Première L. Lectures analytiques 2016-2017.

Le mythe de Salomé.

Discours de la servitude volontaire.

Commentaires

1. Le 04 octobre 2016, 12:17 par Emma

DESCRIPTION DE LA DANSE
- Beaucoup de détails sur ses mouvements, sur sa danse = scène vivante. Beaucoup de verbes de mouvements comme "elle se tordait la taille", "elle se courba".... Des postures acrobatiques "Sa nuque et ses vertèbres faisaient un angle droit" qui rappelle le bas-relief de la jongleresse sur la cathédrale de Rouen. Des étapes dans la danse qui mime les étapes de l'amour crescendo (connecteurs temporels comme "Puis", "Ensuite" qui montrent ces étapes): la légèreté de la poursuite amoureuse (comparaison avec le papillon), l'accablement l. 12, l'emportement de l'amour l. 21 et l'assouvissement frénétique avec l'adverbe "frénétiquement". Talent de comédienne de Salomé avec cette danse très expressive, comme le souligne Vitellius qui la compare à un mime l. 17. Insistance également sur le costume de Salomé "caleçons noirs", "ses vêtements": des habits de scène.
- Description de Salomé très riche ; personnage presque surnaturel. Un lien avec le sacré et la divinité: comparaison avec "Psyché", les "Bacchantes": énumération et parallélisme de construction avec la reprise de "comme" l. 21-22. Salomé  entre dans une forme de transe, à la manière des prêtresses. Le registre merveilleux du texte est souligné par l'image des "invisibles étincelles" l. 24 qui jaillissent de ses vêtements. Une progression qui peut être inquiétante puisque on aboutit aux "sorcières".
- Description musique, ambiance, spectateurs = le lecteur a l'impression d'assister au festin, il est un convive. Profusion de mots orientaux qui produisent un dépaysement et une musique étrange à la manière des instruments de la danse: "crotale", "mandragores", "cataractes"...Lecteur fasciné. Ambiance des mille et unes nuits
- SYNESTHÉSIE: mélange de sens qui conduit à enivrer les spectateurs: la vue avec des couleurs très vives et contrastées "la blancheur", "très noirs", "lèvres peintes", "gorge-de-pigeon", "arcs en ciel", l'ouïe avec les instruments à tonalité changeante: "flûte", "crotales", "gingras", "harpe" qui accompagne les étapes de la danse, le toucher "soie", "duvet".
- Parties du corps érotisées, sexualisées: lexique du corps omniprésent mais qui ne semble pas ordonné: on passe des "reins" aux "seins" puis aux "lèvres peintes", aux "sourcils" et aux "yeux". Le regard du convive ne peut s'attacher à une partie du corps précise, il est affolé par toutes les parties du corps de Salomé. Contraste entre le mouvement incessant des pieds et une immobilité maîtrisée du visage. C'est la danseuse qui donne le rythme "et s'arrêta brusquement" l. 34. Effet de surprise pour le spectateur: une entrée en scène très travaillée l. 1 et 2: le mystère du voile: sur le haut de l'estrade, elle retira son voile". Mise en scène bien rodée: renforcement de la sensualité par des éléments artificiels: les bijoux "calcédoines", "les brillants de ses oreilles sautaient" et le maquillage "ses lèvres étaient peintes".
- Jeu de regards, de séduction: "Ils se regardaient" l. 39. Magnétisme qui se dégage du personnage concentrant toutes les attentions.

FAMILLE QUI DYSFONCTIONNE
- Mère qui prostitue sa fille, devenue un appât, qui la manipule pour arriver à ses fins. Hérodias contrôle la scène en restant invisible "un claquement de doigts se fit entendre de la tribune": la mère? On adopte son point de vue aux lignes 19-20. Elle est sujet des verbes d'action. Femme machiavélique: "Salomé, sa fille" en position objet "que le Tétrarque aimerait": mécanisme du piège. Salomé = prolongement, outil d'Hérodias "C'était Hérodias, comme autrefois dans sa jeunesse". Ressemblance mère/fille (vision d'Hérode) qui montre que Salomé a été façonné à l'image de sa femme. Même personne.
- Contraste du personnage de Salomé entre la danse et la fin du texte : femme fatale, mûre, sensuelle/femme enfant, air enfantin, soumise et immature: "zézayant", "un air enfantin", "elle avait oublié le nom mais reprit en souriant" comme si elle se souvenait de la leçon apprise. Salomé, personnage presque comique, démystifié par le fin du texte. Pas de réelle transition entre les deux visages de Salomé, chute brusque. Ultime métamorphose de Salomé qui redevient une fillette naïve. Fin du texte = fin du rêve : Salomé démystifiée, qui oublie le but de sa danse. hésitation sur l'âge de Salomé, entre femme fatale et femme enfant. L'attitude finale d'Hérode "écrasé" peut être celle du lecteur face à cette Salomé décevante. 
- Comparaison de Salomé/animaux = animalisation de Salomé. "Elle avait fait instruire": Salomé: un "monstre" au sens étymologique de ce qui est montré parce qu'incroyable. Comparaison avec des animaux au début mélioratifs comme "papillon" puis péjoratif comme "grand scarabée": métamorphose inquiétante de Salomé.

- mélange enfance/ érotisme et mort (Éros/Thanatos): des contrastes déroutants pour le lecteur. Lexique de la mort "marbre blanc", "sorcières", "funèbres". La mort gît au sein de l'enfance. - Contraste saisissant entre la demande sanglante (mort, violence, blasphématoire puisqu'il s'agit d'un saint) et le ton employé (enfantin, antipoétique, hésitant, innocent: analyse de la ponctuation)
- Formulation de la demande ("je veux", "tu") = Salomé immature, rajeunît.

= Sacrifice de Salomé/sacrifice de St Jean Baptiste

= Elle est manipulée mais libre dans sa danse = elle danse pour elle, par passion. Le fait qu'elle oublie le but de sa danse montre cela.

CONVIVES
- Convives qui perdent pied. Folie, frénésie qui monte crescendo : "surprise", "admiration", "acclamations", "La foule hurlait": montée de la tension dramatique.  La foule est en plein délire, les personnages ne répondent qu'à leurs pulsions. Antithèses et énumérations l. 26-27 "abstinence", "débauches", "prêtres"...réunis dans le désir de Salomé: ils sont animalisés" dilatant leurs narines, palpitaient de convoitise". Concupiscence généralisée qui choque quand on associe cela aux "prêtres". Les convives se métamorphosent aussi au contact de Salomé.  Festin, ambiance orgiaque : sexualité, excès, vomissements...Tableau de la décadence qui contraste avec la splendeur de la danse de Salomé.

- Hérode se fait piéger, il met lui-même en scène sa propre défaite: il pense qu'Hérodias a disparu. Or, elle mène le jeu dans l'ombre: opposition entre "La vision s'éloigna" et "Ce n'était pas une vision". Délire d'Antipas proche de l'extase sexuelle, preuve du pouvoir de séduction immense de Salomé: "que des sanglots de volupté entrecoupaient". Il crie plus fort que la foule qui hurle: tout le monde peut entendre son engagement face à Salomé: répétition de "viens" qui montre une attirance incontrôlable. Ponctuation expressive, gradation de "la plaine de Tibérias" à "la moitié de mon royaume": il lui propose le trône à ses côtés, remplaçant sa mère.

- Paroles d'une fillette qui terrassent le Tétrarque : fort contraste. On passe sans transition de paroles dites sur le ton de l'innocence mais terriblement violente "la tête de Iaokanann" à l'anéantissement d'Hérode. On croit qu'Hérode est mort (une autre victime de Salomé en plus de Saint Jean Baptiste).

CONCLUSION:
- Division du texte en deux parties : rêve, folie (=danse)/réalité (=demande)
- L'idéal de Beauté = Flaubert atteint la Beauté par le style / Salomé l'atteint par la danse: une artiste.

- ouverture sur l'oeuvre de Wilde.


 

2. Le 19 novembre 2016, 20:17 par Muriel Baudry (lycée Marie Laurencin, Mennecy (91))

Intro: O. Wilde, écrivain irlandais de la fin du XIXème siècle, auteur de roman comme Le portrait de Dorian Gray, de pièces de théâtre à succès: de l'importance d'être Constant ou le mari idéal. Vie marquée par le scandale: homosexualité affichée alors qu'interdite à l'époque victorienne, vie de dandy...Procès qui lui a valut deux ans de prison. S'exile et meurt en France dans des conditions misérables. 

Salomé est une tragédie écrite en français pour Sarah Berhnart qui a toujours refusé le rôle à cause du nom sulfureux de Wilde. Pièce qui s'inspire du mythe de Salomé raconté dans les Evangiles mais surtout de sa réécriture par Flaubert dans Hérodias. La principale transformation du mythe dans cette pièce tient au fait que Salomé tombe amoureuse du prophète Saint Jean Baptiste.

Texte: fin de la pièce. Tableau visuellement saisissant d'une jeune fille tenant la tête ensanglantée du prophète et lui déclarant son amour. Texte dominé par une très longue tirade de Salomé et qui se termine par la mort du personnage éponyme. Ici, Salomé: un personnage qui a l'envergure des grandes héroïnes tragiques comme Phèdre ou Antigone.

I. Un personnage qui suscite la terreur du spectateur.

Un monstre narcissique:

- pronom "je" omniprésent. Pouvoir écrasant d'une parole toute-puissante, tyrannique: personne n'ose l'interrompre (les Nazaréens prient sans intervenir).  Maîtrise du verbe  en comparaison avec Hérode, pourtant tétrarque, qui a "peur", "se cache" et qui a besoin de sa femme pour se rassurer (inversion des rapport de force): impératifs répétés "viens" alors que répudiation d'Hérodias quelques moments auparavant avec la danse de Salomé. Jeux de lumière tout en contraste effrayants sur scène: "Un grand bras noir, le bras du bourreau, sort de la citerne", "la scène devient tout à fait sombre", "un rayon de lune": la seule voix de Salomé résonne sur scène "la voix de Salomé": création d'une atmosphère fantastique qui rappelle le sabbat des sorcières. Salomé associée à la lune (caractéristique des sorcières) : "un grand nuage noir passe à travers la lune et la cache complètement": annonciateur du châtiment final.

