Guerre impossible, paix improbable ...

Voilà une citation ... qui est de Raymond Aron... et qui peut être un  sujet de dissertation au bac ... je vous poste un corrigé trouvé sur internet, et très légèrement modifié. Ce que je trouve intéressant dans cette correction, c'est que l'auteur a repris les termes du sujet pour construire son plan : I/ Paix impossible II/ Et donc neutralité impossible : la bipolarisation du monde III/ et guerre improbable ; vous remarquerez aussi que l'auteur parle des crises de la guerre froide, mais ne se noie pas dans l'évènementiel.

Voici donc le corrigé ...

Sujet : « Paix impossible, guerre improbable ». Montrez en quoi cette citation de Raymond Aron caractérise la nature des relations internationales de 1945 à 1962.

 

L'adresse du site : www.etnoka.fr/.../guerre%20et%20paix.doc

 

Sujet : « Paix impossible, guerre improbable ». Montrez en quoi cette citation de Raymond Aron caractérise la nature des relations internationales de 1945 à 1962.

  

                Latente depuis 1945, la rupture entre l’Union soviétique et les Etats-Unis est consommée dès 1947. Si la mort de Staline en 1953 ouvre une période –qualifiée de « dégel »- de relative amélioration du climat entre les 2 Grands, celle-ci fait toutefois rapidement place à un retour en force de la Guerre Froide. Elle manque d’ailleurs de devenir « chaude » en 1962 lors de la crise des fusées de Cuba : le monde entier retient son souffle, mais les négociations au bord du gouffre permettent d’éviter une Troisième Guerre mondiale. Comment les Alliés d’hier sont-ils devenus, à peine le second conflit mondial achevé, des ennemis irréconciliables ? Cet affrontement d’un type nouveau se définit par le fait qu’il ne doit y avoir en aucun cas de conflit mettant directement aux prises les belligérants.

En quoi la citation de R. Aron, « paix impossible, guerre improbable », résume-t-elle parfaitement la règle du jeu de la Guerre Froide, c’est-à-dire accepter l’épreuve de force sans provoquer d’affrontement armé avec l’adversaire ?

Pour tenter de répondre à cette question, nous évoquerons d’une part l’impossibilité pour chaque camp d’envisager la paix, d’autre part le fait qu’un véritable conflit direct soit impensable entre les 2 superpuissances de l’époque.

 

 

                Dans quelle mesure peut-on affirmer qu’une paix n’est pas envisageable entre les Etats-Unis et l’URSS ? 

                Si l’alliance entre les 2 Grands ne pouvait pas durer, c’est aussi à cause d’ambitions rivales. En effet, au cœur du système occidental se trouve la liberté individuelle, principe suprême de l’idéologie libérale qu’il est impératif de respecter ; en revanche, l’URSS souhaite promouvoir l’égalité sociale, or il est nécessaire pour l’imposer de supprimer certaines libertés. De plus, le communisme est une doctrine tournée vers l’avenir, donc toujours à construire ; elle a également une vocation universelle : pourquoi priver les hommes d’un tel bonheur ?

A ces différences d’ordre idéologique s’ajoute donc la compétition entre les 2 puissances pour dominer le monde, renforcée par leurs soucis défensifs respectifs, en particulier pour l’URSS, chez qui le sentiment de « citadelle assiégée » persiste : elle va donc chercher à constituer un « glacis défensif » à ses frontières.

Cette rivalité se trouve renforcée par le déclin de l’Europe qui, loin de constituer la 3ème force qui aurait joué le rôle de « zone tampon » entre les belligérants, représente au contraire un territoire à conquérir.

Chacun souhaitant la mort du système ennemi, la fin du conflit ne peut donc se traduire que par la disparition d’un des adversaires.

 

 

Ainsi, les ambitions rivales aboutissent à la formation de 2 blocs opposés à tous points de vue : cela impose un choix, la neutralité semble alors impossible.

Du côté des Occidentaux, la doctrine Truman –ou « endiguement »- vise à contenir le communisme à l’intérieur de ses frontières ; puis le plan Marshall de 1947 apporte une aide financière à 16 pays européens regroupés au sein de l’OCDE ; enfin la « pactomanie » américaine bat son plein avec une série d’accords : Alliance Atlantique en 1949, pacte de Rio en 1947, puis pacte de Bagdad, ANZUS…

L’URSS réplique systématiquement aux initiatives des Etats-Unis : doctrine Jdanov établissant une solidarité idéologique, matérialisée par la création du Kominform en 1947 ; au niveau militaire, la plupart des démocraties populaires sont regroupées au sein du pacte de Varsovie en 1955 ; des traités bilatéraux sont aussi conclus avec la Chine et la Corée du Nord.  

