalise le mal. Alors que Macduff le compare à un « vautour d’enfer » (IV, 3) ou à un « chien de l’enfer » (V,8), le tyran compare Banquo à un « serpent écorché », parle des «scorpions » qui remplissent son esprit (III, 2 et III, 4) et se compare, lors du combat final, à un ours d’Hircanie, attaché à un poteau, déchiré par les chiens et battu à mort dans les jeux du cirque répandus dans l’Angleterre de Shakespeare.

            Cette matérialisation de la brutalité qui traverse la pièce, et que l’imagerie animalière rend sensible, pose la question d’une nature humaine gagnée par la bestialité : jouant sur la polysémie du mot « hommes », le sens générique et le sens viril, Macbeth, qui s’interroge sur la nature humaine, s’amuse à comparer à des chiens les hommes de main qu’il soudoie, alors que l’un d’eux vient de lui répondre « nous sommes des hommes, mon souverain » (III, 1). Il n’est pas jusqu’aux tendres images du roitelet, du poussin et de la poule, auxquels sont comparés Macduff, lady Macduff et son fils (IV, 2 et 3) qui ne renvoient l’image d’une fragile humanité, guère différente de l’animalité, où l’alternative est de manger ou d’être mangé.

 

 4- Les références bibliques, apocalyptiques tendent, elles, à conférer une portée, sinon théologique, du moins métaphysique à la pièce.

            C’est ainsi que dès le récit de messager de l’acte I, scène 2, la référence au Golgotha[2], lieu du crâne où le Christ a versé son sang pour le salut de l’humanité, confère une dimension sacrée au bain de sang où se complaisent les héros d’une cause pourtant juste, Macbeth et Banquo (v.61-62, p.41).

            A l’acte I, scènes 5, v. 376-380 et 426-8, c’est Lady Macbeth qui, par la référence au serpent de la Genèse, devient une tentatrice diabolique, deuxième Eve qui aurait ingéré le venin du serpent et qui, dans un monologue chargé de pensées démoniaques, se prépare à insuffler son venin dans l’oreille de son époux et à lui donner une leçon de dissimulation : « soyez pareil au temps, et portez bienvenue en votre oeil, votre main, votre langue, et semblez comme l’innocente fleur mais soyez sous elle le serpent ».

 

 

 

 

 

 

Genèse, chapitre 3

Gn 3:1-

Le serpent était le plus rusé de tous les animaux des champs que Yahvé Dieu avait faits. Il dit à la femme : Alors, Dieu a dit : Vous ne mangerez pas de tous les arbres du jardin ?

Gn 3:2-

La femme répondit au serpent : Nous pouvons manger du fruit des arbres du jardin.

Gn 3:3-

Mais du fruit de l'arbre qui est au milieu du jardin, Dieu a dit : Vous n'en mangerez pas, vous n'y toucherez pas, sous peine de mort.

Gn 3:4-

Le serpent répliqua à la femme : Pas du tout ! Vous ne mourrez pas !

Gn 3:5-

Mais Dieu sait que, le jour où vous en mangerez, vos yeux s'ouvriront et vous serez comme des dieux, qui connaissent le bien et le mal.

Gn 3:6-

La femme vit que l'arbre était bon à manger et séduisant à voir, et qu'il était, cet arbre, désirable pour acquérir le discernement. Elle prit de son fruit et mangea. Elle en donna aussi à son mari, qui était avec elle, et il mangea.

Gn 3:7-

Alors leurs yeux à tous deux s'ouvrirent et ils connurent qu'ils étaient nus; ils cousirent des feuilles de figuier et se firent des pagnes.

Gn 3:8-

Ils entendirent le pas de Yahvé Dieu qui se promenait dans le jardin à la brise du jour, et l'homme et sa femme se cachèrent devant Yahvé Dieu parmi les arbres du jardin.

Gn 3:9-

Yahvé Dieu appela l'homme : Où es-tu ? dit-il.

Gn 3:10-

J'ai entendu ton pas dans le jardin, répondit l'homme; j'ai eu peur parce que je suis nu et je me suis caché.

Gn 3:11-

Il reprit : Et qui t'a appris que tu étais nu ? Tu as donc mangé de l'arbre dont je t'avais défendu de manger !

Gn 3:12-

L'homme répondit : C'est la femme que tu as mise auprès de moi qui m'a donné de l'arbre, et j'ai mangé !

Gn 3:13-

Yahvé Dieu dit à la femme : Qu'as-tu fait là ? et la femme répondit : C'est le serpent qui m'a séduite, et j'ai mangé.

Gn 3:14-

Alors Yahvé Dieu dit au serpent : Parce que tu as fait cela, maudit sois-tu entre tous les bestiaux et toutes les bêtes sauvages. Tu marcheras sur ton ventre et tu mangeras de la terre tous les jours de ta vie.

Gn 3:15-

Je mettrai une hostilité entre toi et la femme, entre ton lignage et le sien. Il t'écrasera la tête et tu l'atteindras au talon.

Gn 3:16-

A la femme, il dit : Je multiplierai les peines de tes grossesses, dans la peine tu enfanteras des fils. Ta convoitise te poussera vers ton mari et lui dominera sur toi.

Gn 3:17-

A l'homme, il dit : Parce que tu as écouté la voix de ta femme et que tu as mangé de l'arbre dont je t'avais interdit de manger, maudit soit le sol à cause de toi ! A force de peines tu en tireras subsistance tous les jours de ta vie.

Gn 3:18-

Il produira pour toi épines et chardons et tu mangeras l'herbe des champs.

Gn 3:19-

A la sueur de ton visage tu mangeras ton pain, jusqu'à ce que tu retournes au sol, puisque tu en fus tiré. Car tu es glaise et tu retourneras à la glaise.

Gn 3:20-

L'homme appela sa femme Eve, parce qu'elle fut la mère de tous les vivants.

Gn 3:21-

Yahvé Dieu fit à l'homme et à sa femme des tuniques de peau et les en vêtit.