- Apparaît victorieuse et insolente: sa parole sonne comme une vengeance face au rejet du saint: progression entre  la négation l. 1 "tu n'as pas voulu me laisser baiser ta bouche" à l'affirmation répétée "j'ai baisé ta bouche" l. 49. l'interjection "ah!" l. 49 renforcée par la ponctuation expressive =le cri du désir assouvi. Alliance terrifiante entre l'amour et la mort (Eros et Thanatos). Double transgression de la part de Salomé: elle ne respecte pas la chasteté du saint et elle ne respecte pas le caractère sacré du corps mort qu'on doit laisser en paix + non respect de la règle de bienséances qui impose de ne pas montrer de sang ni de sexe sur scène (= violence faire au spectateur aussi).  Blasphème renforcé par l'assimilation du saint à une figure démoniaque avec l'évocation de la langue comparée à un "serpent rouge" ou à une "vipère rouge": rappel du serpent tentateur dans la Genèse: insistance avec les répétitions et avec l'allitération en V: "vipère", "vomi", "venin" (mots haineux et repoussants qui évoquent de façon négative la puissance de la parole prophétique du saint du début de la pièce). Salomé tenant la tête se saint-Jean Baptiste fait penser à un démon admirant son oeuvre. Effet de miroir repoussant pour le public. Elle remplace Dieu (qu'elle tourne en dérision) en faisant de sa tête un objet dont elle peut disposer à sa guise comme une enfant capricieuse "Je puis en faire ce que je veux", comme Dieu possédait l'esprit de saint-jean Baptiste: insistance sur les adjectifs possessifs "son Dieu", "ton Dieu"

- Outrage du corps du prophète: elle lui parle malgré sa mort: prosopopée (pronom "tu"). Il est incapable de répondre alors que vivant ses paroles étaient destructrices "Tu m'as dit des choses infâmes": il est impuissant et Salomé veut montrer cette défaite. Elle se moque de lui en le narguant: multiples interrogations rhétoriques. Elle est ironique "Ouvre tes yeux! Soulève tes paupières!": sadisme cynique. Une raillerie satirique, comme une réponse aux insultes du prophète: répétition de deux comparaisons "comme une courtisane, comme une prostituée" (association Salomé/Hérodias dans la bouche du saint) en opposition avec l'affirmation fière d'une noblesse soutenue par l'énumération en gradation et la ponctuation expressive finale "moi, Salomé, fille d'Hérodias, Princesse de Judée!". Mort ironique du personnage: reprise des propres mots de Salomé "fille d'Hérodias, Princesse de Judée" l. 55 en opposition avec sa mort misérable "écrasent sous leurs boucliers" (le terme "bouclier" apparaissant au début de la scène substitut du plateau "apportant sur un bouclier d'argent la tête d'Iokanaan"): Salomé et le saint se rejoignent.

- le saint chosifié: objet de l'appétit morbide et nécrophile de Salomé, qui, par désir d'appropriation, veut le dévorer "allitération en M "mordrai", "mes", "comme", "mord", "mûr" l. 2-3 ou dépouille sans sépulture livrée aux charognards "chiens" ou "aux oiseaux de l'air": la tête devient une anti-relique, en proie à tous les sacrilèges et Salomé une anti-Antigone.

= Folie du personnage, excès dans les gestes et dans les paroles= hubris grec: démesure du personnage tragique, sans limite de la raison. Raison représentée sur scène par un Hérode hypocrite: "c'est un crime contre un Dieu inconnu"

II. Un personnage qui suscite la pitié.

- La posture de tenir une tête morte rappelle le monologue d'Hamlet face au crâne de Yorick, le bouffon: "être ou ne pas être" = questionnement existentiel sur la solitude du perso. A travers sa folie, moment de lucidité, propre au perso tragique qui lui montre toute l'étendue de son horreur.

Beaucoup de négations comme "pourquoi ne m'as tu pas regardé" l. 35, "tu ne m'as jamais vue" l. 28: dépit amoureux d'une amante rejetée. Une déclaration pathétique et émouvante "Oh! comme je t'ai aimé. Je t'aime encore Ioakanaan. Je n'aime que toi" l. 28. Double rejet dont Salomé est victime: rejet du prophète et aussi de ses parents. Parallèle entre l'attitude de Saint-Jean Baptiste "tu as caché ton visage" l. 26 et celle d'Hérode "Hérode se cache le visage avec son manteau" (didascalie du début). Saint-Jean Baptiste = Hérode ici. Répudiation finale de Salomé, reniement d'Hérode qui ne prononce plus son nom "ta fille", la ramenant vers Hérodias puis "cette femme": démonstratif méprisant qui plonge Salomé dans l'anonymat qui contraste avec la didascalie finale "Salomé, fille d'Hérodias, Princesse de Judée" (volonté de l'auteur de rétablir la mémoire de l'héroïne?). La progression de "ta fille" à "cette femme" = évolution de Salomé. Absence de réaction énigmatique de la mère, qui pourtant s'affichait solidaire de sa fille "J'approuve ce que ma fille a fait". Une fois les désirs de ses parents assouvis (lubricité d'Hérode et désir de vengeance d'Hérodias), Salomé meurt seule et abandonnée, une paria, écrasée par des soldats, victime sacrificielle pour racheter le crime d'Hérode. Rédemption finale éventuelle suggérée par me "rayon de lune" qui "tombe sur Salomé?

- un blason lyrique à l'être aimé: une passion amoureuse déçue.

Un éloge funèbre très sensuel: S. parle du prophète à l'imparfait "Ta voix était" etc. Evocation du corps du saint "ton corps", "tes cheveux", "ta bouche" de façon méliorative et très poétique et élégiaque: "C'était un jardin plein de colombes et de lis d'argent". Métaphore qui rappelle de façon nostalgique l'Eden perdu, en totale contradiction avec l'évocation de la langue de "vipère rouge" du début de la tirade. Beaucoup de notations sensorielles, rappel de la synesthésie: la vue avec des couleurs très contrastées comme le "rouge", le "blanc" ou le "noir", des odeurs "encensoir" (allusion à la religion catholique affectionnée par Wilde), le toucher avec les matériaux nobles et riches comme l'ivoire ou l'argent, l'ouïe avec "quand je te regardais, j'entendais une musique étrange". Pour Salomé, Saint-Jean Baptiste est une Révélation mais une Révélation sensuelle (oppositions: "J'étais chaste, tu m'as déflorée": Saint-Jean Baptiste: un initiateur). Des superlatifs en anaphores "Il n'y avait rien au monde": le prophète est mis en valeur physiquement alors qu'il n'existait que par sa voix et son esprit. Salomé l'humanise. Rappel cependant morbide du "bouclier d'argent" sur laquelle se trouve la tête: répétition de l'adjectif "argent" l. 19 et 20 associé au terme "boucliers" l. 21.

Vocabulaire de l'amour très présent, soutenu une ponctuation expressive témoignant de l'élan amoureux irrépressible de Salomé: sa pulsion impatiente se lit dès la première didascalie "Salomé la saisit". Progression vers des termes excessifs pour exprimer son amour avec la métaphore classique du feu "tu as rempli mes veines de feu" s'opposant à l'eau "ni les fleuves ni les grandes eaux ne pourraient éteindre ma passion". Répétition de la négation "ni le vin, ni les fruits": exagération. Salomé victime d'une malédiction de l'amour (serait-ce son châtiment divin?): sa torture consisterait à aimer un saint...Folie amoureuse dont témoigne son obsession. Réunion finale de Salomé et de Saint-Jean Baptiste: on imagine le corps de Salomé sur la tête du saint, comme un rappel détourné de Roméo et Juliette.

Conclure sur l'opéra de Strauss.

3. Le 25 décembre 2016, 16:59 par Muriel Tostivint (lycée Marie Laurencin, Mennecy (91))

Lecture analytique 3: Apollinaire "Salomé".

Introduction "Salomé" Apollinaire.
- 1880-1918: engagé comme précepteur de la fille de la vicomtesse de Milhau. Voyage en Allemagne où tombe amoureux de la gouvernante anglaise Annie PLAYDEN: amour passionné et déçu. Proche du monde des arts: joue un rôle dans la création de l'esprit nouveau: proche de Picasso, des artistes cubistes. S'engage dans l'artillerie au moment de la guerre 14, blessé à la tête et trépané. Publie Calligrammes en 1917. Meurt de la grippe espagnole en 1918.
- 1913: parution du recueil Alcools, avec un sous titre "1898-1913": dimension autobiographique. A hésité entre plusieurs titres, dont "eau de vie". Le titre renvoie à la soif de curiosité du poète face au monde (intérêt pour les découvertes technologiques, les villes: vitesse et liberté): s'agit de se griser de modernité.
- Le mythe de Salomé est à la mode: de nombreuses réécritures à l'époque du poète. Première publication en 1905. Poème de facture en apparence classique: suite de quatrains avec alexandrins, avec alternance de vers: décasyllabe v. 14 et hexasyllabes les trois derniers vers, tous les schémas de rimes: croisées au début et parfois approximatives, embrassées et suivies dans la dernière strophe. Echos autobiographiques de sa rupture avec Annie Playden.

- les regrets d'un amour perdu: un poème élégiaque.

