Analyse de la mort de Nana (Zola)

ALTERNATE ENDING - NANA JEAN RENOIR 1922

   
Nana , Emile Zola (chapitre 14) (1881)                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                

— Ah ! elle est changée, elle est changée, murmurait Rose Mignon, demeurée la dernière.

Elle partit, elle ferma la porte. Nana restait seule, la face en l’air, dans la clarté de la bougie. C’était un charnier, un tas d’humeur et de sang, une pelletée de chair corrompue, jetée là, sur un coussin. Les pustules avaient envahi la figure entière, un bouton touchant l’autre ; et, flétries, affaissées, d’un aspect grisâtre de boue, elles semblaient déjà une moisissure de la terre, sur cette bouillie informe, où l’on ne retrouvait plus les traits. Un œil, celui de gauche, avait complètement sombré dans le bouillonnement de la purulence ; l’autre, à demi ouvert, s’enfonçait, comme un trou noir et gâté. Le nez suppurait encore. Toute une croûte rougeâtre partait d’une joue, envahissait la bouche, qu’elle tirait dans un rire abominable. Et, sur ce masque horrible et grotesque du néant, les cheveux, les beaux cheveux, gardant leur flambée de soleil, coulaient en un ruissellement d’or. Vénus se décomposait. Il semblait que le virus pris par elle dans les ruisseaux, sur les charognes tolérées, ce ferment dont elle avait empoisonné un peuple, venait de lui remonter au visage et l’avait pourri.

La chambre était vide. Un grand souffle désespéré monta du boulevard et gonfla le rideau.

A Berlin ! à Berlin ! à Berlin !  

 

Source texte : http://fr.wikisource.org/wiki/Nana/Chapitre_14   

 

 

1-Hommage à Balzac

2-Hyperbole   

3-Corps grotesque  

4-Jeux des lumières   

5-Lexique médical        

6-Portée symbolique et politique

7-Observations du film de Jean Renoir (extrait vidéo)

 

1-Hommage à Balzac

 

Zola passionné pour Honoré de Balzac et pour son œuvre immense « la comédie humaine », s'en inspire pour écrire les Rougons-Macquart , une œuvre elle aussi mettant en scène les mœurs de l'époque Les Rougon-Macquart sont ainsi une rencontre de Balzac et de sa fresque romanesque avec la science du milieu du XIXe siècle (médecine). Zola s'inspire principalement de la mort de Valérie Marneffe dans "la Cousine Bette" pour la mort de Nana, cela est visible notamment par la reprise de la  métaphore hyperbolique "je suis un tas de boue".

 

2-Hyperbole

 

Dans le roman, on note la présence de quelques hyperboles pour accentué l'atroce façon dont meurt Nana  :



"Cette bouillie informe»,"un rire abominable", "les charognes tolérées", "ce masque horrible et grotesque du néant", "elles semblaient déjà une moisissure de la terre"

 

 

3-Corps grotesque

 


Le réalisme du texte se démarque notamment par l'utilisation du corps grotesque avec des expressions telles que :

"une pelletée de chair corrompue", "Les pustules avaient envahi la figure entière, un bouton touchant l’autre ; et, flétries, affaissées, d’un aspect grisâtre de boue, elles semblaient déjà une moisissure de la terre, sur cette bouillie informe, où l’on ne retrouvait plus les traits", "le bouillonnement de la purulence ","Le nez suppurait encore"," Toute une croûte rougeâtre partait d’une joue, envahissait la bouche, qu’elle tirait dans un rire abominable", "lui remonter au visage et l’avait pourri", "Vénus se décomposait", "pourri"

 

4-Jeux des lumières

 

Dans Nana, Zola s'est servi de jeux de lumières pour rendre le texte plus réaliste et attrayant :

"La clarté de la bougie", "aspect grisâtre de boue", "un trou noir et gâté", "une croûte rougeâtre"," leur flambée de soleil, coulaient en un ruissellement d’or", "sombre"

 

5-Lexique médical


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Zola étant un naturaliste, on retrouve dans Nana beaucoup de vocabulaire scientifique :

" tas d’humeur et de sang", "une pelletée de chair corrompue" ,"Les pustules", "flétries, affaissées, d’un aspect grisâtre de boue"," une moisissure de la terre sur cette bouillie informe", " purulence", "Le nez suppurait encore", "Toute une croûte rougeâtre partait d’une joue, envahissait la bouche", "Vénus se décomposait"," le virus"," elle avait empoisonné", "remonter au visage et l’avait pourri"

 

6-Portée symbolique et politique

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Pour Zola, Nana incarne la société pourrissante du Second Empire. Sa mort dans la pourriture quand commence la guerre de 1870 est le symbole de la pourriture du régime .Donc Zola condamne le style de vie de Nana et avec lui celui du Second Empire.Les " charognes tolérées " dont nous parle Zola, c’est de la prostitution de luxe, c’est aussi l’alcoolisme et la bassesse morale de toute la population, ouvrier et paysan .Les termes "charnier", "tas", "pelletée" évoquent une mort de groupe et ajoute la mort de Nana à celle des soldats de la guerre qui va avoir lieu (d'où l'exclamation "à Berlin..."pour évoquer le début de la guerre").


7-Observations du film de Jean Renoir (extrait vidéo)

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Le film de Renoir reste fidèle à l'adaptation de l'œuvre classique d'Emile Zola, Nana. Dans ce film muet, les acteurs réussissent à faire passer leurs émotions et leurs ressenties par la gestuel et non par la parole. Les acteurs sont habités et dégagent une sensation étrange. Les décores très soignés sont les mêmes que ceux décrit par Zola. La douleur et la souffrance de Nana sont illustrés lorsqu'elle agrippe fermement son mari (1:00 jusqu'à 1:30).La mort de Nana est symbolisée ici par la chute du bout de tissu puis par les lumières du lustre qui s'éteignent (1:31 puis 1:35).