Gn 3:22-

Puis Yahvé Dieu dit : Voilà que l'homme est devenu comme l'un de nous, pour connaître le bien et le mal ! Qu'il n'étende pas maintenant la main, ne cueille aussi de l'arbre de vie, n'en mange et ne vive pour toujours !

Gn 3:23-

Et Yahvé Dieu le renvoya du jardin d'Éden pour cultiver le sol d'où il avait été tiré.

Gn 3:24-

Il bannit l'homme et il posta devant le jardin d'Éden les chérubins et la flamme du glaive fulgurant pour garder le chemin de l'arbre de vie.

 

           

 

Michel-Ange, détails d’une des fresques de la chapelle Sixtine, au Vatican

           

            Avec l’explosion d’images empruntées à l’Apocalypse de Saint Jean- images des « trompettes géantes », des « chérubins du ciel » et des « coursiers de l’air »-, la conscience coupable de Macbeth compare le régicide qu’il s’apprête à commettre à la fin des temps, à l’acte I, scène 7, v. 493 sq.  Ces métaphores infernales, issues, dans l’imaginaire médiéval chrétien, de la lecture de l’Apocalypse, envahissent la scène de l’acte II : la cloche qui appelle Macbeth au meurtre évoque un glas funèbre, à l’acte II, scène 2 ; les coups frappés par Macduff et Lennox, avant que le Portier n’ouvre, deviennent le signe dramatique et métaphorique des coups donnés par Macbeth sur le corps de Duncan ;  le Portier lui-même, qui jure par Belzébuth et par tous les diables, évoque Cerbère ou Charon, le nocher des Enfers païens, plus que Saint-Pierre, portier du Paradis, représenté avec ses clés, et dont le personnage grotesque de Shakespare est la parodie. Aussi la vision apocalyptique éclate-t-elle lorsque Macduff compare le corps meurtri de Duncan à la destruction du « temple sacré du Seigneur », annonçant rien moins que le Jugement dernier : « the great doom’s image », « l’image du grand jugement ». « Confusion now hath made his master-piece » ajoute Shakespeare, ce que PJ Jouve traduit par « la destruction a produit son chef d’œuvre, / Le + sacrilège meurtre a ouverte/ Le Temple sacré du Seigneur, et ravi la vie du sanctuaire », signe que le régicide, acte créateur d’un désordre qui fait suite au désordre de la rébellion, rappelle l’ «hurlyburly » ou » tohu-bohu annoncé par les « sœurs fatales » à l’acte I, scène 1, en référence au chaos qui précède la création du monde par séparation des eaux de la terre, dans la Genèse. « La boucle du temps est bouclée, l’histoire humaine est confondue avec le drame métaphysique de la Bible dans ce moment de paroxysme théâtral », conclut Nicolas Corréard (3 en 1 GF, p. 75), qui note enfin la référence implicite au « Massacre des innocents » (Mt, 2), motif récurrent de l’iconographie chrétienne, lors du massacre de la maisonnée de Macduff, avatar de Job, figure du juste persécuté, quand il élève sa plainte, au double sens de lamentation et de procès intenté par l’homme à un dieu dont il ne comprend pas comment le ciel a pu regarder la scène sans prendre la défense des innocents, à l’acte IV, scène 3.

 

Le massacre des Innocents

 

Alors Hérode, voyant qu'il avait été joué par les mages, se mit dans une grande colère, et il envoya tuer tous les enfants de deux ans et au-dessous qui étaient à Bethléhem et dans tout son territoire, selon la date dont il s'était soigneusement enquis auprès des mages. [17] Alors s'accomplit ce qui avait été annoncé par Jérémie, le prophète:

 

[18] On a entendu des cris à Rama, Des pleurs et de grandes lamentations: Rachel pleure ses enfants, Et n'a pas voulu être consolée, Parce qu'ils ne sont plus. (Evangile de Matthieu, 2,17)

 

Nicolas Poussin : Le Massacre des Innocents

 

 

 

 

 

Le Livre de Job, XIII, 2-27

 

[Texte ]Ce que vous savez, je le sais aussi, Je ne vous suis point inférieur. [3] Mais je veux parler au Tout Puissant, Je veux plaider ma cause devant Dieu; [4] Car vous, vous n'imaginez que des faussetés, Vous êtes tous des médecins de néant. [5] Que n'avez-vous gardé le silence? Vous auriez passé pour avoir de la sagesse. [6] Écoutez, je vous prie, ma défense, Et soyez attentifs à la réplique de mes lèvres. [7] Direz-vous en faveur de Dieu ce qui est injuste, Et pour le soutenir alléguerez-vous des faussetés? [8] Voulez-vous avoir égard à sa personne? Voulez-vous plaider pour Dieu? [9] S'il vous sonde, vous approuvera-t-il? Ou le tromperez-vous comme on trompe un homme? [10] Certainement il vous condamnera, Si vous n'agissez en secret que par égard pour sa personne. [11] Sa majesté ne vous épouvantera-t-elle pas? Sa terreur ne tombera-t-elle pas sur vous? [12] Vos sentences sont des sentences de cendre, Vos retranchements sont des retranchements de boue. [13] Taisez-vous, laissez-moi, je veux parler! Il m'en arrivera ce qu'il pourra. [14] Pourquoi saisirais-je ma chair entre les dents? J'exposerai plutôt ma vie. [15] Voici, il me tuera; je n'ai rien à espérer; Mais devant lui je défendrai ma conduite. [16] Cela même peut servir à mon salut, Car un impie n'ose paraître en sa présence. [17] Écoutez, écoutez mes paroles, Prêtez l'oreille à ce que je vais dire. [18] Me voici prêt à plaider ma cause; Je sais que j'ai raison. [19] Quelqu'un disputera-t-il contre moi? Alors je me tais, et je veux mourir. [20] Seulement, accorde-moi deux choses Et je ne me cacherai pas de loin de ta face: [21] Retire ta main de dessus moi, Et que tes terreurs ne me troublent plus. [22] Puis appelle, et je répondrai, Ou si je parle, réponds-moi! [23] Quel est le nombre de mes iniquités et de mes péchés? Fais-moi connaître mes transgressions et mes péchés. [24] Pourquoi caches-tu ton visage, Et me prends-tu pour ton ennemi? [25] Veux-tu frapper une feuille agitée? Veux-tu poursuivre une paille desséchée? [26] Pourquoi m'infliger d'amères souffrances, Me punir pour des fautes de jeunesse? [27] Pourquoi mettre mes pieds dans les ceps, Surveiller tous mes mouvements, Tracer une limite à mes pas, [28] Quand mon corps tombe en pourriture, Comme un vêtement que dévore la teigne?