* le rappel d'un fervent premier amour: 2ème strophe à l'imparfait réactive le souvenir de l'amour de Salomé pour Saint-Jean Baptiste: répétition de "battait", connotation du terme "coeur" =la passion amoureuse. La "parole" du prêcheur v. 5 a un pouvoir séducteur et envoûtant sur S qui "écoute". Parole du prophète: une musique qui rythme la danse inspirée de S. Dévotion marquée par le don de la "banderole" brodée (la broderie: pratique de jeune fille qui peut rappeler les chansons de toile médiévales qui racontent la séparation avec l'être aimé). Le "lys" fleur symbole de royauté: S. se soumet à son amoureux dont elle brode l'étendard ou la bannière. "bâton" renvoie au statut de prophète berger humble et pauvre qu'est Saint-Jean Baptiste.

* reproche innocent de la jeune fille déçue adressé à Hérode: l'interrogative "et pour voulez-vous qu'à présent je la brode" v. 9: le ton de l'enfant capricieuse. Marque de déférence à Hérode avec l'interjection "ô". Possessif "vos soldats": arrestation de Saint-Jean Baptiste qui rappelle l'arrestation de Jésus au mont des Oliviers. Signes prémonitoires de la fin tragique de Baptiste: "les lys" "se sont flétris dans mon jardin" ("mon jardin"= évocation de l'innocence du Jardin d'Eden ou désignation de l'intimité de S.).

* pouvoir de renaissance: volonté naïve et touchante de ramener Saint-Jean Baptiste à la vie avec le subjonctif présent du début "pour que sourie encore une fois" v 1. La danse, porteuse de mort peut peut-être aussi être porteuse de vie selon S.: "je danserais mieux que les séraphins": danse sacrée car comparée à celle des anges. Candeur de cette promesse faite à Hérode qui l'a exaucée une première fois: un retour en arrière impossible. Signe de renaissance avec "le bâton" qui refleurit "sur les bords du Jourdain": lieu où Baptiste a baptisé Jésus. Miracle mentionné fréquemment dans la religion chrétienne, témoin de l'éternité du martyre.

* strophe finale: une comptine qui reprend une chanson populaire connue "j'ai du bon tabac dans ma tabatière", décalée par rapport à la gravité tragique de l'histoire tirée des Evangiles. Légèreté enfantine qui contraste avec la mort omniprésente.

= rappelle de la figure tragique d'Ophélie dans Hamlet: amante violemment rejetée par Hamlet qui tue son père. Sombre dans la folie. Se noie après la mort de son père.

- une danse macabre.

* la cour du roi Hérode semble en deuil: lexique de la tristesse "vous êtes triste" v. 3 (pourtant, Hérodias devrait se réjouir) renforcé par la rime avec "Baptiste" v. 1, "ne pleure pas" v. 14 (alors qu'il s'agit du fou: S le console: la tête décapitée de Saint-Jean Baptiste remplace la banderole brodée du début). Seule, S. semble joyeuse et pleine d'entrain: des impératifs "venez tous avec moi" v. 13, "ne pleure pas" v. 14, "n'y touchez pas"v. 16, "marchez" v. 17:elle donne des ordres au roi et à son armée "trabants" et ordonne la marche funèbre qui conduit au cimetière "enterrerons". La dernière strophe est au futur: un élan enthousiaste. L'enterrement semble une fête synonyme de vie "nous planterons des fleurs" v. 19, une farandole, une ronde "danserons en rond" (répétition sonore "rond"), une noce "ma jarretière". S. le seul personnage dynamique et énergique face à une cour qui semble pétrifiée de chagrin. Elle mène le cortège en incitant chacun à s'y mêler: pronom"nous" très présent dans la dernière strophe, beaucoup de verbes d'action "creuserons", "enterrerons", "planterons, "danserons" au son d'une chanson populaire tourbillonnante (les rimes caractéristiques de la chanson ainsi que la longueur très courte des vers finaux). C'est une fête de la saint-jean inversée ( normalement, la fête de la saint-jean célèbre la naissance de saint-Jean Baptiste. Or ici, célébration de sa mort).

* évocation éventuelle d'une danse macabre: S. serait alors l'allégorie de la mort. Au moyen-âge, représentation dans les églises de la mort emmenant dans une danse morbide les êtres humains, tous amenés à mourir quelque soit leur rang social. Les vivants sont sommés de participer à cette danse: les impératifs de la dernière strophe. De plus, on retrouve à la fin du texte le "roi" v. 22 avec "le curé" v. 23, personnages traditionnellement représentés dans cette danse. Impuissance du clergé dont l'image est dégradée avec le terme familier et populaire "curé"ou des prières "rosaire", "bréviaire" à lutter contre la toute-puissance de la mort.

Salomé

Pour que sourie encore une fois Jean-Baptiste
Sire je danserais mieux que les séraphins
Ma mère dites-moi pourquoi vous êtes triste
En robe de comtesse à côté du Dauphin

Mon coeur battait battait très fort à sa parole
Quand je dansais dans le fenouil en écoutant
Et je brodais des lys sur une banderole
Destinée à flotter au bout de son bâton

Et pour qui voulez-vous qu'à présent je la brode
Son bâton refleurit sur les bords du Jourdain
Et tous les lys quand vos soldats ô roi Hérode
L'emmenèrent se sont flétris dans mon jardin

Venez tous avec moi là-bas sous les quinconces
          Ne pleure pas ô joli fou du roi
Prends cette tête au lieu de ta marotte et danse
N'y touchez pas son front ma mère est déjà froid

Sire marchez devant trabants marchez derrière
Nous creuserons un trou et l'y enterrerons
Nous planterons des fleurs et danserons en rond
Jusqu'à l'heure où j'aurai perdu ma jarretière
          Le roi sa tabatière
          L'infante son rosaire
          Le curé son bréviaire

Poème d'abord publié en 1905 avant d'être intégré dans le recueil Alcools

4. Le 12 février 2017, 20:29 par Muriel Tostivint (lycée Marie Laurencin, Mennecy (91))

Intro Huysmans.

- Salon de 1876 que Huysmans, écrivain et critique d'art, a l’occasion de découvrir les deux tableaux que Gustave Moreau a peints sous le titre de Salomé dansant devant Hérode et de L’Apparition. Admiration de ce peintre.

- il en acquiert deux reproductions qui ont un rôle important dans son œuvre A rebours paru en 1884 (un hommage au peintre). Héros : Des Esseintes, un esthète qui se retire dans sa maison de Fontenay-aux-Roses, loin d’un réel qui le dégoûte parce que trop orienté vers le matérialisme bourgeois.

= récit en réaction contre Naturalisme de Zola (auquel a pourtant appartenu Huysmans) et plaidoyer pour le Symbolisme.

Anecdote de la tortue.

- Une description de ces tableaux de Moreau qui ornent la maison de Des Esseintes et le plongent dans un autre monde : une rêverie artistique qui correspond au genre de l'ekphrasis (la description d'un tableau ou d'une œuvre d'art dans un texte littéraire). Mise en abyme car l'oeuvre littéraire parle d'une autre œuvre.

 

I. Une atmosphère fantastique. Annoncée dès le début par le titre de l'aquarelle : l' « Apparition » qui évoque le surnaturel et le comparatif de supériorité « plus inquiétante encore ».

- un décor oriental raffiné et mystérieux.

Un palais de conte de fées ou des mille et une nuits : le style oriental « Alhambra », « moresque », « arabesque ». Jeu de couleurs et de lumières introduit une ambiance onirique évoquée grâce à des comparaisons qui tentent d'exprimer une étrangeté : métaux précieux comme l' « argent » ou l' « or ». Crescendo dans les effets de lumières décomposées : « prisme », « arc-en-ciel ». Mélange des sens qui participe au trouble : les odeurs sont évoquées à la fin du texte : « senteurs fauves », « fumée dans les encens et dans les myrrhes » l. 36. Parfums très puissants.

- une scène sanglante de cauchemar

Contraste très fort avec la courte proposition de l'ordre du constat qui rompt l'harmonie de ce décor: « Le meurtre était accompli », qui ne signifie pas l'achèvement de l'action car la tête du saint domine Salomé. Lexique du sang omniprésent avec « cou cramoisi » (allitération en [k], sonorité dure à l'oreille), « dégouttant de larmes », avec des détails macabres comme « saignant toujours, mettant des caillots de pourpre sombre aux pointes de la barbe et des cheveux ». Le lecteur adopte le point de vue interne de Salomé sidérée par cette apparition fantastique : lexique de l'horreur et de la peur « Affreuse ascension » (= une référence à l'Ascension du Christ mais différence à cause de la majuscule sur « Affreuse »), « terrifiante vision » l. 15, « horrible tête » l. 31 qui provoque la terreur de la danseuse avec « épouvante » l. 15, « terrifiante » l. 15, « ses yeux se dilatent » l. 16. Il s'agit de son hallucination « Visible pour la Salomé seule » l. 33. Solitude de Salomé dont l'attitude d'épouvante contraste avec la rêverie d'Hérodias l. 33 et la désir assouvi du Tétrarque l. 34.

- une scène vivante où les objets s'animent

Passage des temps du passé avec l'imparfait de description « le palais d'Hérode s'élançait » par exemple au présent de narration « Salomé repousse la terrifiante vision » l. 15. L'action se déroule sous nos yeux selon le principe de l'hypotypose. Le texte guide notre regard sur le tableau. Des Esseintes, double de Salomé, a aussi une vision du tableau qu'il anime en imaginant des parfums, des mouvements : « la piquent au cou » l. 29. Il s'identifie aussi à Hérode avec la comparaison « Tel le vieux roi ». Il se projette dans le tableau.

Verbes pronominaux comme « les pierres s'animent » l. 28, le décor semble vivant avec le verbe d'action « rampaient » l. 6. = personnifications des choses qui échappent au contrôle de Salomé.

