L’école française de géopolitique est plus récente que les deux écoles précédemment décrites. Mais dès la fin du XIXe siècle, des géographes se sont intéressés aux enjeux politiques dans les territoires.  Nous avons pris le parti de n’évoquer que quelques auteurs au sein de la galaxie de la géopolitique en France. Pour avoir une vue plongeante sur la géopolitique, en particulier sur les différents modèles géopolitiques, il faut se référer à l’article du géographe Denis Retaillé, « La géopolitique dans l’histoire », Espace Temps, 1998 (en ligne)

 https://www.persee.fr/doc/espat_0339-3267_1998_num_68_1_4333)

Pour Yves Lacoste, considéré comme le « père » de la géopolitique en France dans une présentation eucharistique de la discipline, celle-ci peut être définie comme l’étude « des rivalités de pouvoir entre des communautés humaines sur des territoires, rivalités brutales ou courtoises, via des armes ou des élections. Cependant, ces rivalités n’ont pas toujours le territoire pour véritable enjeu, loin de là ! Ce sont plutôt des appréhensions du monde, des représentations qui s’affrontent ou se confrontent ». Il ne faut pourtant pas attendre Yves Lacoste pour voir des géographes s’intéresser à ces rivalités.

Lorsque le géographe Paul Vidal de la Blache (professeur exilé de Strasbourg à Nancy) propose une étude de la frontière franco-allemande (La France de l’est, 1917), il intègre un certain nombre d’éléments d’ordre physique, économique, démographique et surtout historique qui expliquent sa mise en garde à la fin de l’article quant aux ambitions allemandes de s’emparer et de contrôler un vaste ensemble rhénan du lac de Constance à la Flandre Il tente de prouver par ailleurs la non-germanité de l’Alsace-Lorraine. Auteur d’une Géographie universelle, Vidal de la Blache est aussi l’un des premiers à produire des cartes qui expriment les rapports de force entre les Etats avec leurs couleurs et leurs symboles différenciés.  La carte des divisions militaires met par exemple en avant la frontière de l’est, face à l’ennemi héréditaire, l’Allemagne. La taille des noms de villes fortifiées du côté français témoigne de son parti pris. Vers la même période, nous trouvons aussi André Siegfried, fils de Jules Siegfried, qui, après avoir étudié la géographie électorale,  publie en 1913  le Tableau politique de la France de l’Ouest sous la Troisième République, un ouvrage fondateur de la géographie électorale. Enfin, il faut naturellement citer le géographe Jacques Ancel, auteur de Géopolitique en 1936. Cet agrégé d’histoire et de géographie, a participé à la bataille de Verdun, dont il ressort décoré de la Croix de guerre et de la Légion d’Honneur. Il est l’un des premiers à penser la frontière en tant qu’objet géographique et géopolitique. Rejetant l’idée de frontière naturelle, puisque la frontière est d’abord une construction politique et sociale, Jacques Ancel publie en 1936 Géographie des frontières, préfacé d’ailleurs par André Siegfried. Dès la première phrase de l’ouvrage, Ancel définit son programme ; « La géographie des frontières n’est qu’un aspect de la géographie politique ». Après lui Jean Gottman (auteur en 1951 de La politique des Etats et leur géographie et inventeur du néologisme Megalopolis) enrichit les études de géopolitiques durant les années 1950 et 1960 en insistant sur le cloisonnement de l’espace (autrement dit son organisation en territoires différenciés) et les circulations qui rendent possibles ou non les équilibres. Enfin, 1976 représente une date clé dans la construction de la discipline géopolitique universitaire française avec la publication du livre du géographe Yves Lacoste, La géographie, ça sert, d’abord, à faire la guerre2 et la création de la revue Hérodote. Lacoste définit la géopolitique comme tout ce qui intéresse les rivalités de pouvoirs ou d’influences dans un espace. Il s’étonnait encore 2008 du surgissement du mot en 1979, comme s’il avait fallu attendre le conflit entre Khmers et Vietnamiens pour comprendre que les enjeux de puissance ont à voir avec le contrôle de l’espace. Le géographe attache par ailleurs beaucoup d’importance aux « représentations » des territoires ; une idéalité tout aussi importante que la matérialité. Ses travaux, publiés dans un contexte de tensions internationales (chocs pétroliers, des guerres au Proche et Moyen-Orient, Guerre Froide, guerres en Asie du sud-est), ouvrent la porte à une série d’études fécondes enrichissant toutes les sciences sociales (histoire, sociologie, démographie, économie etc.) et permettant de sortir des analyses dépassées centrées sur les idéologies ou les seuls intérêts économiques. Lacoste réhabilite également Vidal de la Blache puisqu’il ne se contente pas de rééditer La France de l’Est mais rédige pour elle une préface élogieuse (1994) après avoir coordonné le Dictionnaire de géopolitique (1994) paru chez Flammarion. Aujourd’hui, de nombreux spécialistes en France et à l’étranger nous permettent de mieux comprendre les enjeux géopolitiques, qu’ils soient historiens, géographes, politologues ou philosophes : Michel Foucher, Pierre Grosser, Frédérick Douzet, Frédéric Lasserre, Pascal Boniface, Thomas Gomart, Olivier Zajec, Serge Sur, John Gaddis, Geir Lundestad, John Darwin, Fréderic Gros Niall Ferguson etc. Il faut également compter sur un certain nombre de revues, plus ou moins orientées comme  Conflits, Diplomatie, Carto,  ou encore Questions internationales et d’autres ressources comme :

L’IFRI : https://www.ifri.org/

L’IRIS : https://www.iris-france.org/publications/

La revue historique des armées : https://journals.openedition.org/rha/

La revue Défense nationale : https://www.defnat.com/revue-defense-nationale.php

Diploweb : https://www.diploweb.com/Actualite-des-revues-geopolitiques,360.html

Geostrategia : https://www.geostrategia.fr/

Les vidéos de l’IHEDN : https://www.ihedn.fr/mediatheque/video?filters%5Bscald_atom%3Afield_scald_type_media%5D=34