Dans la Forêt est un roman d’anticipation, dystopique ainsi que féministe. L’histoire se déroule aux États-Unis à une époque que l’on pourrait caractériser de contemporaine. Jean Hegland plante le décor dans une maison de campagne située au centre d’une forêt, non loin du village de Redwood, où vivent deux sœurs témoins d’un effondrement de la société. Le roman se présente sous la forme d’un journal intime écrit par Nell, trouvé par hasard derrière une commode, offert par sa sœur Eva en cadeau de noël.

Livrées à elles-mêmes, sans parents, privées d’eau, d’électricité, d’approvisionnement, et de moyens de communication, elles vont progressivement apprendre à vivre en autarcie et à développer des savoir-faire leur permettant de survivre.

Pour ma part, j’ai apprécié l’aspect survivaliste de ce roman de science-fiction. La forme du journal intime m’a vraiment permis de m’identifier à l’héroïne et de rentrer dans les moindres détails de sa pensée. J’ai énormément apprécié aussi le fait que les deux adolescentes n’attendent pas d’être sauvées par les hommes, on le remarque dans la phrase « qu’y a-t-il de pire, un ours ou un homme? ». Dans ce roman, il y a une forme réelle de rejet du masculin, qui présente une réflexion sur la condition des femmes. La force du roman est d’établir un suspens grandissant au fur et à mesure du drame qui s’installe. L’auteur sait nous faire ressentir l’ambiance étouffante du huis-clos familial à l’intérieur de la maison pour nous conduire et nous libérer vers la forêt. C’est là que les deux sœurs apprendront à chasser, à cultiver, à se débrouiller par elles-mêmes. On peut qualifier la forêt d’allégorie car elle représente en elle-même la vie, c’est grâce à elle que nos héroïnes réussissent à survivre.

Parallèlement à cette survie physique, j’ai appris combien il était important d’organiser sa survie psychique par des passions comme la danse pour Eva et la soif d’instruction de Nell, qui, souhaitant rentrer à Harvard, se lance dans la lecture du dictionnaire que son père lui avait offert.

Pourtant on peut déplorer l’aspect répétitif des descriptions, telle que la maison familiale décrite avec insistance sur plus d’une centaine de pages. Mais en fin de compte ces répétitions ne sont pas si importantes car l’aspect à la fois mélancolique, poétique, puissant et touchant de l’écriture de Jean Hegland m’a vraiment plu.

Je pense aussi que la force de ce roman est concentrée dans la vision écologique proposée par Jean Hegland. Elle utilise la notion de quête initiatique pour amener à une réflexion écologique en lançant une alerte qui souligne qu’il est temps de ne faire qu’un avec la nature au lieu de la dégrader. Ce roman a particulièrement changé ma vision de la vie car ce n’est pas l’apocalypse que l’on retient de ce roman mais le fait que c’est notre société qui déborde d’absurdités telles que la surinformation, la surconsommation, la surreprésentation, qu’il y a vraiment un excès de la société qui nous empêche de nous rappeler que l’avenir est probablement dans un retour vers une vie moins aliénante.