 

II. Le martyre de Salomé.

- deux corps face à face: le corps incomplet mais tout-puissant de Saint-Jean Baptiste/ le corps triomphant dans sa souveraine beauté mais vulnérable. Deux sources de lumière.

Blason très sensuel du corps de Salomé dont les bijoux réhaussent la nudité : parties du corps érotisés comme « taille », « cuisses », « seins », « ventre ». Beaucoup d'adjectifs mélioratifs comme « superbe » l. 21 ou « merveilleux ». La description n'est constitué que d'une seule phrase : un rythme haletant reflet du regard et du désir d'Hérode ou de Des Esseintes. Une mise à nue « les voiles se sont défaits, les brocarts ont croulé » l. 18. Cependant, les bijoux portés : une menace pour le personnage, prisonnier de sa parure surchargée avec le « gorgerin » qui lui serre le cou, une « ceinture » qui l'entoure : la capture de la danseuse. Hyperbole sur les bijoux « une gigantesque pendeloque » qui deviennent envahissants. Déshumanisation de Salomé qui semble se métamorphoser en bijou elle-même. Les mots très recherchés de l'auteur comme « onyx » par exemple font aussi penser à des bijoux sonores qui ornent le corps de Salomé.

Rapports avec le corps horrible du saint : l'auréole « s'irradiant en traits de lumière » l. 12 = « un merveilleux joyau darde des éclairs » l. 21, insistance sur la tête du saint « le chef décapité » l. 10, « le cou » l. 11, « la bouche décolorée », « le globe vitreux des prunelles » l 14, « la barbe » « les cheveux » l. 32 : une sorte de contre-blason ou de blason morbide, alors que toutes les parties du corps de Salomé sont évoquées. Les couleurs violentes attachées à la description de la tête sanglante s'opposent aux couleurs positivement connotées comme « aux tons laiteux, aux teintes de rosé d'ongle » l. 25 (rappel du poème de Mallarmé : « Ses purs ongles très haut dédiant leur onyx »). Contraste entre l'immobilité de la danseuse « la cloue, immobile, sur les pointes » : un geste resté en suspend et les mouvements de la tête « le chef décapité du saint s'était élevé ». La tête du saint en position de domination : Salomé est sa proie comme le montrent les termes forts comme « attachées », « crispées sur la danseuse » l. 14. Vengeance, violence du châtiment réservé par le saint transformé en monstre animal.

- reprise du mythe de la mort d'Héraclès ou de celle de Créüse (victime de Médée) : ces deux personnages mythologiques meurent à cause d'une tunique empoisonnée reçue en cadeau mais qui transforme leur corps en brasier. Même sort réservé ici à Salomé : lexique du feu avec de nombreuses comparaisons « points de feu, vermeils comme des charbons... ». Sorte de feu d'artifice mêlant des couleurs très vives et contrastées : « vermeils », « violets », « bleus », « blancs » (à noter les effets sonores des allitérations). La torture physique de Salomé exprimée par l'énumération « la piquent au cou, aux jambes, aux bras »  mais aussi par l'étouffement « sa main étreint convulsivement sa gorge »: elle est assaillie, sans défense face à un saint sans pitié : un soleil vengeur. Pas d'allié puisque ses parents ne sont pas concernés par la vision.

La soumission, la défaite et la vulnérabilité de Salomé face au saint renforce son pouvoir érotique selon Des Esseintes. Enumération de comparatifs d'infériorité et de supériorité : « moins majestueuse, moins hautaine mais plus troublante » l. 38. Le martyre de Salomé serait une autre scène érotique après la danse.

Conclusion: ouvrir sur les extraits de films: Fish Tank et/ou La graine et le mulet.

5. Le 06 mai 2017, 18:34 par Muriel Tostivint (lycée Marie Laurencin, Mennecy (91))

Discours de la servitude volontaire (1576) La Boétie: "Pauvres gens misérables"

introduction:
- présentation de l'auteur:
* Etienne de La Boétie né à Sarlat en 1530, dans le Sud-Ouest de la France.
* Très jeune, devient conseiller au Parlement de Bordeaux et tente de mener une politique de conciliation face aux troubles religieux (entre catholiques et protestants) au service du roi.
* meurt très jeune à 32 ans en 1563.
* rencontre Montaigne au Parlement: amitié célèbre avec La Boétie, devenue presque proverbiale: "Parce que c'était lui, parce que c'était moi" dit montaigne dans son essai De l'Amitié.
 
- présentation de l'oeuvre:
* A la mort de La Boétie, les manuscrits du dircous sur la servitude volontaire écrits par La Boétie alors qu'il était étudiant, sont légués à Montaigne pour qu'il les publie dans ses Essais.
* Mais, les calvinistes (protestants) publient une édition pirate du discours en l'intitulant Contre'Un: ils y voyaient une critique du pouvoir royal en France.
* La Boétie se propose en effet de réfléchir à un problème politique majeur: pourquoi l'humanité accepte-t-elle la domination d'un tyran? Sa réflexion peut être aussi lue comme une réponse au Prince de Machiavel publié en 1532.
 
- présentation de l'extrait: un des textes les plus célèbres du discours, marqué par la virulence du propos qui paraît encore très actuel. L'auteur n'envisage pas de recours à la violence pour sortir de la tyrannie. Pour lui, le simple fait de ne plus servir le tyran mettra fin à son pouvoir.
 
 
 

1) un discours éloquent.

- une adresse directe au lecteur: impression d'oralité.

* L'apostrophe initiale "pauvres gens misérables..." a valeur d'exorde (début d'un discours destiné à capter l'attention de l'auditoire: la captatio benevolentiae). Adresse directe et théâtrale qui témoigne d'un certain agacement de La Boétie: l'allitération en [p] avec "pauvres", "peuples", "opiniâtres" peut le montrer ainsi que le point d'exclamation final. Rythme ternaire en crescendo: la gradation impressionne le destinataire.

* pronom "vous" omniprésent et accusateur: en début de phrase. On a l'impression d'être dans un procès. Puis le pronom "vous" occupe la place de sujet et d'objet "vous vous usez", "vous vous affaiblissez": nous sommes à la fois coupables et victimes de l'oppression, acteur de notre propre perte et cause de notre malheur. Un texte culpabilisant qui permet de nous impliquer dans le raisonnement. Le pronom "je" n'intervient qu'à la fin du texte.

* l'impératif "Soyez"

- un discours polémique et véhément, un mélange d'indignation et de colère pour nous faire réagir.

* une série de termes à connotation péjorative dès la première phrase pour dénigrer le destinataire "misérables", "insensés", "opiniâtres": blâme la passivité et la soumission du peuple dans sa lâcheté. Le peuple est deshumanisé: il est tenu en laisse par son maître "bride", il accepte ce que les "bêtes" ne voudraient pas. La Boétie est sans concession, il est franc, ce qui provoque un effet de surprise. Brutalité et violence des mots, autorité de celui qui parle s'oppose symétriquement à la violence morale et physique qu'exerce le prince sur ses sujets.

* série d'interrogations rhétoriques au coeur du discours: remise en question des convictions ancrées dans le public.

* des répétitions incessantes et martelées pour frapper la mémoire du lecteur: les énumérations et les gradations prennent une place importantes dans le texte, soulignant également les antithèses en cascade comme "vos filles" et "luxure" et "vos enfants" et "boucherie" par exemple: La Boétie exprime une succession d'aberrations qui touchent le lecteur au plus intime de lui-même. On remarque en effet une progression entre "vos maisons" et "vos ancêtres" au début du texte puis "vos filles" et "vos enfants" à la fin du texte, qui touchent plus. La Boétie veut faire naître des émotions chez le lecteur pour mieux le persuader.

* une ironie mordante soulignée par les paradoxes qui défient la logique et le bon sens comme "comment a-t-il tant de mains pour vous frapper s'il ne vous les emprunte?". L'adverbe "si courageusement" est une antiphrase: La Boétie critique ici l'héroïsme épique inutile et va à rebours de tous les discours de propagande vantant le sacrifice et le dévouement stupide pour la patrie. Un discours pacifiste et très moderne.

2) un anti-Prince.

- un réquisitoire contre le tyran (qui n'est pas nommé: censure? volonté d'universalité de la part de l'auteur?) à l'inverse de Machiavel dont le but est de montrer comment le tyran doit conserver et augmenter son pouvoir.

* une démystification du pouvoir monarchique: opposition entre le pluriel "vos ennemis" et le singulier "l'ennemi" ce qui introduit l'idée que le tyran est seul et donc en situation d'infériorité numérique. La Boétie atténue la réalité du pouvoir du prince qui n'est réduit qu'à une seule personne. Il va à l'encontre du culte de la personnalité. Perspective de révolte possible.

* appellation méprisante: "ce maître" renforcé par le démonstratif semble ôter l'aura du prince, renvoyé à un maître de maison dont le peuple serait le domestique. La négation restrictive: "n'...que" est une façon aussi de le dévaloriser. On a l'image diminuée d'un roi qui normalement est un roi de droit divin. Ici, il n'est plus qu'un homme, semblable aux hommes qu'il opprime. Son autorité abusive devient donc illégitime et il devient possible de le renverser.

* vocabulaire du corps réaliste: "deux yeux", "deux mains", un corps": il s'oppose au monstre invulnérable que le tyran devient grâce au peuple: "tous ces yeux qui vous épient" (qui rappelle le monstre Argus dans la mythologie antique), "tant de mains", "les pieds". On retrouve cette idée du monstre à la fin: "tel un grand colosse dont on a brisé la base" qui reprend l'image du colosse au pied d'argile évoquée dans la Bible qui montre la fragilité de son pouvoir.