 

[Commentaire] Les paroles de Job oscillent entre défi et lamentation : défi, d’abord, dans la réponse aux arguments des « amis » auxquels Job dénie le droit de le juger. C’est à Dieu seul que le « juste souffrant » veut s’adresser, et non à ceux qui prétendent justifier ses souffrances. Ce que Job revendique ici, c’est le droit de ne pas être dépossédé de son propre malheur, de ne pas le voir « récupéré », nié même, par ceux qui, loin de le subir, ne peuvent déterminer son sens.

Au-delà de cette colère contre la prétention des hommes à juger de tout, Job exprime une plainte contre l’injustice de Dieu. Il exige du Créateur qu’il lui fasse connaître les causes réelles de sa souffrance et, par là même, il met Dieu face à l’iniquité de sa propre Création.

+ profondément, c’est à un Dieu caché que s’adresse la requête de Job et c’est presque à un procès en irresponsabilité qu’on assiste ici : Dieu se serait en quelque sorte désengagé de son œuvre, livrant le monde au mal d’injustice et se complaisant dans un silence qu’aucune lamentation ne vient briser. Mais même absent par son silence, Dieu reste présent par le simple fait que Job s’adresse à lui. C’est ce qui explique qu’au terme du Livre de Job, quand Dieu restitue à Job tout qu’il lui avait ôté, la plaine se transforme en louange et la souffrance en espérance.

 

 

 

II-Antithèse et Oxymore : une poétique de la confusion

            Car + encore que l’antithèse, figure du contraste qui autorise, avec la vision manichéenne d’une tragédie de l’ordre obéissant à la dialectique de la purgation du mal incarné par Macbeth, l’oxymore semble pointer la confusion d’où naît le mal dans la pièce.

 

 1-En effet, et en dépit du contraste saisissant et fécond, qui oppose la « grâce » surnaturelle du roi d’Angleterre au mal surnaturel incarné par Macbeth, et qui permet à Malcolm, après que la « l’honneur et la grâce sont morts » (II,3) en la personne du « gracieux » Duncan (III,1), de rendre la santé à l’Ecosse par la « grâce de la seule Grâce » (V,9), la pièce n’est pas manichéenne.

Certes, le « mal », symbolisé à l’acte V, scènes 2 et 3 par la « maladie » du corps politique, se dissipe avec l’obscurité : une aube brillante se lève et le vert feuillage d’ébranle contre Macbeth. Un monde surgit de ses ténèbres, laissant sous lui un paysage de cauchemar et d’illusion : « la fleur souveraine » étincelle de rosée dans les vapeurs de l’aube ; l’enfant est couronné, l’arbre de vie à la main.

Pourtant, dans le même temps, l’image du cycle de l’éternel retour de la violence s’impose avec la reprise, en écho/ en miroir, du motif de la guerre juste et de la décapitation du traître.

Surtout l’ambivalence de la figure de Malcolm, dont l’interprétation engage la lecture politique de la pièce, jette une ombre sur l’exemplarité de cette tragédie. Si Malcolm, tirant les leçons de la crédulité de son père, prêche le faux pour savoir le vrai quand il s’accuse de tous les vices auprès desquels « le noir Macbeth semblera neige pure », pour tester la loyauté de Macduff, comme il l’affirme quand il le détrompe, rassuré sur son intégrité, sûr de ne pas avoir affaire à un traître et abjurant souillure et péchés faussement confessés pour l’éprouver, alors le recours aux armes, à la violence guerrière, à la grâce de Dieu, est un mal nécessaire au rétablissement d’un bien confondu avec l’instauration d’un nouvel ordre, bon et sain(t), comme le suggèrent le soutien apporté à Malcolm par le roi d’Angleterre, figure médiévale du roi saint, guérisseur du Mal, et exact symétrique de Macbeth, quand il constate l’impuissance de la médecine à guérir l’Ecosse d’un mal dont il est la cause, tandis que l’aura épique et apocalyptique qui nimbe les figures des Siward et de Macduff assimile, les uns à des « milites dei » engagés dans une croisade, l’autre à la Némésis, au bras armé de la vengeance, de la Justice et de la Providence.  Dans ce cas les normes naturelles, sociales, politiques, morales et religieuses triomphent avec le couronnement annoncé de Malcolm, qui ne se contente pas de laisser les forces du Bien terrasser les forces du Mal, mais crée un nouveau rang nobiliaire : celui des « earls », ses seigneurs étant les premiers à être jamais nommés à un tel honneur en Ecosse. Tout le mal, concentré en la seule personne de Macbeth, semble avoir été d’un coup supprimé. Mais si Malcolm a dit vrai quand il a confessé être sanguinaire, luxurieux, avaricieux, faux, trompeur, impulsif et méchant, qu’il s’est avoué dépourvu des vertus qui font les rois : justice, tempérance, vérité, sûreté, humilité, persévérance, miséricorde, dévouement, patience, courage et constante, et que promettant à l’Ecosse d’être gouverné par un tyran d’exercice pire que le «démoniaque Macbeth », il a parlé le même langage que le couple criminel (« je verserais le doux lait de la concorde dans l’enfer,/ Je bouleverserai la paix universelle/ Et détruirais la paix universelle » (IV,3), on comprend que le malaise de Macduff ne se laisse pas dissiper.  Car Malcolm a beau affirmer ne s’être jamais parjuré, ses aveux simulés impliquent le contraire : il vient bien de mentir, mensonge machiavélien qui augure mal d’une transparence impossible. A moins que sa pseudo-confession ne comporte sa part de vérité, ce qui ne serait guère rassurant : n’avouait-il pas naguère à son frère Donalbain sa difficulté à feindre un chagrin qu’il n’éprouvait pas. Sans être parricide, Malcolm ne serait donc pas le roi saint qu’incarne la figure médiévale d’Edouard, roi thaumaturge. L’exercice moderne, machiavélien, du pouvoir, est sans illusion sur la violence, sur le mensonge, sur la contagion du mal inhérent à l’exercice du pouvoir.  Mais là où Ionesco tranche dans sa réécriture de Macbett, déplaçant la « confession » de Malcolm à la toute fin de la pièce pour en faire une véritable déclaration de guerre du nouveau roi à ses sujets, Shakespeare entretient l’équivoque baroque et laisse ouvert l’éventail du sens.

