L'affiche comprend :

  • une phrase d'accroche : « Des libérateurs ? La Libération par l'armée du crime ! » ;
  • Les dix visages de résistants accompagnés de leur nom, leur religion, leur parti politique, leur nationalité et leurs délits.
    • « Grzywacz – Juif polonais, 2 attentats »,
    • « Elek – Juif hongrois, 8 déraillements »,
    • « Wasjbrot  – Juif polonais, 1 attentat, 3 déraillements »,
    • « Witchitz – Juif hongrois, 15 attentats »,
    • « Fingerweig – Juif polonais, 3 attentats, 5 déraillements »,
    • « Boczov – Juif hongrois, chef dérailleur, 20 attentats »,
    • « Fontanot  – Communiste italien, 12 attentats »,
    • « Alfonso – Espagnol rouge, 7 attentats »,
    • « Rajman – Juif polonais, 13 attentats »,
    • « Manouchian – Arménien, chef de bande, 56 attentats, 150 morts, 600 blessés » ;
  • six photos d'attentats ou de destructions, représentant des actions qui leur sont   reprochées.

 

  • La mise en page marque une volonté d'assimiler ces dix résistants à des terroristes :
  • la couleur rouge et le triangle formé par les portraits apportent de l'agressivité ;
  • les six photos en bas, pointées par le triangle, soulignent leurs aspects criminels
  • La couleur rouge de l'affiche connote la violence, le sang...

Le but de l'affiche rouge est donc de faire peur aux citoyens

Mais elle a aussi eu l’effet contraire. L'affiche se diffuse dans toute la France, largement placardée sur les murs des villes et des villages français. Les visages des résistants suscitent la sympathie et l'admiration de certains d’entre eux. De nombreux anonymes déposent des fleurs au pied des affiches et collent des bandeaux sur lesquels on peut lire : « Oui, l’armée de la résistance », « Morts pour la France », ou « Des martyrs ». Pour toute la Résistance, elle devient l'emblème du martyre.

L'affichage partout dans Paris fut accompagné par la diffusion large d'un tract reproduisant :au recto, une réduction de l'affiche rouge ; et au verso, un paragraphe de commentaire « l’Armée du crime contre la France » dénonçant « Le complot de lʼAnti-France »,

Le réseau Manouchian

 

Il est dirigé par un Arménien, Missak Manouchian. Il faisait partie des Francs-tireurs et partisans - Main-d'œuvre immigrée (FTP-MOI). Une formation spécifiquement composée d'étrangers, encadrés par le Parti communiste. Ils représentent la lutte armée.

 

Il était constitué de 23 résistants communistes, dont 20 étrangers et une femme, des Espagnols rescapés de Franco, des Italiens résistant au fascisme, Arméniens, Juifs surtout échappés à la rafle du Vel'd'Hiv de juillet 1942.

Ils sont arrêtés en novembre 1943 et jugés en février 1944, condamnés à mort le 21 février 1944. Les 22 hommes sont fusillés le même jour et Olga Bancic, la seule femme du groupe, est décapitée le 10 mai de la même année puisque le manuel de droit criminel interdisait alors de fusiller les femmes.

Le Journal officiel, du 13 juillet 1947, rend public un décret signé le 31 mars 1947 attribuant la Médaille de la résistance à titre posthume à plusieurs d’entre eux.

Musique

En s'inspirant de la dernière lettre de Missak Manouchian à sa femme avant son exécution, Louis Aragon écrit le poème Strophes pour se souvenir en 1955, à l'occasion de l'inauguration de la rue du Groupe-Manouchian située dans le 20e arrondissement de Paris. Ce poème est mis en musique et chanté par Léo Ferré en 1959. Dernière lettre de Manouchian à sa femme Mélinée :

 

Ma Chère Mélinée, ma petite orpheline bien-aimée,

 

Dans quelques heures, je ne serai plus de ce monde. Nous allons être fusillés cet après-midi à 15 heures. Cela m'arrive comme un accident dans ma vie, je n'y crois pas mais pourtant je sais que je ne te verrai plus jamais.

