Témoignage d'André Berkover

André Berkover est l'un des survivants de la Shoah qui, à de nombreuses reprises, a frôlé la mort.

André Berkover est issu d'une famille modeste juive composée de 5 personnes. Sur ces 5 membres seuls sa sœur, son père et lui survivront. Il vivait dans un HBM (habitat bon marché) dans le 20ème arrondissement de Paris.

Son père était artisan maroquinier et travaillait à domicile. Son frère et lui était quant à eux scolarisés au lycée Voltaire. Puis à partir de juin 1940, le gouvernement de Vichy se met en place réduisant de plus en plus les libertés des Juifs. Ils sont d'abord tous recensés ( tampon "JUIF" sur les cartes d'identité), ensuite ils sont interdits dans les lieux publics (cafés, cinéma, etc,.. ), on leur interdit de posséder un vélo ou une radio, et enfin un couvre-feu est instauré de 20h à 6h. Si ils étaient surpris pendant la nuit, ils étaient envoyés au camp de Drancy.

La première arrestation dans sa famille fut celle de son frère aux bains publics début mai 1944. Il restera 8 jours au palais de justice avant d'être transféré à Drancy.

Son père sachant cela décida d'aller se cacher chez une tante (dont le mari avait été déporté en 1942) à un kilomètre de chez eux. Cependant sa mère et lui se rendent à nouveau à leur appartement mais tandis que sa mère s'absente pour faire des courses, il ouvre malencontreusement à des policiers croyant que c'était sa mère de retour. Finalement, sa mère revient et ils sont tous les deux emmenés au camp de Drancy le jour même, c'est à dire le 28 juin 1944 (date de leur arrestation). Il retrouve son frère Guy là-bas mais ne restera que deux jours.

Le 30 juin 1944, il est mené par la police française jusqu'à la gare de Bobigny où les attendent des nazis qui les font monter dans des wagons à bestiaux. Ils étaient près de 80 par wagon, ce qui provoquait une chaleur épouvantable. Son convoi était le n° 76. Personne ne savait où ils se rendaient. Durant le voyage qui dura trois jours, ils ne reçurent qu'un verre d'eau chacun. Deux personnes de son convoi tentèrent de s'échapper. On les fit tous descendre et on les menaça de tous les tuer si ils ne dénonçaient pas ceux qui avaient tenté de fuir. De peur, certains les dénonçèrent. Ils furent tous les deux fusillés après qu'on leur ai demandé de se déshabiller et de courir.

Arrivés à Auschwitz, des SS les firent descendre et leur ordonnèrent d'aller jusqu'au fond du camp (177 hectares ).

Sa mère fut directement gazée, il lui avait juste dit au revoir pensant la retrouver.

On demanda le métier de chacun et les musiciens, tailleurs et médecins furent mis à part. Il frôla la mort en mentant sur son âge pour rester avec son frère car les moins de 16 ans étaient jugés inaptes au travail et donc directement gazés (André Berkover n'avait que 14 ans ). On les mena ensuite à leur baraque où ils étaient environ 200, il n'était pas avec son frère. Les lits mesuraient 60 cm de large et possédaient ce qu'on peut appeler un "oreiller" et une "couette". Le matin, il devait être au garde à vous à 5h. Au début, ils entendaient sans problème mais par la suite ils étaient tellement épuisés qu'ils étaient réveillés à coups de matraque par les kapos (criminels en Allemagne qu'on employait dans les camps aux mêmes fonctions que les SS).

Leur déjeuner était constitué d'une sorte d'eau noîratre au goût infect qu'ils appelaient "café" et de soit d'une rondelle de saucisson, soit d'une cuillère de confiture ou soit d'un carré de margarine. Le dimanche, ils étaient réveillés à 7h au lieu de 5h.

Lorsqu'ils quittaient le camp pour aller travailler, des musiciens jouaient de la musique, de même pour le soir à leur retour vers 18h.

Il travaillait six jours sur sept dans un complexe chimique qui fabriquait du caoutchouc synthétique. Il leur était interdit de s'asseoir, de fumer ou de parler. S'ils étaient surpris, ils recevaient 25 coups de matraque sur les reins. Si les personnes tombaient inconscientes les SS continuaient quand même jusqu'aux 25 coups. Parfois le soir, plusieurs personnes étaient condamnées à la potence sans vraiment savoir la cause de leur pendaison. Le repas servi le soir était une soupe un peu plus consistante, seule chose qui leur tenait un minimum au corps.

L'infirmerie, quand on s'y rendait, leur appliquait une simple pommade sur les plaies sans désinfectant ni pansement. Il rendait visite à son frère qui était à l'hôpital du camp. Il ne fallait jamais rester plus de 8 jours sans travailler au risque d'être jugé inapte au travail et gazé par le biais de la "sélection". On faisait sortir tous les blessés et on décidait en fonction de leur têtes ceux qui étaient tués ou non. André sauva la vie de son frère en lui intimant l'ordre d'aller se cacher dans les latrines (les SS ne s'y rendaient jamais de peur de tomber malade). Le 18 janviers 1945, il fut réveillé à 5h comme d'habitude mais on leur ordonna de rester dans leur baraque.

Puis on les fit sortir et on leur donna un second petit déjeuner. Ayant un pressentiment, il courut saluer son frère encore à l'hôpital. Persuadé de le revoir, il quitta le camp (sans musique) et marcha toute la journée. Les personnes trop lentes étaient aussitôt fusillées. Ils s'arrêtèrent dans une bâtisse, dans un sous-sol, et repartirent au lever du jour. Enfin, ils arrivèrent dans un nouveau camp de concentration et furent embarqués dans des wagons à nouveau par -20°. Curieusement le convoi s'arrêta. On les fit descendre en rang par 5. Soudain, il entendit des coups de feu devant lui. Il se mit à s'enfuir en courant à travers la forêt voyant les balles sifflées et les autres tomber raides autour de lui. Il hésita à faire le mort mais continua à courir, ce qui lui sauva la vie une deuxième fois. (les SS mettaient une balle dans la tempe à tout ceux qui étaient à terre).

Il se réfugia dans une ferme polonaise où le fermier le cacha et le nourrit. Il fut sauvé par les Soviétiques et fut acheminé dans un hôpital où il fut soigné (pieds gelés au second degré). Puis il fut dirigé vers un centre de rapatriement le 4 mai 1945. Enfin il fut rapatrié le 10 mai 1945 à Marseille (il devait peser environ 20/30 kg) où il fut reçu chez une amie d'enfance de sa mère. Il retrouva son père et sa sœur le 11 mai 1945.

Après cette horrible expérience, il fut difficile pour lui de retrouver une vie normale. Néanmoins il réalisa une formation de dessinateur industriel, se maria en 1953 et eut une fille et un fils.

Commentaires

1. Le 21 mars 2016, 19:45 par Alexandre PARIS

Un récit très détaillé et informé du témoignage de M. Berkover, déporté à Auschwitz.