Tout d’abord Allah n’est pas obligé, est un roman d'Ahmadou Kourouma. Il raconte la vie d’un enfant soldat lors de guerres tribales au Liberia notamment. Le narrateur, un enfant,  est le personnage principal. Il raconte son histoire avec des mots de son âge, de son origine, en ajoutant tout de même des précisions pour ses lecteurs grâce à différents dictionnaires de langue, française et africaine. Dans cette œuvre, Ahmadou Kourouma montre l’atrocité de ces guerres et l’enrôlement forcé des enfants damnés. Le narrateur raconte avec sincérité l’histoire qu’il a vécue en étant un spectateur mais surtout un acteur, il narre comme s’il tenait un journal de bord alors que cette écriture est ultérieure a l’histoire contée. Cette méthode permet au lecteur de s’inscrire bien plus dans l’histoire et d’avoir l’impression de la vivre avec le personnage. 

Birahima est un orphelin parti avec un escroc rejoindre sa tante qu’il ne rencontrera jamais. Il doit pour cela devenir enfant soldat ou « small-soldier » dans différents groupes armés. Nous suivons son évolution et les différents épisodes traumatiques qu’il vit. Il expérimente le deuil de ses parents, de ses camarades puis de sa tante. L’auteur prend une position apparemment distante avec la mort et son personnage n’a pas l’air de ressentir réellement la perte de ses proches. De plus l’enfant est dans une violence ultra présente. Chaque histoire qu’il raconte est menée par de la violence et des morts innocents. Il retrace en même temps l’histoire des pays qu’il traverse. On comprend à travers son récit comment les guerres tribales ont pu débuter. L’auteur utilise son personnage comme un témoin dans une optique de dénonciation. Son langage corrosif démasque l’hypocrisie. Il permet aussi de rendre hommage à tous les morts, victimes de ces conflits. 

Ce roman aborde également un thème plus politique puisqu’il examine le désordre de la guerre civile : il n’y a plus de loi ni de normes à suivre, chacun tente de survivre comme il peut, en s’associant au plus offreur. Comme le répète bien souvent le narrateur « ça, c’est la guerre tribale qui le veut », tout le monde ne peut plus suivre de valeurs acceptables puisque la situation elle-même ne l’est pas. L’auteur dresse alors une vive critique de l’état de guerre et de la bestialité dont peuvent faire preuve les hommes. La drogue, le meurtre, le viol rythment les expériences de Birahima. Pour sa survie, l’homme peut être amené à rendre un enfant innocent, coupable de crimes et de mourir sans avoir connu aucune joie profonde et sans avoir joui de la liberté. L’auteur montre l’inutilité de la violence et l’avidité des hommes qui souhaitent le pouvoir au nom de croyances tournées à leur avantage, qu'elles soient musulmanes ou fétichistes. Le titre complet « Allah n’est pas obligé d’être juste dans toutes ses choses ici-bas », est ironique. On voit également que le jeune garçon a une large fascination pour tous les dirigeants qu’il rencontre et qu’il finit toujours dégoûté par ceux-là, par se rendre compte de leur besoin insatiable de pouvoir.

Pour finir l’œuvre est pleine d’humilité et cherche très finement à retranscrire un épisode sanglant et complexe. En nous montrant la vision d’un enfant, l’auteur nous dépeint simplement et en transparence l’atrocité dont l’homme peut faire preuve. Les mots savamment choisis sont poignants et ne peuvent que transmettre au lecteur la vision traumatique de ce chaos général, qui a pour principal victime de jeunes enfants. J’ai alors trouvé ce roman rempli de sens et d’intérêt pour tout d’abord la mémoire historique et puis pour retranscrire des fléaux que l’humanité a subi et fait subir.

Anaïs