Que puis-je t'écrire ? Tout est confus en moi et bien clair en même temps.

 

Je m'étais engagé dans l'Armée de Libération en soldat volontaire et je meurs à deux doigts de la Victoire et du but. Bonheur à ceux qui vont nous survivre et goûter la douceur de la Liberté et de la Paix de demain. Je suis sûr que le peuple français et tous les combattants de la Liberté sauront honorer notre mémoire dignement. Au moment de mourir, je proclame que je n'ai aucune haine contre le peuple allemand et contre qui que ce soit, chacun aura ce qu'il méritera comme châtiment et comme récompense.

 

Le peuple allemand et tous les autres peuples vivront en paix et en fraternité après la guerre qui ne durera plus longtemps. Bonheur à tous... J'ai un regret profond de ne t'avoir pas rendue heureuse, j'aurais bien voulu avoir un enfant de toi, comme tu le voulais toujours. Je te prie donc de te marier après la guerre, sans faute, et d'avoir un enfant pour mon bonheur, et pour accomplir ma dernière volonté, marie-toi avec quelqu'un qui puisse te rendre heureuse. Tous mes biens et toutes mes affaires je les lègue à toi à ta sœur et à mes neveux. Après la guerre tu pourras faire valoir ton droit de pension de guerre en tant que ma femme, car je meurs en soldat régulier de l'armée française de la libération.

 

Avec l'aide des amis qui voudront bien m'honorer, tu feras éditer mes poèmes et mes écrits qui valent d'être lus. Tu apporteras mes souvenirs, si possible à mes parents en Arménie. Je mourrai avec mes 23 camarades tout à l'heure avec le courage et la sérénité d'un homme qui a la conscience bien tranquille, car personnellement, je n'ai fait de mal à personne et si je l'ai fait, je l'ai fait sans haine. Aujourd'hui, il y a du soleil. C'est en regardant le soleil et la belle nature que j'ai tant aimée que je dirai adieu à la vie et à vous tous, ma bien chère femme et mes bien chers amis. Je pardonne à tous ceux qui m'ont fait du mal ou qui ont voulu me faire du mal sauf à celui qui nous a trahis pour racheter sa peau et ceux qui nous ont vendus. Je t'embrasse bien fort ainsi que ta sœur et tous les amis qui me connaissent de loin ou de près, je vous serre tous sur mon cœur. Adieu. Ton ami, ton camarade, ton mari.

 

Manouchian Michel.

 

 

P.S. J'ai quinze mille francs dans la valise de la rue de Plaisance. Si tu peux les prendre, rends mes dettes et donne le reste à Armène. M. M.

 

 

Manouchian, martyr de la résistance française, écrit cette lettre quelques heures avant son exécution. C’est :

Une lettre sur la forme,

Un message d'amour à sa femme à ses parents et ses amis

Un testament avec l'usage de termes habituels du testament "ma dernière volonté", "je lègue", "tous mes biens"...,

Un réquisitoire contre l'affiche rouge qui le présentait comme un criminel; Manouchian se revendique comme un français, un membre de l'armée de Libération, "un soldat régulier", il n'est pas un terroriste, il va mourir injustement car la victoire du front de Libération est proche.

Un poème avec d’importants champs lexicaux de la liberté, de l'amour et de la tendresse, et du registre pathétique. On note la construction du texte par strophes et la présence d'allitérations et d'assonances.

  

Ecoute de la chanson de Leo Ferre

 

 Sources

http://www.cdilavoisierpantin.fr/article-la-lettre-de-manouchian-a-sa-femme-melinee-100941852.html

https://fr.wikipedia.org/wiki/Affiche_rouge

https://www.thinglink.com/scene/754691361323614209#