 

 2-Figure de style récurrente dans la poésie baroque en général, dans le drame shakespearien et dans Macbeth en particulier, l’oxymore apparaît dès les 1ers vers de la pièce, avec cet adage des « sœurs fatales », repris en écho dans les 1ers vers prononcés par Macbeth, ainsi relié d’entrée de jeu, par une sorte de fil invisible et largement inconscient, à ces suppôts de Satan que sont les sorcières : « fair is foul and foul is fair ». Dans cette antithèse doublée d’un chiasme et d’une paronomase, et dont la polysémie est proprement intraduisible, se lit, en même temps que le lien entre esthétique[3] et axiologie du mal, entre  corps[4] et esprit la confusion, le désordre axiologique dans lequel le mal plonge le monde, l’histoire, l’homme.

            C’est ainsi qu’on retrouve, dans la bouche de tous les protagonistes, pareilles oxymore : dans le tonnerre et la pluie qui accompagne rituellement l’apparition des sorcières, celles-ci annoncent un « combat gagné et perdu ». Duncan reprend exactement les mêmes termes, mais en chiasme, pour transférer les titres du « traître » au féal serviteur, se faisant ainsi l’instrument involontaire du destin, tragique : « ce qu’il perdit, le noble Macbeth l’a gagné » (I, 2). La 1ère réplique de Macbeth, énigmatique, souligne l’ambivalence d’adjectifs, dont le 1er peut référer au temps déplorable de cette journée brumeuse et le second à la victoire : « so foul and fair a day I have not seen ». Chaque information devient ainsi l’objet d’une interprétation ambivalente, comme dans le compte-rendu de la bataille par le héraut : « de cette source où la force semble venir, jaillit l’angoisse ». Aussi l’inconscient du texte semble-t-il avouer l’aporie du régicide, au moment même où Macbeth nourrit l’illusion d’un acte clos sur lui-même et sans conséquences morales : «que ce coup puisse être le tout-être et la fin-de-tout » (I, 7). Lady Macbeth résume la vanité du meurtre par l’expression qui traduit la contagion du mal : «+ sûr est d’être ça que nous détruisons/ Que, de destruction, tirer une joie douteuse » (III, 2).

            Ainsi s’exprime, à travers la métaphore baroque de la barque errant dans la tempête, l’incertitude, le doute, la confusion dans laquelle les temps d’opprobre jettent les hommes : « Mais cruels sont les temps, lorsque nous sommes traîtres/ Et ne le savons pas, accueillant la rumeur/ De ce que nous craignons, et sans savoir/ Cela que nous craignons,/ Mais flottons sur la mer sauvage et violente/ En tous sens et aucun » (IV,2).

 

           

 3- « Il est probable qu’en aucune autre pièce de Shakespeare ne se trouvent autant d’interrogations », commente G. Wilson Knight, qui pointe, dès la scène d’exposition, « l’étonnement et le mystère » exprimés par les questions qui se bousculent à l’acte I, scène 1[5], 2[6], 3[7], 4, 7[8], reparaissent, « comme des éclairs de terreur » à l’apogée du crime[9] : « mais pourquoi n’ai-je pas pu dire Amen », se demande Macbeth (II,2), tandis que la découverte du meurtre de Duncan s’opère par une série de questions, que les courtisans expriment ainsi leur surprise dans la scène du banquet (III,4) et qu’il n’est pas jusqu’au massacre de sa famille que Macduff n’apprenne en posant des questions à Ross ou aux questions du médecin qui ne ponctue le dévoilement du mal par Lady Macbeth, somnambule (V,1). « Toutes ces questions sont des fils du réseau de mystère et de doute qui nous hante dans Macbeth », conclut Knigth. ó Le mal est énigme dans Macbeth

 

           

 4- « Deux vérités sont dites » : toute l’ironie, sinon tout l’enjeu dramatique de la tragédie résidant dans l’interprétation de signes, de prophéties équivoques, une des formes les plus achevées, les plus pernicieuses, pour ne pas dire les plus perverses, du mal, réside sans doute dans la confusion  de la vérité et du mensonge. Banquo avait pourtant averti Macbeth, ébahi par ce qu’il prend pour une prophétie : c’est «souvent pour nous gagner à notre perte [que] les puissances obscures nous disent le vrai » (I, 3, v.239-240, p.49). Aussi bien les « sœurs fatales » ne mentent-elles pas quand elles parlent par énigmes. Mais, comme l’énigme du sphinx dans le mythe d’Œdipe, la parole de ces «incomplètes discoureuses » est à double sens : « [I] begin/ To doubt th’equivocation of the fiend/ That lies like truth », réalise Macbeth à l’acte V, scène 5, attestant que les sorcières l’ont « enroulé dans le double sens »(V,8), selon l’adage qui veut que le Malin trompe en disant la vérité, comme l’atteste le Portier, dans un discours lui-même plein d’équivoques grivoises et d’allusions à l’enfer, à l’acte II, scène 3, l.760-764 : « qui est là, sacré nom de tous les autres diables ? Parole, c’est le Double –joueur ; qui pourrait jurer dans les deux plateaux l’un contre l’autre ; qui a commis assez de trahisons au service de Dieu, et pourtant n’a pas pu «double-jouer » le ciel ! oh entre, entre, mon Double-Joueur » (p.69).