* le tyran est un être violent et immoral: lexique de la violence physique"vous tue", "il les dévaste" et psychologique "tous ces yeux qui vous épient" se mêle au lexique du vol "ses pilleries", "larrons". Le prince concentre tous les vices, les péchés capitaux "la luxure", "convoitises", "mignarder dans ses délices", "vautrer dans ses sales plaisirs". On a une violente satire du monarque. On a aussi une image de décadence et de chaos qui peut frapper le lecteur. Dimension religieuse du texte qui ressemble aussi à un sermon.

- la condamnation de l'impuissance du peuple. Pour La Boétie, le peuple est responsable de son oppression.

* à l'inverse de Machiavel, La Boétie s'adresse du peuple directement, il le fait exister et veut réveiller les consciences.

* registre pathétique: La Boétie montre de l'empathie face à un peuple qui souffre (lexique du malheur): on remarque la puissance visuelle des images comme "vous élevez vos filles afin qu'il puisse assouvir sa luxure, vous nourrissez vos enfants pour qu'il en fasse des soldats", ce qui apparaît vite comme insupportable aux lecteurs. Succession de propositions subordonnées de but qui transforment les sujets en instruments de leur propre perte, ce qui montre la perversité sadique du prince. Ce qui apparaît aussi à travers ces paradoxes, c'est l'absurdité d'une telle société fondée sur l'exploitation du peuple au profit du prince.

- un hymne à la liberté et à l'indépendance

Le paragraphe final correspond à une péroraison dans un discours: l'auteur pousse à agir avec cet appel poignant. Plaidoyer en faveur de la désobéissance civile.

* le futur s'oppose au présent itératif de tout le texte qui présente des attitudes constantes et habituelles comme une fatalité que l'on accepte. Le futur donne de l'espoir. Le tyran ne peut pas exister sans le peuple.

* impression de facilité: des phrases courtes. Enchaînements d'actions soulignée par la répétition de "et" "et vous voilà libres", "et vous le verrez". La résistante est présentée comme facile, évidente et immédiate avec la négation "seulement de ne plus le soutenir". Solution claire et simple même si on peut penser que c'est illusoire, trop facile. Discours très optimiste, qui repose sur la foi en l'homme caractéristique des humanistes.

Conclusion: ouverture sur la réflexion de Pierre Clastres ou le texte de Montaigne.

 

 

    Pauvres gens misérables, peuples insensés, nations opiniâtres à votre mal et aveugles à votre bien ! Vous vous laissez enlever sous vos yeux le plus beau et le plus clair de votre revenu, vous laissez piller vos champs, voler et dépouiller vos maisons des vieux meubles de vos ancêtres ! Vous vivez de telle sorte que rien n’est plus à vous. Il semble que vous regarderiez désormais comme un grand bonheur qu’on vous laissât seulement la moitié de vos biens, de vos familles, de vos vies. Et tous ces dégâts, ces malheurs, cette ruine, ne vous viennent pas des ennemis, mais certes bien de l’ennemi, de celui-là même que vous avez fait ce qu’il est, de celui pour qui vous allez si courageusement à la guerre, et pour la grandeur duquel vous ne refusez pas de vous offrir vous-mêmes à la mort. Ce maître n’a pourtant que deux yeux, deux mains, un corps, et rien de plus que n’a le dernier des habitants du nombre infini de nos villes. Ce qu’il a de plus, ce sont les moyens que vous lui fournissez pour vous détruire. D’où tire-t-il tous ces yeux qui vous épient, si ce n’est de vous ? Comment a-t-il tant de mains pour vous frapper, s’il ne vous les emprunte ? Les pieds dont il foule vos cités ne sont-ils pas aussi les vôtres ? A-t-il pouvoir sur vous, qui ne soit de vous-mêmes ? Comment oserait-il vous assaillir, s’il n’était d’intelligence avec vous ? Quel mal pourrait-il vous faire, si vous n’étiez les receleurs du larron qui vous pille, les complices du meurtrier qui vous tue et les traîtres de vous-mêmes ? Vous semez vos champs pour qu’il les dévaste, vous meublez et remplissez vos maisons pour fournir ses pilleries, vous élevez vos filles afin qu’il puisse assouvir sa luxure, vous nourrissez vos enfants pour qu’il en fasse des soldats dans le meilleur des cas, pour qu’il les mène à la guerre, à la boucherie, qu’il les rende ministres de ses convoitises et exécuteurs de ses vengeances. Vous vous usez à la peine afin qu’il puisse se mignarder dans ses délices et se vautrer dans ses sales plaisirs. Vous vous affaiblissez afin qu’il soit plus fort, et qu’il vous tienne plus rudement la bride plus courte. Et de tant d’indignités que les bêtes elles-mêmes ne supporteraient pas si elles les sentaient, vous pourriez vous délivrer si vous essayiez, même pas de vous délivrer, seulement de le vouloir.

    Soyez résolus à ne plus servir, et vous voilà libres. Je ne vous demande pas de le pousser, de l’ébranler, mais seulement de ne plus le soutenir, et vous le verrez, tel un grand colosse dont on a brisé la base, fondre sous son poids et se rompre.

6. Le 10 mai 2017, 18:26 par Muriel Tostivint (lycée Marie Laurencin, Mennecy (91))

Lecture analytique 2: extrait des Essais de Montaigne "Des cannibales".

Introduction:

- présentation de l'auteur: Montaigne (1533-1592)

* fils d'un négociant bordelais ayant participé aux guerre d'Italie menées par François Ier: admiration pour ce pays marqué par l'Antiquité. Ce père transmet les valeurs humanistes à son fils qui, jusqu'à 6 ans, ne sait que parler latin! Très bonne connaissance des ouvrages latins et gracs qu'il cite abondamment dans ses Essais.

* rôle politique de Montaigne au parlement de Bordeaux:

rôle de négociateur et d'intermédiaire du roi alors que sa région est touchée par les guerres de religion.

Y rencontre La Boétie: amitié proverbiale: un chapitre des Essais "De l'Amitié" explique leurs relations.

* Rédaction des Essais: à la mort de son père, se retire dans son château pour écrire son oeuvre. Une oeuvre divisée en chapitres très différents fondés sur des expériences personnelles à partir desquelles il tire des réflexions sur la condition humaine.

- Des Cannibales: la découverte du Nouveau monde en 1492 a bouleversé les mentalités. Un titre assez provocateur car reprend le cliché des Occidentaux sur les Indiens. Montaigne confronte ici les inégalités criantes de la civilisation européenne dite civilisée et la solidarité des hommes prétendus parbares pour nous donner une leçon de tolérance.

- présentation du texte.

1) la satire de la société française.

- le réalisme de cette anecdote qui s'ancre dans un lieu et un temps précis:

* indications spatio-temporelles: "Rouen", "du temps de feu roi Charles neuvième" (= 1562)

* met en scène des individus particuliers: "trois d'entre eux", pronom "je"

* du dialogue sous la forme de discours indirect souligné par les nombreux verbes de paroles "parler" ou "dire" ajoute de la véracité.

* les oublis et les incertitudes du narrateur donnent paradoxalement un aspect crédible au récit: "j'ai perdu la troisième", problème de traduction: répétition de l'intensif "si": "si mal", "si empêché". Complicité avec le lecteur: Montaigne se moque volontiers de lui-même.

- les critiques adressées à la société française de cette époque:

* critique politique de la monarchie héréditaire: antithèse entre "un enfant" singulier connotant la fragilité et l'inexpérimentation et la gradation au pluriel "grands hommes, portant barbe", forts et armés" qui sont soumis à l'enfant. La majuscule de "Roi" renforce l'absurdité du système qui met une couronne sur la tête d'un enfant ayant un pouvoir disproportionné, comme un caprice.

* l'égocentrisme des Français: les cannibales n'ont pas la parole: en situation d'objet "le roi parla à eux", "on leur fit voir". Mise en avant du prestige de la culture français dont la ville de Rouen est un des fleurons à l'époque avec des adjectifs possessifs: "notre pompe", "notre façon": outrecuidance, orgueil et suffisance des Français qui mettent tout en oeuvre pour éblouir les "sauvages". Les réponses sont orientées avec les adjectifs mélioratifs "belle ville", "admirable". Le roi et la cour partent du principe que les Indiens sont inférieurs, qu'ils n'ont rien à apporter aux Européens qui doivent au contraire leur montrer un modèle de civilisation (= ethnocentrisme)...

* critique sociale: les Indiens dénoncent la misère: "mendiants", "nécessiteuses", image forte "décharnés de faim" opposé à "hommes pleins et gorgés de toutes sortes de commodités", "maisons" = inégalité criante, injustice sociale et manque de fraternité de la société française. Les Indiens montrent l'envers du décor de la "belle ville".

2) portraits des cannibales.

- leur ouverture d'esprit: pas de portrait physique (sauf le détail vestimentaire final): choix volontaire de Montaigne pour mettre l'accent sur autre chose que leur apparence. Un  portrait moral qui montre leur finesse d'observation "avaient aperçu", leur lucidité et leur esprit critique. Ils restent libres et indépendants dans leur jugement, prenant le contre-pied d'un discours hypocrite et courtisan. Leur discours est ordonné: connecteurs logiques: "en premier lieu", "secondement" et rigoureux. Ils n'hésitent pas à critiquer ce qu'ils voient en attendant qu'on leur demande (respect de la politesse): contraste entre "admirable" et l'adjectif "étrange" répété plusieurs fois qui montre leur étonnement plutôt que l'admiration attendue.

- leur conception de la hiérarchie: notion de chef paradoxal qui concentre le pouvoir en temps de guerre mais qui prend des risques "marche le premier" montrant par là sa bravoure, son sens du sacrifice, son courage et son charisme. Mais, en temps de paix, ses privilèges sont minimes: "on lui dressait des sentiers". Image du bon roi, protecteur, se préoccupe de son peuple puisqu'il va voir les "villages", il est solidaire: une leçon de simplicité et de modestie pour le roi de France.

