Et si le "sexe faible" prenait le pouvoir ?

Aux quatre coins du monde, des femmes se découvrent dotées d'un pouvoir pour le moins puissant. Il est temps de changer le monde, de le contrôler ou le détruire. Entre regroupements extrémistes et nouveaux mouvements religieux, les personnages de Naomi Alderman tentent de se faire une place dans cet étrange système. Mais, est-ce que le Pouvoir a vraiment tout changé ? 

Globalement... 

J'aime énormément ce livre car, dans un sens, il ne relate que des faits, ce qui va se passer ou ce qui est en train d'arriver dans notre système. Dès le début, on est happé par l'action et les questionnements face à un nouveau pouvoir. C'est en quelque sorte une réalité parallèle, un changement qui menace de tout faire exploser. Le rythme de l'histoire est vraiment entraînant, c'est comme un compte à rebours qui va de plus en plus vite. Car, en vérité, on se doute déjà de la fin, du Déluge. L'avant-propos parle d'un document historique, ce qui est vraiment intéressant. 

Ceux qui font avancer le monde

Mon personnage préféré est Roxy. Elle semble être la seule un minimum sensée dans ce monde empli de changements. Son milieu est assez sombre, mais en même temps familial ; son père est un dealer assez connu. Son courage est exemplaire, cependant, ce n'est jamais assez selon les autres. Au départ, elle me faisait bien rire, mais, je trouve la fin ( de son côté, en tout cas) triste. Cette fin rend l'histoire des plus réalistes. 

On découvre aussi Tunde qui a d'excellentes aptitudes niveau journalisme. J'aime bien sa curiosité, et aussi sa position face à certains personnages. Selon moi, le fait que l'auteur donne une certaine importance à ce personnage principal masculin ( car il faut le préciser) est une très bonne idée. Avec son point de vue, on perçoit plus distinctement les bons et mauvais côtés de ce mystérieux pouvoir, et la manière dont en usent les plus puissantes. On se sent porté avec lui, entre ses reportages, ses observations et les femmes qui l'entourent. Il s'intéresse à tout, même les groupes les plus radicaux ; il est à mon avis, un des seuls à vouloir montrer la vérité. 

Au départ, je trouvais Allie, que l'on renommera Eve quasiment tout le long de l'histoire, inspirante. Malgré tout ce qu'elle avait vécu, elle savait transmettre ses connaissances religieuses au reste du monde, sans vexer personne ( parmi les concernées). Cependant, elle est devenue de plus en plus naïve au fur et à mesure du roman, jusqu'à devenir vulnérable. C'est un peu comme sa popularité ; elle cherchait juste à partager ses prévisions d'avenir par rapport aux femmes, mais, elle n'a pas su contrôler son mouvement. Elle se retrouve au final à fermer les yeux sur des comportements plus qu'extrêmes, à mentir pour préserver la foi en ses fidèles. En fait, le plus gros problème avec Allie, c'est cette impression de force qu'elle dégage. Ses motivations étaient justes au départ, mais je trouve qu'elle se donne des pouvoirs, qu'elle ne devrait pas forcément posséder. Cela me rappelle un peu les pouvoirs que possédait l'Eglise, au Moyen-Âge qui contrôlait tout, même certains rois. 

Telle Allie, Margot m'a de plus en plus déçue au fur et à mesure de l'histoire. Cependant, elle rentre parfaitement dans son rôle de politicienne. On sent parfaitement toute la tension de son boulot, et en même temps sa force face à des situations des moins désirables. Elle sait rester droite, peu importe les circonstances. C'est d'ailleurs ce qui m'a plu chez elle : sa détermination et son calme, quelques soient les évènements. Mais, sur certains points, elle s'est révélée plus manipulatrice, comme avec sa fille, Jos. C'est vraiment dérangeant de voir tout ce qu'on peut faire, juste pour ne rien changer. Margot est bien trop possessive pour être une "bonne" mère.

J'ai beaucoup aimé Jos, cependant : c'est vraiment la digne fille de sa mère, on peut le dire ! On nous présente Margot comme un des seuls personnages vraiment malins de cette histoire, mais c'est faux. Jos est suffisamment intelligente pour se cacher, malgré tous ses problèmes. Elle est attachante, bien que l'on n'ait pas pu la voir très longtemps. Le seul hic c'est qu'elle n'est pas très présente. Un personnage comme elle aurait pu tout révolutionner, si elle était apparue plus souvent.  

Quand les hommes prennent les Armes !

Le style de l'histoire est addictif. A chaque page, chaque évènement, on a envie d'en savoir plus sur les réactions des personnages. Certains ont peut-être été déçus avec la fin, mais je la trouve très réaliste. Ce n'est pas un livre fait pour plaire, mais au contraire, réfléchir. On montre des femmes fortes, qui s'élèvent, des hommes contrôlés, un peu faibles mais qui ne perdent pas leur violence; dans certaines zones de ce nouveau monde, il y a une véritable guerre des sexes. L'auteure met un peu en lumière une autre forme de sexisme, qui devient de plus en plus flagrant. Si les femmes ont le pouvoir, pourquoi ne maltraiteraient-elles pas les hommes comme ils l'ont fait ? Pourquoi ces mêmes hommes ne créeraient-ils pas entre eux des mouvements radicaux et terroristes ? Bien entendu, il ne faut pas caricaturer ni généraliser les attitudes des personnes selon leur genre. Cependant, il est bien plus simple pour les personnages secondaires de se battre, plutôt que de discuter. Par exemple, Bessapara exhibe fièrement le nouveau rang des hommes, limité en tant qu'esclave. 

En gros... 

Le lecteur sait très bien que ça va trop loin, ce qui mène d'ailleurs à ce dénouement. C'est peut-être même l'enchevêtrement de mauvaises idées, tout au long du roman qui fait avancer l'histoire, jusqu'à la fin. Ce n'est pas du suspense, car on se doute que les personnages iront trop loin, mais le rythme va de plus en plus vite, on attend un "sauveur" face à cette situation incontrôlable... 

Bref, c'est un excellent roman que je conseille à toutes et à tous de lire.