 

            Ainsi mesure-t-on, avec le mélange des registres propre au théâtre baroque élisabéthain, l’ambivalence d’un genre profondément déstabilisant. Si le personnage, en héros tragique, avance en aveugle face à son propre destin, le grotesque véhiculé par le Portier et les sorcières transforme l’ironie dramatique en farce grotesque. Ainsi se trouve posée la question du genre tragique.

 

III- La puissance créatrice du Mal comme moteur de la tragédie : le mal comme fondement dramaturgique           

« + qu’un thème ou une notion pour qualifier l’action des personnages », la puissance créatrice du Mal est, selon Frédéric Bialecki[10], le fondement dramaturgique de la tragédie.

 

1-L’action de la pièce est resserrée sur « la logique du pire », qui confère à la pièce son rythme convulsif et l’apparente à une descente aux enfers : du crime inaugural jusqu’à la mort du jeune Siward, en passant par l’assassinat de Banquo et l’extermination de la famille de Macduff, nous sommes emportés dans le vortex de l’action sans avoir le temps, la possibilité de trouver un point d’appui pour observer ce qui se passe.

L’assassinat de Duncan a d’abord lieu dans l’esprit de Lady Macbeth et de Macbeth, avant de s’accomplir dans le huis clos étouffant du château d’Inverness : l’une saisit l’opportunité, le «kairos » qui, selon, Machiavel, assure la victoire au prince audacieux et prompt à s’en saisir, dévoile les modalités d’un crime qu’elle n’ose pas exécuter elle-même, mais qu’elle parachève et maquille en trempant les poignards dans le sang de la victime pour en barbouiller les visages de ses chambellans ; l’autre voit l’arme du crime lui apparaître sous une forme hallucinatoire et agit comme guidé par ce signe qui préfigure le chemin vers le meurtre avant de sortir de la chambre funèbres, les deux poignards subtilisés aux valets de Duncan dans les mains. De ce meurtre longuement prémédité et perpétré tard dans la nuit d’été, au terme d’une fête censée consacrer la promotion de Macbeth au rang de favori du roi, nous entendons parler, nous n’assistons pas: encadré par la préparation et le parachèvement de lady Macbeth, ce crime n’existe que sous sa forme elliptique, l’ellipse conférant force et horreur à une vision plus insoutenable encore que les bruits et cris entendus, surprenant son de cloche appelant à l’action ou cri du hibou, métamorphosé par Lady Macbeth en chant du grillon. Les autres meurtres : celui de Banquo, de la femme et du fils de Macduff, du jeune Siward…et de Macbeth auront en revanche lieu sur scène.

C’est que « le sang appelle le sang » : chaque crime en entraîne un autre, selon un engrenage qui fait que la violence, d’abord fantasmée, se déchaîne peu à peu sur scène, jusqu’à l’hécatombe finale. « Mais silence » : le silence énigmatique de Banquo, seul témoin de visu et ex auditu de la prédiction des sorcières, dernier à avoir vu Duncan vivant et à avoir croisé Macbeth avant le meurtre, lui coûte la vie  quand, à l’acte III, scène 1, il s’adresse à lui en le nommant de ses titres honorifiques, dans l’ordre inverse de l’histoire récente (roi, Cawdor, Glamis), dont il fait ainsi la synthèse (« tu as maintenant tout, comme ont promis les sœurs fatales »), sans cacher sa crainte relative aux moyens qu’a empruntés Macbeth pour y parvenir (il le soupçonne d’avoir « ignoblement joué pour avoir tout ») et en rappelant que la prophétie des sorcières ne valait pas pour la descendance de Macbeth, mais pour la sienne. Il signe ainsi, à la place du banquet où le roi le convie pour recevoir ses hommages (« ne manquez pas notre fête »), son arrêt de mort, Dieu (« Dieu soit avec vous » lui dit Banquo en le quittant pour sa dernière chevauchée) ayant déserté la compagnie de Macbeth depuis que celui-ci a commencé à semer la mort en décapitant le royaume. Ne se sentant plus «en sûreté », Macbeth, qui se remémore l’antithèse de sa couronne stérile et de la prophétie de la lignée de rois descendant de Banquo, craint alors d’avoir « souillé son âme pour la race de Banquo », invoque le destin et excite la haine de deux hommes de main pour tendre un guet-apens à Banquo et à son fils Fléance.

Celui-ci échappant, après Malcolm et Donalbain, à la mort, l’inquiétude renaît et Macbeth endosse le rôle du tyran sanguinaire. Ne pouvant rendre son pouvoir effectif serein, il s’engage dans un cercle vicieux où il croit asseoir sa toute-puissance en multipliant les signes sanglants : à chaque fois il croit perpétrer le dernier meurtre, d’où sortira un sentiment de sécurité, mais à chaque fois se produit l’effet inverse, la fuite étant l’expression du «caractère sériel de la violence utilisé dans le cadre général de la transgression » (R. Marienstras).

Le mal se propage par contagion à partir du meurtre originel qui en est le centre, comme en témoigne le choix de ses prochaines victimes : la famille de Macduff, découvreur du drame et « traître », qui ne se rend pas au couronnement et refuse de se plier à la volonté du tyran. Repris par la fièvre, Macbeth devient une machine à détruire des vies parce que ce sont des vies : »whiles I see lives ». Ensauvagé, il tue pour tuer, le 1er meurtre ayant enclenché cette mécanique fatale selon une logique infernale. Macbeth voudrait bien l’interrompre, rêvant d’un meurtre qui serait le dernier, mais en vain : les actes qu’il est amené à commettre sont passés hors de son contrôle et, au lieu de réfléchir et de raisonner ses passions, il décide d’agir « avant que soit froid le projet », sans calcul rationnel. « Dorénavant les premiers fruits de mon cœur seront les 1ers fruits de ma main » (IV,1) : cette logique se retourne contre lui quand la prophétie le rattrape (V,5) et qu’il appelle, avec l’ordalie, l’apocalypse et la fin d’une vie stérile (« j’ai vécu assez longtemps »), endossant l’armure du héros et décidé à combattre jusqu’à ce que la chair soit arrachée de ses os.