- la société des Indiens: une utopie marquée par l'égalité visible dans leur façon de s'exprimer avec la métaphore de la moitié, par la justice sociale puisqu'ils ne peuvent pas concevoir la passivité des plus pauvres. Termes mélioratifs comme "repos", "douceur" qui caractérise l'état de nature = paradis perdu, Eden mythique, une image du bonheur et de l'innocence. Cependant, Montaigne nuance ce mythe car il évoque la réaction brutale préconisée par les Indiens: "prissent les autres à la gorge", "missent le feu à leur maison" (= violence). Pas d'idéalisation ici.

3) l'attitude humaniste de Montaigne.

- une attitude parallèle à celle des Indiens:

* la curiosité: pose des questions qui progressent de façon rationnelle et réfléchie: sur la supériorité du chef, sur le nombre d'hommes sous le pouvoir du chef et sur les privilèges du roi. Ces questions appellent des réponses concrètes. Montaigne se comporte comme un ethnologue, motivé par le désir d'apprendre et non d'éblouir comme ses contemporains. Il apparaît comme un sage par cet interrogatoire qui se démarque de celui mené par les courtisans du roi. Montaigne s'implique personnellement avec le pronom "je". Les Indiens aussi sont curieux "désir de nouvelleté", mais cette curiosité de l'autre les conduit à leur perte: ils ont été trompés.

* le décentrement de l'attention: les Indiens regardent la pauvreté plutôt que les fastes du pouvoir. De même, Montaigne détourne l'attention du lecteur: il ne reproduit pas le discours du roi "Le Roi parla à eux longtemps": cette ellipse montre le manque d'intérêt du discours protocolaire. En revanche, il accorde la majorité de son texte à la minutieuse retranscription des paroles des Indiens. Montaigne utilise le point de vue faussement naïf des Indiens pour critiquer sa société. Procédé qui annonce l'esprit des Lumières: exemple: Les Lettres persanes de Montesquieu.

- l'expression d'une empathie touchante: la première phrase montre la prémonition d'un danger avec le futur "coûtera". Ces Brésiliens apparaissent comme des victimes. Le contact avec la civilisation occidentale est mortifère: lexique péjoratif "ruine", "corruption" comme une sorte de fléau, de maladie qui va les dévaster en opposition avec la pureté de leur "ciel". L'adjectif "misérables" donne un aspect pathétique et triste au début du texte. Montaigne entrevoit, impuissant, la dégradation de leur existence.

- une chute qui brouille les pistes:

* une fausse note par rapport à l'ensemble du texte: le point d'exclamation alors que le ton de tout le texte est mesuré; le retour à des détails matériels liés à l'apparence: "les hauts-de-chausses" alors que tout le texte était une réflexion sur le pouvoir. Montaigne semble adopter le point de vue général en renvoyant les Indiens à la pauvreté de leur costume, signe d'infériorité intellectuelle et culturelle. Très surprenant pour le lecteur qui doit réfléchir pour savoir où se situe Montaigne.

* ironie par antiphrase: Montaigne se moque des préjugés des occidentaux, montrant leur superficialité, le fait qu'ils soient piégés par les apparences, contrairement aux Indiens. Valorisation implicite des Indiens et renversement des valeurs : qui sont les civilisés? qui sont les barbares? Même principe pour le titre "des cannibales" qui contraste avec le contenu du texte à l'opposé d'une image de sauvagerie.

7. Le 14 mai 2017, 10:53 par Muriel Tostivint (lycée Marie Laurencin, Mennecy (91))

Lecture analytique 3: la lettre de Grandgousier à son fils Gargantua:

Intro Rabelais.

Date de naissance incertaine: 1483-1553.

- Exerce plusieurs métiers:

* moine franciscain puis bénédictin: les couvents, un lieu d'érudition et d'échanges intellectuels à l'époque. Se lie avec G. Budé, grand hélleniste, Erasme, le prince des humanistes.

* quitte l'habit de moine pour devenir médecin: importance du corps dans l'oeuvre. Rabelais traduit et commente Hippocrate et Galien.

* activité littéraire: publie sous le pseudonyme d'Alcofribas Nasier Pantagruel (fils de Gargantua) puis Gargantua (viendront ensuite le Tiers puis le Quart Livre). Bénéficie de la protection des Du Bellay contre les attaques des théologiens de la Sorbonne.

- Gargantua publié en 1534: une histoire de géant qui reprend de façon burlesque le style épique. On peut y lire une allégorie de la France, *passant de l'ère médiévale à la période de la Renaissance humaniste (qui correspond à l'épisode de l'éducation de Gargantua),

*par les guerres picrocholines (en référence au conflit entre François Ier et Charles Quint)

*et allant vers l'utopie de l'abbaye de Thélème

- présentation de l'extrait: situation du texte dans l'oeuvre (à replacer dans le contexte des guerres picrocholines à raconter)

  1. la lettre d’un père à son fils : un appel au secours

    1. on retrouve toutes les marques du genre épistolaire: la date "Ce vingt septembre", la signature "Grangousier", "ton père", les formules traditionnelles "Salue pour moi", avec la bénédiction paternelle:  "que la paix de Christ"...La situation d'énonciation est aussi caractéristique de la lettre: échange différé entre un destinateur "je" et un destinataire "tu"

On note une grande proximité affective entre le père et le fils comme le montre les adjectifs possessifs et le vocabulaire affectif renforcé par le superlatif "mon fils bien aimé", "mon très cher fils". Complicité entre le père et le fils vue à travers l'adjectif possessif "nos amis" par exemple. Gargantua désigné comme l'héritier non seulement du royaume mais aussi des valeurs morales de son père. Cette communication simple et aisée s'oppose à l'échec du dialogue avec Picrochole. Respect du père évoqué: "piété filiale"

C'est une lettre familière qui ancre le lecteur dans un univers privé et qui favorise l'identification du lecteur. Renforce aussi le réalisme du texte. On est loin ici de l'humour bouffon du texte et la signature "Grangousier" (le grand gosier) apparaît décalé dans ce contexte sérieux.

On notera enfin que la lettre est le moyen de communication privilégié des humanistes à travers l'Europe: Rabelais a entretenu une correspondance fournie avec Erasme (fait-il y lire aussi une relation père/fils?)

                2. Grangousier "au pied du mur": il est en situation de vulnérabilité, diminué par l'âge "ma vieillesse" et trahi par ses alliés: antithèse entre "trompé", "sois inquiété" qui connote la transgression du pacte de loyauté et "confiance", "sur lesquels je me reposais le plus" qui suggère la valeur sacrée de fidélité. Il est dans une situation paradoxale car ce sont ses amis les plus proches qui le trahissent: on a ici une forme d'ironie tragique.

Le roi apparaît comme une victime, le vocabulaire tragique lui est attribué "fatale destinée": l'atmosphère est solennelle et grave.  Isolement et solitude de Grangousier aux abois.

Le roi répète l'urgence de la situation au début et à la fin de la lettre: les impératifs "reviens en hâte", les futurs de la fin de la lettre ou l'expression "force m'est de t'appeler au secours" montrent l'inquiétude de Grangousier loin de l'image d'une splendeur royale toute-puissante. A travers cette vision du pouvoir, Rabelais nous transmet l'image d'un monde politique instable, où tout peut être remis en cause, en écho à son époque (voir la sphère tombée dans le tableau d'Holbein).

                    3. La dernière étape de l'éducation de Gargantua: un nouveau prince philosophe. Reprise de l'idée développée par Platon (philosophe de l'Antiquité grecque bien connu des humanistes) dans sa République (livre V): selon Platon, il faut que les philosophes deviennent rois: mûri par l'éducation, le philosophe est le seul qui puisse gouverner la cité, grâce à sa compétence.

Lexique de la connaissance bien présent avec "ferveur de tes études", "quiétude philosophique". Le noms des trois compagnons humanistes symbolisent aussi le savoir humaniste: Ponocrates = dur à la tâche, bourreau de travail; Gymnaste = le maître de gymnastique (importance du corps dans l'éducation humaniste), Eudémon = l'heureux, le bien doté (=optimisme des Humanistes).

Pour gouverner la cité, le philosophe doit quitter sa "quiétude philosophique" et donc subir une contrainte, se faire violence comme le prouve l'expression "force m'est de t'appeler": Grangousier exerce une contrainte sur son fils, à regret d'ailleurs. Il s'agit de mettre en œuvre les leçons apprises pour une formation complète, le savoir doit être utile. Balancement rythmique entre le lexique de l'action "armes brandies", "exécution résolue" et celui de la réflexion "saine réflexion" , "recherche" : action et réflexion sont complémentaires et mêlées. Le savoir est utilisé au service de l'action.

Le prince philosophe doit favoriser le bien commun: le pluriel "des gens et biens" montre l'importance des sujets du roi (le peuple). Le roi doit être au service du peuple avant tout: "non pas tant moi que les tiens". Son but doit être le bonheur et la sécurité du peuple: altruisme, sens du devoir et générosité. C'est un anti-Machiavel.

 

  1. le portrait d’un tyran : Pichrocole

                         1. il se caractérise par sa violence.

Marquée par son nom "Picrochole" = bile amère = colère violente. "colère tyrannique" C'est le roi de Lerné.

Brutalité et agressivité de ce personnage: lexique de la folie "excès", "sans cause ni raison", "folle entreprise": vocabulaire dépréciatif d'un roi qui ne connaît plus de limite. Tempérament irréfléchi et impulsif.

Refus du dialogue et de la négociation diplomatique antithèse entre "provocation" et "courtoisement": discrédit de Picrochole, marqué par son archaïsme politique car c'est à l'époque de Rabelais que les ambassadeurs et la diplomatie politique se développent pour éviter les guerres.