Il règne dans les 2 camps un climat de suspicion extrême : dès lors, comment envisager une paix durable ? En France, la CGT se divise, les ministres communistes sont limogés. Aux Etats-Unis, les fonctionnaires sont soumis à des enquêtes, comme dans une dictature ! Les époux Rosenberg, soupçonnés d’espionnage nucléaire au profit de l’URSS, sont condamnés à mort : un choix discuté, d’autant plus que le pays n’est pas en temps de guerre et que les preuves manquent. Le maccarthysme –ou « chasse aux sorcières »- connaît son apogée avec la guerre de Corée en 1950-53.

Les ambitions rivales des 2 Grands ont donc conduit à la formation de blocs ennemis, rendant ainsi la paix impossible.

 

                Cependant, si la paix est impossible, la guerre est tout aussi improbable ; eneffet,dès 1949, l’URSS possède la bombe atomique ; quant à la bombe hydrogène, elle sait la produire en 1953, soit à peine un an après les Etats-Unis. Mais chacun possède aussi une panoplie importante d’armes conventionnelles. Cet armement menace le monde de destruction de manière permanente. Si l’arme atomique représente avant tout un moyen de dissuasion, la crainte d’une apocalypse nucléaire semble toutefois bien réelle. C’est pourquoi, de la tactique des « représailles massives », on évoluera vers la « riposte graduée », afin de proportionner la réponse à la gravité de l’attaque.

                Telle est la règle du jeu de la Guerre Froide : accepter l’épreuve de force  sans esquisser de geste directement agressif envers l’adversaire ; c’est pour cela que le conflit est qualifié de « froid », par opposition à une « guerre chaude » dans laquelle les adversaires s’affrontent militairement.

                En effet, les dirigeants ont su préserver la paix à chaque fois que la tension montait : les belligérants s’entendent tacitement pour stopper l’escalade, afin de ne pas entraîner la destruction du monde. Ce fait est illustré par de nombreux exemples. Ainsi, lorsque Staline décide en 1948 le blocus de Berlin, les Occidentaux répliquent par un pont aérien afin de ravitailler la ville, et non par une intervention militaire sur le terrain. De même lors de la crise de Suez en 1956 : face à la menace soviétique de représailles atomiques, les Etats-Unis s’empressent de contraindre leurs alliés à faire marche arrière. La construction du Mur de Berlin en août 1961 ne provoque que des protestations verbales de la part des Occidentaux. Enfin, la guerre de Corée qui se déroule de 1950 à 1953, illustre bien la logique de la Guerre Froide. Les Etats-Unis interviennent en effet sous la bannière de l’ONU, tandis que la Chine se cache derrière des « volontaires » et que l’URSS soutient indirectement la Corée du Nord. Il ne s’agit donc pas d’un conflit américano-soviétique, mais plutôt d’une guerre Corée du Nord contre ONU et Corée du Sud… ce qui ne constitue en fait qu’un artifice sémantique. Mais le but des Américains n’est pas de conquérir toute la Corée, ni même d’entrer en guerre contre l’URSS ; il s’agit simplement d’effacer l’agression, de revenir à la situation initiale. En 1962 des négociations au bord du gouffre évitent que la crise de Cuba ne dégénère en Troisième Guerre mondiale : Khrouchtchev préfère céder.

                Les belligérants coopèrent même ensemble, ce qui démontre la prise de conscience de leur responsabilité et leur refus d’une guerre. Cela est d’autant plus vrai que, si lors des périodes de tension, la solidarité se renforce au sein des blocs, en revanche la détente favorise la contestation interne de la suprématie du chef. Les adversaires doivent donc également se préoccuper de maintenir l’ordre dans leurs rangs. Des conciliations entre les ennemis sont même tentées : ainsi en 1956 l’URSS dissout le Kominform en signe de bonne volonté, la déstalinisation est entreprise…

Pour toutes ces raisons, les 2 Grands recherchent systématiquement une solution diplomatique aux crises, plutôt que d’entrer dans l’engrenage de la violence, qui aurait immanquablement provoqué la guerre.

 

                La phrase de Raymond Aron « paix impossible, guerre improbable » illustre donc à merveille la réalité des relations internationales entre 1945 et 1962. En effet la Guerre Froide, affrontement d’un type nouveau, se caractérise par l’absence de conflit armé direct entre les 2 Grands. Il faut effacer l’agression, le tout étant d’accepter l’épreuve de force sans faire preuve d’agressivité envers l’adversaire, afin de préserver la paix mondiale. Il n’existe donc aucune alternative : la seule façon de résoudre le conflit est la disparition d’un des 2 belligérants, guerre « traditionnelle » et paix sont donc impossibles. Seule l’implosion de l’URSS permettra la fin de la Guerre Froide.

Or au début des années 1960 lorsque Khrouchtchev déclare « vos petits-enfants vivront sous le communisme », personne ne se moque de tels propos. Toutefois, suite à la crise des fusées de Cuba, où le monde a frôlé la Troisième Guerre mondiale, le téléphone rouge est installé afin de permettre aux 2 Grands de se concerter en cas de crise. S’ouvre alors une période de « coexistence pacifique » marquée par une certaine coopération entre les 2 blocs, notamment par le développement des échanges commerciaux. Mais la paix comme la guerre demeurent inenvisageables.