 

2/ Créatrices d’ironie tragique, les prophéties, dont la réalisation est tantôt appelée de ses vœux, tantôt vainement combattues par Macbeth, perdent Macbeth, qui les interprète mal : il croit tenir un gage de son invincibilité quand elles annoncent sa perte et, conforté dans sa méfiance envers Macduff par des sorcières qui l’ont dupé en se faisant l’écho de ses propres désirs, il se précipite dans le piège qu’il veut éviter quand il envoie ses assassins aux trousses de Macduff et des siens. Avançant en aveugle face à son propre destin, le héros tragique met en branle le mécanisme qui aboutira à sa mort,

 

3/ Source[11] et produit d’une action[12] qu’il rythme et anime, le Mal  aura ainsi créé l’intrigue, animé l’action, précipité l’issue, décuplé les sentiments les + puissants des personnages (l’ambition, le remords, la colère, la peur…) et contribué à la dramatisation du temps tragique. Car l’intrigue, envisagée à partir du point de vue de Macbeth et structurée à partir de la prophétie des sorcières, est tout entière tendue entre l’attente et la crainte : attente de la réalisation de ce qui apparaît à Macbeth comme une prophétie, la révélation de ce qui est déjà l’engageant à espérer vivement ce qui n’est pas encore et le poussant à en précipiter la réalisation, dès lors que l’annonce de la succession de Duncan introduit une faille entre la réalité objective et la réalité subjective, l’empêchant désormais de jouir de ce qui est, sa promotion à la baronnie de Cawdor ; attente et crainte du meurtre de Duncan, perçu par le couple Macbeth comme la condition de l’accession à la royauté ; crainte de la révélation de l’horreur du crime et de la réalisation des prophéties concernant Banquo et la mort de Macbeth, après une suite d’événements à première vue impossible, mais annonciateurs d’une fin annoncée. Le présent étant « lourd d’un avenir terrible » qui le conditionne et l’oriente, le Mal, « ombre portée sur la réalité des choses », dramatise à l’extrême le passage du temps.

 

4/ La prophétie, qui donne un sens au temps , structure la vie de Macbeth comme un drame « deux vérités déjà, heureux prologue à l’acte où va se déployer le thème impérial » (I, 3). D’un bout à l’autre de la pièce, Macbeth prend conscience du pouvoir de cette prophétie maléfique, qui dramatise son existence, mais déréalise aussi sa vie : lady Macbeth s’inventent des scènes imaginaires, qui révèlent leur angoisse et leur culpabilité et leur font oublier la réalité du présent. Tout entier absorbé par l’attente, la crainte, le fantasme, qui est un scénario produit à partir du réel et de ses angoisses, il invente sans cesse, comme dans un théâtre d’ombres, tous les possibles de sa vie. Au point que sa vie intérieure devient plus réelle que son existence même : la vie a pris la couleur du songe, motif baroque, récurrent dans le théâtre de Shakespeare, parce que les prophéties invitent à vivre au-delà du réel et du présent. Ainsi la prophétie est en elle-même maléfique parce qu’elle produit un simulacre de vie, mais un simulacre + puissant que la vie même et qui relève de la puissance du diable, image faussée de Dieu. Le mal a fait de la vie un drame à la fois tragique et pathétique : « la vie n’est qu’une ombre qui passe, un pauvre acteur/ Qui parade et s’agite pendant son temps sur scène et puis qu’on n’entend + » (V,5). Ce constat amer, prononcé à la mort de sa femme, révèle le caractère factice de sa propre existence, sans en annuler les effets terribles et bien concrets. Le Mal transforme la vie en spectacle, la dramatise au sens littéral du terme : »allons, donnons le change en gardant le front haut : masuqons d’un faux visage ce que sait le cœur faux ». Le théâtre, que les autorités religieuses ont souvent accus d’empoisonner les âmes en contrefaisant l’œuvre de Dieu, est donc profondément lié à la question du Mal, dans sa nature même.

 

IV-Macbeth, une tragédie psychologique ?

 1/ En concentrant son action sur un couple infernal, la pièce pose la question du genre tragique. En effet, Aristote précise, dans sa définition de la tragédie, que la terreur et la pitié, moteurs de la catharsis, seront manqués si « l’on voit un scélérat tomber du bonheur dans le malheur » : « ce gendre d’agencement pourra peut-être susciter la sympathie, mais ni pitié ni crainte ; car l’une – c’est la pitié- s’adresse à l’homme qui est dans le malheur sans l’avoir mérité ; et l’autre – c’est la crainte- s’adresse à notre semblable (Poétique, XIII, 1453, 2-7). Or il n’y a pas pire crime que le régicide, puisque le roi est la source du pouvoir, du bien, le représentant de Dieu sur terre. Le roi est aussi le père de ses sujets, un père qui, dans le cas des Macbeth, a fait preuve de largesse et d’attention. Lady Macbeth, la plus machiavélique des deux au début de la pièce, ne recule-t-elle pas devant l’exécution de ce qui lui apparaît soudain comme un parricide ? Le crime sur lequel repose l’action est donc d’autant + pur qu’il n’a pas de motivation politique ni personnelle (vengeance, disgrâce, mépris) : généreux avec Macbeth, ses gens, sa femme (il lui a offert un diamant), il lui a rendu l’hommage d’une visite en s’excusant de la peine causée et a reconnu sa dette envers lui en lui donnant une baronnie (« ce qui t’est dû dépasse ce qu’on peut te payer ». Cousin de Macbeth, le roi a donc été à la hauteur de ses devoirs en faisant preuve de générosité, de sincérité et d’humilité. Prémédité froidement, lâchement exécuté de nuit, perfidement attribué à des gardiens innocents que Macbeth élimine et accuse, ce régicide semble relever + du drame que de la tragédie, tant elle exclut l’apitoiement du spectateur sur le sort du couple Macbeth.