Cause de la guerre absurde: Grangousier ne parvient pas à savoir les raisons de la guerre avec la double négation "sans cause ni raison". Il s'agit du conflit entre les fouaciers de Picrochole et les bergers de Grangousier: prétexte dérisoire à une guerre de conquête.

                         2. Une guerre de conquête illégitime

Soif de pouvoir et ambition politique souligné par le lexique de la guerre offensive "a envahies", "provocation et prétention au droit de disposer de mes terres". Immoralité de Picrochole qui n'apparaît plus comme un personnage comique mais comme une force incontrôlable et menaçante avec "jour après jour, il poursuit sa folle entreprise". Il est présenté comme un fléau qui se propage sans qu'on puisse lui opposer d'obstacle.

Un rappel de Charles Quint, ennemi de François 1er: la devise de Charles Quint est "Plus outre" = appétit toujours inassouvi de conquêtes territoriales. Un côté démesuré qui là aussi fait penser à un personnage tragique en proie à la folie de la démesure (=hubris en grec).

                    3. le rôle de la religion: un roi abandonné de Dieu.

Paradoxe visible dans la lettre: Grangousier se présente au début comme seul et isolé et sans allié. Or, c'est Picrochole qui apparaît comme "abandonné". Référence à la doctrine évangélique très ancrée chez les Humanistes (notamment chez Lefèvre d'Etaples, Marguerite de Navarre (la soeur de François 1er) et Erasme). L'homme sans Dieu est vouée à la méchanceté et à la folie (voir note page 242 de Gargantua). Cela définit une sorte de christianisme intérieur et sous entend l'idée selon laquelle il y a un rapport direct entre l'homme et Dieu (sans passer par l'intermédiaire du clergé).

Dieu apparaît ici comme proche des hommes, suivant leurs affaires politiques: Picrochole aveuglé par sa soif de pouvoir est perçu comme dénué de protection divine, ce qui présage sa damnation. Cela rejoint la fin de la lettre où Grangousier prend bien soin de bénir son fils en le mettant sous la protection du Christ (en contraste avec Picrochole). Majuscule à "Lui" qui est le sujet des actions: "c'est Lui qui [...]me l'a envoyé": Picrochole est présenté comme étant une épreuve imposée à Grangousier par volonté divine, sa mission étant de le ramener à la raison. Grangousier se met en scène comme étant un instrument de la volonté divine.

  1. le bon roi : Grandgousier

    1. la parole d'un sage.

Une parole raisonnée et équilibrée, très maîtrisée: multiplication des connecteurs logiques "mais", "puisque", "car", "de même que ...de même", ce qui est à l'image du personnage marqué par la réflexion,  la tempérance et la modération.

Une parole universelle au présent de vérité général (2ème paragraphe): Grangousier donne une leçon de politique à son fils. Une parole didactique qui cherche à se faire comprendre le plus clairement possible avec une série d'oppositions binaires comme "vaine la recherche et inutile la réflexion". Ces parallélismes de construction donnent la sensation d'un personnage posé, qui mesure ses paroles.

Humilité d'un roi qui se soumet à l'autorité divine et qui donnent la priorité à ses sujets: opposition "non pas tant moi ...que les tiens". Idée que le peuple de Grangousier forme une famille avec "les tiens". Lexique de la religion avec "Lui", "Christ", "Dieu éternel" qui rappelle la toute-puissance divine. Un roi pieu, un portrait positif de Grangousier.

2. il est l’opposé de Pichrocole

→ antithèse du 3ème § + parallélisme de construction « mais »: "mon intention n'est pas de provoquer mais d'apaiser...". Opposition entre un lexique de la conquête et celui de la guerre défensive "défendre", "préserver", "sauver"

→ échec de la négociation et du dialogue: alors que Grangousier se caractérise par la logique rationnelle de son discours en posant des questions "en quoi, par qui et comment", Picrochole apparaît comme son exact contraire car sa folie se lit dans ses réponses hors sujet "je n'ai eu d'autres réponses que provocation et prétention au droit de disposer de mes terres".

Grandgousier fait preuve de patience, de générosité et d'humanité face aux provocations de P, se montre réticent à se lancer dans la guerre et tente d’éviter la guerre jusqu’au bout.

3. Grandgousier incarne l'optimisme humaniste.

→ Il cherche des alternatives à la guerre: répétition de l'adverbe "tout": "j'ai tout fait pour modérer", "en lui offrant tout ce que je pensais", également le pluriel "à plusieurs reprises".

→ emploi du futur à la fin de la lettre: une issue favorable au conflit. Vocabulaire positif "nous sauverons tout le monde", "joyeux". Ne se laisse pas aller au désespoir ni à la lamentation. Compte sur l'intelligence humaine: "pièges et ruses" pour éviter les morts. Grangousier à la fois lucide et optimiste.

 

Conclusion :Possibilité d'ouvrir également sur la lettre de Gargantua à Pantagruel étudiée page 362 du manuel ou sur la deuxième ,illustration de Robida (où l'on voit l'armée de Picrochole parcourir le globe).

« La ferveur de tes études aurait voulu que je ne t’arrache pas de sitôt à ta quiétude philosophique, si la confiance mise en nos amis et anciens alliés n’avait aujourd’hui trompé la sécurité de ma vieillesse. Mais puisque telle est la fatale destinée que je sois inquiété par ceux-là même sur lesquels je me reposais le plus, force m’est de t’appeler au secours des gens et biens qui te sont confiés par droit naturel.

Car, de même que les armes brandies sont sans effet s’il n’y a pas de saine réflexion à l’intérieur, ainsi sont vaine la recherche et inutile la réflexion qui ne sont pas suivies en temps utile d’une exécution résolue et conduite à bien.

Mon intention n’est pas de provoquer, mais d’apaiser ; pas d’assaillir, mais de défendre ; pas de conquérir mais de préserver mes fidèles sujets et mes terres patrimoniales, que Picrochole a envahies sans cause ni raison et où, jour après jour, il poursuit sa folle entreprise au milieu d’excès qu’aucune personne bien née ne peut tolérer.

J’ai tout fait pour modérer sa colère tyrannique en lui offrant tout ce que je pensais pouvoir le satisfaire, et je lui ai à plusieurs reprises courtoisement fait demander en quoi, par qui et comment il s’estimait outragé ; mais je n’ai eu d’autres réponse que provocation et prétention au droit de disposer de mes terres. J’en ai conclu que Dieu éternel l’a abandonné à son libre arbitre et à son propre jugement, qui ne peut être que méchant s’il n’est pas continuellement guidé par la grâce divine ; et que c’est Lui qui, pour le ramener au sentiment du devoir et à résipiscence1, me l’a envoyé ici sous de funestes auspices.

Aussi, mon fils bien aimé, aussitôt que tu pourras, à la lecture de cette lettre, reviens en hâte nous secourir, non pas tant moi (ce que tu dois pourtant par piété filiale) que les tiens, que par devoir tu peux sauver et préserver. L’affaire se fera avec le moins d’effusion de sang possible ; et, si l’on peut, par des moyens plus expédients, pièges et ruses de guerre, nous sauverons tout le monde et les renverrons joyeux chez eux.

Mon très cher fils, que la paix de Christ, nôtre rédempteur, soit avec toi.

Salue pour moi Ponocrates, Gymnaste et Eudémon.

Ce vingt septembre,

Ton père,

Grandgousier. »

 

1 Repentir, pénitence

 

8. Le 21 mai 2017, 20:16 par Muriel Tostivint (lycée Marie Laurencin, Mennecy (91))

Lecture analytique Picrochole.

1) la satire de Picrochole: un roi de pacotille, un conquérant en chambre.

- un roi dominé: ses conseillers monopolisent la parole. Picrochole ne fait que de courtes interruptions, souvent hors sujet. Manque de répartie et de vocabulaire: répète "par ma foi". Considérations décalées et à contre-temps: "Que boirons-nous dans le désert?" Préoccupations triviales et futiles contrastant avec les enjeux belliqueux. Cependant, cela peut le rendre sympathique: perso. proche de Gargantua qui adore le vin. De même, il ressemble à un touriste avide de voir les curiosités des pays qu'il conquiert: interrogative "Verrons-nous Babylone et le mont Sinaï?"

- les conseillers sont en supériorité numérique: énumération au début du texte. Ils sont sujets des actions et Picrochole objet "nous allons faire de vous" l. 3. Les deux interrogatives l. 36 et 42 montrent la dépendance de P face à ses conseillers. Il ne remet pas en question leur folie de conquêtes: absence d'esprit critique, infantilisation du roi qui devient un objet entre les mains de ses conseillers. Malgré son nom "Picrochole: bile amère, colérique", le roi semble passif et soumis comme une marionnette attentive, un enfant gâté, happé, hypnotisé par une parole épique qui le fascine. Un enfant crédule et naïf à qui on raconterait des histoires de chevaliers conquérants: l'identification fonctionne car P se dédouble,  à la fois spectateur et acteur de son histoire dans l'exclamation et l'interjection "nous sommes affolés. Ha, pauvres gens!" qui désigne son armée torturée par la soif dans le désert: il compatit à son propre malheur. Montre également son caractère pusillanime: la soif lui fait peur. En revanche, aucune marque de sensibilité face aux pillages des guerres.

- Incohérence dans son rapport à la religion: propos familier concernant le Pape avec la négation "je ne lui baiserai pas la pantoufle" qui montre son irrespect et son manque de raffinement, sa grossièreté. Cela s'oppose à son intérêt pour des lieux de pélerinage comme "le temple de Salomon"ou "le mont Sinaï".