 

 2/ Pourtant le spectateur s’émeut d’une perte qui l’emporte sur l’horreur d’actes finalement peu montrés : si le bonheur se renverse en malheur, moteur de la tragédie, c’est surtout dans la conscience des coupables, qui préjugent de leur force et ne profitent pas du crime. Avant même d’être commis, le crime fait le malheur de Macbeth, qui ne connaîtra jamais le bonheur escompté. En vérité, lorsque la pièce commence, il est déjà trop tard, conformément à l’essence de la tragédie, résumée dans le vers de Phèdre : « mon mal vient de + loin ». Les sorcières qui attendent Macbeth incarnent la fatalité extérieure, également représentée par la figure d’Hécate. Le Mal corrompt les protagonistes, coupables et victimes d’un mal qui les perd en encourageant leur démesure: « Sois hardi, sanguinaire et résolu ; méprise la force humaine ; car nul homme né d’une femme sur Macbeth n’aura de prise ». Jusqu’au coup de théâtre qui déclenche la catastrophe finale, l’ironie dramatique suggère que le Mal a une origine surnaturelle, transcendante, et que les protagonistes ont été les jouets du destin.

Mais la fatalité des crimes, annoncés et produisant le malheur de ceux qui les exécutent, fait aussi des personnages les spectateurs lucides de leur propre corruption. Ce progrès de la corruption fait l’intérêt psychologique des personnages, d’autant + intéressants qu’ils sont déchus et complexes. Tout d’édddddTout entiers pris par le rêve d’un bonheur illusoire, hantés par le remords, les Macbeth approfondissent leur malheur et perdent à jamais leur innocence. Le mal a pour objectif illusoire de faire disparaître le mal et précipite l’issue tragique. La nécessité, l’impossibilité de faire disparaître les traces du mal, la souillure, est l’expression même de la fatalité tragique : la trace du 1er crime est indélébile et l’eau, pas + qu’un sang nouveau, ne peut faire oublier la souillure. La fatalité est donc + intérieure qu’extérieure.

 

 3/ Plongée dans l’intériorité des deux personnages, la tragédie est l’histoire de l’approfondissement du mal dans leur conscience. Si ces personnages sont intéressants, c’est que le Mal les rend complexes. Les monologues et les a parte sont, par excellence, le lie de leur introspection, et les scènes de groupe (fêtes ou spectacle du somnambulisme) sont l’occasion d’une projection de leur culpabilité. La complexité vient ainsi du point de vue adopté sur les personnages, qui suscitent, malgré leur forfait, la crainte et la pitié, parce que le spectateur suit leur progression intérieure à partir de leur point de vue. C’est donc + l’histoire de leur intériorité que l’enchaînement des événements qui rythme la pièce et les fait apparaître à la fois comme coupables et innocents. Car cette descente aux enfers de la conscience les fait apparaître comme lucides. Les protagonistes voient les effets du mal sur eux-mêmes : ils commencent par les refuser en n’y voyant qu’un moment de faiblesse qu’ils vont pouvoir dépasser, mais la réalité et les conséquences de leurs actes s’emparent progressivement d’eux.

            Le Mal dissolvant tous les liens humains, les Macbeth meurent seuls et abandonnés : »Petits et grands se sont révoltés contre lui ; les gens qui le servent sont contraints et forcés, et le cœur n’y est + » (V, 4). Cette solitude, qui est le sort du tyran, est d’autant + tragique que Macbeth a tué par ambition, au nom de la considération des autres : lui qui a tant cherché l’estime des hommes s’en trouve définitivement privé. Ce qui lui a fait un temps renoncer à son acte, l’estime acquise et perdue, devient ma manifestation éclatante de son châtiment. Le drame de Macbeth est qu’il ne pourra + jamais faire coïncider cette image qu’il veut garder auprès des autres avec ce que son acte a fait de lui. C’est en ce sens que le mal est diabolique : il divise l’être, rend à jamais séparées l’image qu’il veut donner et la réalité de ce qu’il est. C’est sans doute pourquoi il se compare, à la fin de sa vie, à un acteur qu’on n’entend +. Il ne peut faire correspondre l’être et le paraître, voudrait paraître ce qu’il n’est +, voit ainsi ironiquement s’accomplir son souhait de l’acte I, scène 4 : que ses yeux ne voient pas l’acte commis par ses mains. La dissolution diabolique du moi ne pourra que s’amplifier, puisqu’il faut d’autres crimes pour retrouver une unité définitivement perdue. Il veut et doit, pour faire oublier son 1er meurtre, en commettre d’autres, car il reste attaché aux valeurs du bien, alors même qu’il s’est engagé sans retour dans la voie du mal.  Pour éviter une honte publique, il accepte d’affronter la mort : il n’a pas perdu son courage, mais il l’a corrompu en le mettant au service du crime. Il vit cette division jusqu’à son terme, après avoir triomphé de lui-même pour accomplir son crime, contre sa propre nature : « à tout ce qui devrait entourer la vieillesse, honneur, amour, respect, et des légions d’amis, je ne dois pas m’attendre ; à leur place il m’échoit des malédictions, pas moins intenses pour être muettes, ou l’hommage feint de paroles que le pauvre cœur voudrait, mais n’ose pas, désavouer » (V,3). On voit ici, en creux, ce que Macbeth aurait voulu faire de sa vie et qu’il s’est employé à faire, avec succès, jusqu’à sa rencontre avec les sorcières, jusqu’à ce qu’il s’engage, entraîné par sa femme, sur la voie contraire de son ambition. De même, ses paroles traîtresses au moment de recevoir le roi chez lui disent paradoxalement le fond de ce qu’il aurait voulu être. C’est parce qu’il corrompt cette nature, parce qu’il sait aussi le prix de ce qu’il a perdu, comme un homme marqué par le péché originel infusé par la présence féminine des sorcières, puis de sa femme, que le personnage peut nous toucher : sa complexité réside dans le fait qu’en accomplissant le mal jusqu’à son terme, il n’a jamais perdu son attachement au bien ou à ce qu’il considérait comme l’apparence du bien. La division diabolique entre ce qu’il a été du temps où il était bon et ce qu’il est devenu depuis son 1er crime lui a fait perdre son unité avant même de l’avoir poussé à commettre l’irréparable : « ma pensée, où le meurtre n’est encore qu’irréel, ébranle tant l’unité de ma nature humaine » (I,4).