- une caricature de Charles Quint: ennemi de François 1er. Son empire s'étend de l'Espagne à l'Allemagne + les colonies du Nouveau Monde. Une puissance qui encercle la France menacée. On parlait de l'empire « sur lequel le soleil ne se couche jamais ». Plusieurs références à l'actualité de ce roi: deux de ses ennemis: Barberousse et le Pape (mis de façon comique sur le même plan car sous-entend la comparaison entre les deux personnages) et deux projets de constructions grandioses:  les colonnes d'Hercule, le temple de Salomon, symbolisant sa mégalomanie, sa folie des grandeurs, sa vanité et son orgueil qui le font rivaliser avec les demi-dieux (Hercule). Il veut donner une image de lui supérieure avec "je lui ferai grâce", montrant une mansuétude artificielle. La toute-puissance de Charles Quint est tournée en ridicule: Rabelais est le relais littéraire de François 1er, il attaque Charles Quint par les mots et par le comique pour le dévaloriser.

= On est loin de l'image du chef de guerre traditionnel! on est plutôt face à un fantoche et à un bouffon.

2) la satire des mauvais conseillers.

- comique de l'onomastique (= noms des personnages): un titre de noblesse associé à une désignation péjorative, voire scatologique "Merdaille": grotesque renforcé par la majuscule. Cependant, dans leur prise de parole, ils ne sont plus différenciés par la suite: ils parlent d'une seule voix, comme s'ils étaient un seul personnage.

- des courtisans flatteurs, habiles et manipulateurs: ils donnent une bonne image de leur chef avec les superlatifs "le plus heureux et le plus chevaleresque", les titres de noblesse "Sire", "le prince",  la comparaison avec les grands noms de l'Antiquité "Hercule", "Octavien Auguste" alimentant le narcissime de P. soucieux de marquer l'histoire "la mer Picrocholine". Le roi devient le héros d'une épopée exceptionnelle car en position sujet: "vous attaquerez", "vous saisirez". Se font passer pour de grands stratèges avec la proposition de séparer l'armée en deux parties.

- des conteurs d'une chanson de geste ridicule: on retrouve les topoï épiques:

* le lexique de la conquête et de la guerre: "ils prendront", "vous saisirez" deux fois, "vous pillerez", "vous dominerez", "nous prendront". Beaucoup de verbes d'action qui contrastent avec le pacifique "Verrons-nous Babylone?"

* des lieux exotiques, un décor de croisades: un élargissement géographique avec des énumérations sans fin qui abolissent toute limite de l'extension territoriale (référence à la devise de Charles Quint: "plus outre"): des lieux familiers "l'Aunis, la Saintonge..." puis de plus en plus étranges par leurs sonorités: assonance en "i" et en "a": "Lydie", "phrigie" puis "Luga", "Sébaste": noms fantaisistes, qui rappellent la littérature de voyage. Des références à l'Orient fascinant et merveilleux dont l'image est héritée des croisades: "le sultan", "Jérusalem".

Cependant, détournement de la chanson de geste:

* ellipse des difficultés de la conquête: répétition de l'adjectif "tout": "tous les navires", "toute la Barbarie"...Les pluriels "villes, châteaux et forteresses" l. 11 = hyperboles qui donnent le tournis. Termes comme "facilement", "premier assaut" donnent l'impression que les conseillers brûlent les étapes. Les ennemis capitulent sans combattre: "voici Barberousse, qui se reconnaît votre esclave", "le pauvre monsieur du Pape meurt déjà de peur" (désignation ironique). La victoire semble facile. Sensation de rapidité dans la succession des actions avec l'anacoluthe: "passé la mer Picrocholine, voici Barberousse" et l'asyndète "et fonceront sur la Morée. nous la tenons". Une incohérence dans les paroles des conseillers: ils incitent P à l'action rapide: "et fonceront sur la Morée" tout en voulant le freiner avec l'impératif "Ne soyez pas si précipité", reprenant à leur compte la devise oxymorique "Hâte-toi lentement": veulent se donner une image de sage tempéré alors qu'ils alimentent la folie de démesure de P.

* une absence de chronologie: la majorité des verbes sont au futur "ils prendront" par exemple. Des conseillers sûrs d'eux et déterminés. Cependant, présent avec "Nous la tenons", "qui se reconnaît votre esclave". Le présent prend valeur de réalité et montre le délire verbal et belliqueux des conseillers.

= une parodie de conseil de guerre, une parodie de chanson de geste d'une pseudo épopée qui n'a pas encore eu lieu. P devient une légende du grotesque.

Conclusion: ouvrir sur le topos du Miles Gloriosus (le soldat fanfaron): textes de Plaute et de Corneille distribués en classe.

A retenir: On retrouve dans ces deux textes les excès du vantard, même si chez Rabelais, Picrochole garde une place secondaire.

- Matamore évoque des cibles fantasmagoriques, rêvées: les amplifications caricaturent le registre épique. Ses victoires sont totales sans que soient évoquées la difficulté ni la longueur des batailles. Le résultat des combat est toujours radical: la destruction absolue.

- Le personnage de Matamore de Corneille n'a aucune complexité humaine: il apparaît davantage comme une marionnette dont le discours est presque mécanique, ce qui est un des ressorts du registre comique.

9. Le 11 juin 2017, 20:13 par Muriel Tostivint (lycée Marie Laurencin, Mennecy (91))
Notes sur les textes compélmentaires non vus en AP la dernière fois:
Erasme page 366 sur la traduction de la Bible.
- Erasme condamne ceux qui refusent la traduction de la Bible: il ne veut pas que la Bible soit réservée à une élite. Désir de retour aux sources de la religion chrétienne pour mieux la diffuser et la mettre à portée de tous.
- La Bible soit être traduite pour que les populations les plus éloignées du livre la lisent: les femmes, les hérétiques comme les Turcs ou les Sarrasins. La traduction de la Bible permettrait de mieux comprendre et d'adhérer au message biblique. Chacun pourrait s'en imprégner et y penser dans des activités quotidiennes (le travail). Pour Erasme, cela permettrait un progrès moral: la Bible est un code de bonne conduite. La connaître, c'est adopter les vertus chrétiennes.
- optimisme d'Erasme, enthousiasme percéptible dans les hyperboles, les exagérations et les invraisemblances (les Sarrasins se mettraient à lire la Bible???!!!). Foi des humanistes en l'homme.
= message récupéré par la Réforme protestante. Mais attention, ici, à la différence des protestants, pas de remise en cause de l'ordre religieux.
 
Du Bellay page 367.
Du Bellay défend la thèse selon laquelle la langue française a un fort potentiel. Au XVIème siècle en effet, les écrits sont souvent rédigés en latin et le poète Du Bellay milite pour qu'on écrive maintenant en français. Il prend pour exemple justement le latin qui est une langue héritée du grec et qui a su trouver une forme de perfection avec des auteurs antiques comme Virgile ou Cicéron. Du Bellay prend évidemment des exmeples issus de l'Antiquité comme tous les humanistes.
Il utilise la métaphore de l'agriculture: le français est une jeune pousse qu'on a délaissé jusqu'à présent mais qui sera capable de produire de beaux fruits. Une langue, comme une plante, peut recevoir des greffes pour devenir plus fertile. Le latin s'est greffé sur le grec et le français se greffe sur le latin.
L'évolution du latin annonce celle du français et peut devenir son modèle dans l'enrichissement et la diffusion du français.
10. Le 11 juin 2017, 20:14 par Muriel Tostivint (lycée Marie Laurencin, Mennecy (91))
La dimension humaniste de Machiavel est plus
problématique. En effet, sa vision pessimiste
de l’homme et de la nature humaine s’oppose
à l’optimisme et à l’éloge de la dignité humaine
des humanistes. On acceptera donc de la part
des élèves une réponse qui mettrait Machiavel
à part. Cependant, l’approche du pouvoir selon
Machiavel reste humaniste en ce qu’il défend
une vision laïque du pouvoir, où le pouvoir a
une valeur en tant que tel et non pas seulement
par délégation de Dieu. Ainsi, le fait que seule
compte l’efficacité du gouvernement du Prince,
et que cette efficacité se mesure non seulement à
l’aune de la pérennité de son pouvoir, mais aussi
au bien commun est humaniste : l’intérêt de
« tous » prime sur l’intérêt d’un « particulier »
 
11. Le 13 juin 2017, 15:12 par Muriel Tostivint (lycée Marie Laurencin, Mennecy (91))

Documents complémentaires: les illustrations sur le texte de guerres picrocholines:

- illustration de G. Doré: vue en classe

- illustrations de Robida:

1) Picrochole sur son trône:

* les marques du registre épique: les armures, les piques foisonnant au second plan, le symbole de l'aigle au second plan qui joue à deux niveaux : 1) référence à l'empire de Charles Quint qui s'étend sur l'Allemagne 2) référence à la Prusse de l'époque de Robida fin XIXème victorieuse sur les français lors de la guerre de 1870: annexion de l'Alsace-Lorraine. Le second plan, plus pâle, représente le plan de l'imaginaire (les conquêtes fantasmées par les conseillers).

* les marques du burlesque: l'accoutrement ridicule des conseillers du roi très corpulents, dont la visière du casque ressemble à un ustensile de cuisine, proche du déguisement. La couronne sur la tête de Picrochole + trône, attributs d'un pouvoir royal dérisoire et décalés en plein champ de bataille. On ne voit aucun visage sauf la caricature d'un conseiller proche du roi.

2) Picrochole parcourant la Terre avec son armée:

* illustration plus inquiétante et moins comique qui rappelle les cavaliers de l'Apocalypse: une allégorie de la guerre.

* une référence à l'empire de Charles Quint qui s'éntendait de l'orient à l'occident (Espagne, Allemagne et  terres du Nouveau Monde). On parlait de l'empire « sur lequel le soleil ne se couche jamais »: le soleil et la lune sur l'illustration.

= une critique de la guerre, un message pacifiste qui peut passer par la caricature et le comique.