 

            L’assurance de Lady Macbeth, qui ne semble éprouver aucun scrupule avant et après le crime, qui méprise les réserves de son mari et semble unifié dans le choix délibéré du mal, sont balayées par la faute criminelle. Lady Macbeth symbolise ainsi les illusions de la volonté. Le mal corrompt sa volonté et révèle sa faiblesse, d’autant + pitoyable que son discours fut volontariste et sans scrupules. Elle aussi est victime d’un dédoublement de personnalité et ne réapparaît + que l’ombre d’elle-même à partir de l’acte III, où elle ne maîtrise déjà + rien et est dans l’ignorance de ce que fait son mari. Celle qui avait fait de la sauvegarde des apparences son mot d’ordre se donne à lire comme un livre ouvert, à son insu. Sa descente aux enfers  prend les apparences de la folie. C’est d’ailleurs un docteur en médecine qui enregistre les symptômes d’un mal, qui n’est pas se son ressort. Le mal, qui a pris l’apparence de la maladie somnambulique, est métaphysique. Ce que la nuit avait d’abord caché devient spectacle et aveu. La distance construite entre l’être social et l’être profond s’est résorbée : « je ne voudrais pas avoir un tel cœur dans ma poitrine, pour tous les honneurs rendus à sa personne » (V, 1). Lady Macbeth n’a + d’identité parce qu’elle n’a + rien à cacher, à protéger : elle ne possède + rien, ni angoisse, ni souvenirs, ni projets. Condamnée à revivre les scènes traumatiques passées, elle sort du temps et se laisse emporter par l’horreur de son crime. Le Mal a révélé la structure profonde de la personne : derrière le masque de la volonté de maîtrise, l’inconscient dévoile les désirs et les actes refoulés. Le Mal révèle en corrompant la personnalité sa structure profond et son besoin d’opacité. La transparence de Lady Macbeth est le signe de sa dissolution.

 

            Le mal a donc une fonction créatrice sur le plan de la psychologie des personnages : il donne à voir les contradictions et les faiblesses de la conscience humaine. La maladie, l’imagination, le désespoir des héros tragiques manifestent les limites de la volonté, qui ne peut assumer seule le poids d’un mal dont l’origine est surnaturelle et qui les dépasse. Le mal est en définitive une formidable sonde pour explorer les méandres de la conscience. Macbeth et sa femme sont à la fois + mauvais et + complexes que les autres personnages, mais ils sont aussi + vivants.



[1] En anglais, « lunatic » désigne un malade mental.

[2] Le calvaire est évoqué dans tous les évangiles du Nouveau Testa ment :Matthieu (27:33) : « Arrivés au lieu nommé Golgotha, ce qui signifie lieu du crâne. » : Marc (15:22) : « Et ils conduisirent Jésus au lieu nommé Golgotha, ce qui signifie lieu du crâne. » :Luc (23:33) : « Lorsqu'ils furent arrivés au lieu appelé crâne, ils l'y crucifièrent. » : Jean (19:17) « Ils prirent donc Jésus ; il sortit portant sa croix et vint au lieu dit du crâne, ce qui se dit en hébreu Golgotha. ». Le mot לְגֻלְגַּלֹתָם, LGLGLTM, Legoulgualotam, apparaît quatre fois[3] au chapitre 1er du Livre des Nombres, versets 2, 18, 20 et 22. La traduction est “par tête” ou "par crâne", comme dans l'Exode 16, 16 ou 38, 26 et les Nombres 3, 47. Mais dans les Juges, 9, 53 (Abimelek) [4] et le 2e livre des Rois 9, 35 (Jézabel), גֻּלְגָּלְתּ, GLGLT, Goulgolèt signifie bien “crâne”.Le Golgotha, ou calvaire, représente le lieu de crucifixion de Jésus et des deux brigands. Certains avancent que lors de la crucifixion de Jésus, on aurait découvert le crâne d’Adam, enseveli en ce même lieu[5]. La tradition chrétienne enseigne que le sacrifice de Christ puis sa résurrection trois jours après, pardonne le péché originel dont Adam était responsable et apporte de ce fait le salut de l'humanité ; à tous ceux qui croient en ce salut.

 

[3] « fair hair » désignant une chevelure blonde, la traduction « le clair est noir et le noir est clair » souligne le clair-obscur dans lequel la pièce baigne, tandis que la traduction « le beau est laid et le laid est beau » reprend l’interaction de l’esthétique et de la morale dans le « kalos kagathos », contraction de « kalos » -beau – kai –et- agathos- bon- de la Grèce antique classique.

[4] « foul » peut évoquer une action moralement blâmable, qui transgresse les règles(« déloyal », « malhonnête », « crapuleux »), mais aussi une sensation, physique répugnante : « nauséabond », »fétide », « infect », »puant ».

[5] La pièce s’ouvre sur une double question des sorcières : »quand se retrouver réunies ? » ; « et où l’endroit ? »)

 

[6] Cette scène commence aussi par une question : « quel homme ensanglanté est-ce là ? »

[7] Les 1ères paroles de Banquo sont : « quelle distance pour Forres ? » ; « qu’est-ce que ça ? ».

[8] Knight les y dit « tendues, dramatiques » : « eh bien, quelles nouvelles ? » ; « IL a presque soupé : et pourquoi avez-vous quitté la salle ? » ; »lui m’a-t-il demandé ? » ; « ne le savez-vous pas ? ».

[9] II,2 « Pas entendu de bruit ?/ N’avez-vous pas parlé ? /Quand ? / Maintenant. / Comme je descendais ? »

[10] In « Le Mal », fiches et méthodes, Ellipses, 20010, p.83-89

[11] Cf réponse à la question sur le rôle de la rencontre de Macbeth avec les sorcières dans le questionnaire sur Macbeth

[12] Cf réponse à la question « le sang attire le sang » et à l’analyse de la « logique du pire ».